La communication de crise risquée de Sephora

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Par Christophe Ginisty Modifié le 6 décembre 2012 à 5h52

L'enseigne de produits de beauté est en pleine tourmente depuis qu'une intersyndicale l'a assignée en justice pour non respect des règles relatives au travail nocturne. Même si l'on peut se demander pourquoi les représentants des salariés se réveillent maintenant alors que ces horaires sont en vigueur depuis de nombreuses années, le cas est intéressant à étudier.

Comme le rapporte notamment Libération : "Les syndicats du commerce parisien ont assigné en justice le distributeur de parfums et cosmétiques Sephora (groupe LVMH) pour dénoncer l'ouverture nocturne de son magasin des Champs-Elysées et une décision en référé est attendue jeudi devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris. Le Clic-P (intersyndicale du commerce de Paris CGT, CFDT, FO, CFTC, SUD et CGC), reproche à l'enseigne d'ouvrir au-delà de 21H00 son magasin amiral situé sur la célèbre avenue parisienne. Or la loi stipule que le recours au travail de nuit (après 21H00 et jusqu'à 6H00) est en principe exceptionnel et doit être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale."

Ce qui m'intéresse dans cette histoire n'est pas tant le fond que la manière avec laquelle l'enseigne a réagi. Piquée au vif, elle a publié une pleine page dans la presse sur le thème de la menace pour l'emploi. En d'autres termes, Sephora n'a pas cherché à traiter le problème. Pour elle, il n'y a pas matière à discuter. Nous sommes en temps de crise et l'action des syndicats aura pour conséquence de mettre 45 personnes à la porte.

Cette réaction est très étonnante de la part d'une marque aussi grand public. C'est une posture agressive et provocatrice, là où il est plus généralement recommandé de faire acte de retenue, voire d'empathie lorsqu'une polémique éclate. Il peut se révéler extrêmement risqué de se lancer dans un bras de fer public pour plusieurs raisons.

La première est que cela peut avoir une influence très néfaste sur les juges qui vont devoir traiter l'action en référé des syndicats. Ces derniers peuvent prendre la campagne de Sephora pour une tentative d'intimidation, une sorte de chantage assez déplacé à quelques jours de l'audience. Lorsqu'une entreprise est au coeur d'une procédure devant la justice, il est préférable d'attendre, de s'en remettre à la sagesse des magistrats et ne pas tenter de les impressionner.

Et puis, il y a un autre impératif quand on gère une situation de crise : il faut faire preuve d'une certaine empathie. Même si l'on ne partage pas le point de vue de ses opposants, même si l'on est confronté à une agression, il faut au moins leur faire passer le message que l'on a pris en compte la nature de leur plainte, surtout en matière sociale. Acheter une pleine page dans la presse pour ainsi flinguer ses adversaires est la pire entame possible car cela fige les tensions et retarde l'inévitable négociation.

Enfin, il y a toute la difficulté d'utiliser une stratégie de défense ou de contre qui repose sur un chantage. Promettre l'apocalypse sociale si les syndicats obtiennent gain de cause est inapproprié, surtout quand on est hors la loi. Quel que soit ce que l'on pense du fond du dossier, on ne peut pas tenir la position qui consiste à se servir de la crise pour enfreindre la règle.

Bref, je suis très impatient de voir comment va évoluer cette histoire car cela pourrait endommager la marque qui a pourtant souvent tenté d'établir et revendiquer des valeurs citoyennes. A noter également — et sans aucun rapport mais tout de même colatérale — cette affaire qui a touché la marque la semaine dernière : la mise à pieds d'une salariée pour une malencontreuse pince à cheveux retrouvée dans son sac.

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Christophe Ginisty est professionnel de la communication, patron du numérique pour le Benelux au sein de l'agence Ketchum, blogueur sur www.ginisty.com. Son Twitter : @cginisty.

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