Les donneurs d’ordre, nouveaux garants des droits des salariés des sous-traitants ?

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Par Cédric Jacquelet Publié le 16 mai 2014 à 2h15

Le Sénat a adopté, le 6 mai 2014, une proposition de loi visant notamment à "lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs". Ce type de dispositif n’est pas nouveau. Un pas important est cependant en passe d’être franchi par ce texte qui pourrait être adopté rapidement, le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée.

Une idée ancienne

Le détachement de travailleurs dans le cadre d’opérations de prestation de service est un sujet sensible en raison des risques de contournement des législations nationales qu’il suscite.

Une directive européenne du 16 décembre 1996 posait déjà les bases d’un mécanisme de régulation, imposant aux états membres de veiller à ce que certaines conditions d’emploi et de travail (droit au repos, salaire minimum, santé et sécurité, égalité de traitement, etc.,…) soient garanties aux travailleurs détachés. Le texte ne s’appliquait toutefois pas directement aux entreprises et avait des allures de « vœu pieux ». Après une première tentative infructueuse en 2012, le dispositif a finalement été renforcé par une directive le 16 avril 2014. La France anticipe sa transposition par le projet de loi adopté le 6 mai 2014 par le Sénat.

Ces dispositions viendront ajouter aux obligations préexistantes, le Code du travail imposant déjà aux entreprises donneuses d’ordre comme sous-traitantes un cadre stricte pour la mise en œuvre d’opérations de détachement de travailleurs sur le territoire national.

Devoir d’injonction et de vigilance

Pour l’entreprise étrangère qui détache des travailleurs, à l’obligation d’effectuer une déclaration de détachement s’ajoute celle de désigner un représentant en France, chargé d’assurer la liaison avec les agents de contrôle. Il s’agit notamment de permettre aux inspecteurs du travail de pouvoir saisir une personne physique à qui transmettre leurs observations.

Le donneur d’ordre, lui, sera tenu de vérifier l’accomplissement de ces formalités avant le début du détachement.

Il devra en outre, s’il est informé par un agent de contrôle d’un manquement de son sous-traitant dans certains domaines jugés sensibles (exercice du droit de grève, droit au repos, discrimination, etc.,…), "enjoindre" à ce dernier de régulariser la situation et tenir l’agent de contrôle informé des suites.

Un mécanisme sensiblement identique est prévu dans le cas particulier où un ou plusieurs travailleurs détachés perçoivent une rémunération inférieure au minimum légal ou conventionnel.

Le donneur d’ordre est donc désormais partie intégrante du dispositif dissuasif sensé contenir les risques d’abus en matière de détachement. Pour faire bonne mesure, le texte ajoute à l’arsenal une arme supplémentaire : les organisations syndicales pourront également, sans avoir à justifier d’un mandat, agir en justice pour faire valoir les droits d’un salarié.

Sanctions administratives et solidarité financière

Soucieux de donner à ces nouvelles dispositions une portée efficace, le législateur les a assorties de sanctions.

Le donneur d’ordre qui omettrait d’enjoindre à son sous-traitant de respecter les obligations auxquelles il aurait manqué sera passible d’une amende administrative dont le montant est pour l’heure fixé à 2.000 € par salarié, ou 4.000 € en cas de récidive, dans la limite de 10.000 €.

Le respect du salaire minimum légal ou conventionnel donne lieu, lui, à une sanction bien plus sévère puisque le donneur d’ordre trop peu diligent sera tenu solidairement avec l’employeur au paiement des rémunérations. La menace pourrait se révéler très efficace.

Enfin, des sanctions complémentaires sont prévues, en particulier la possibilité de porter le nom de l’employeur condamné pour certaines infractions de travail illégal, quel que soit le montant de la condamnation, sur une liste diffusée sur Internet ou l’impossibilité de percevoir, pour une durée de 5 ans, toute aide publique, voire l’obligation de rembourser celles perçues pendant la durée du contrat ayant donné lieu aux infractions, également dans la limite de 5 ans.

Des contrats à adapter

Ces dispositions ne créent certes pas le principe de la responsabilité du donneur d’ordre, pas plus que celui d’une obligation de vigilance. Elles lui donnent néanmoins une portée accrue.

Les contrats passés en vue d’une opération de sous-traitance prévoient déjà, le plus souvent, des dispositions relatives à l’obligation pour le sous-traitant de justifier de l’accomplissement de ses obligations en matière sociale. Les clauses concernées devront néanmoins être revues, adaptées au dispositif nouveau, et sans doute ménager au donneur d’ordre une possibilité de mettre fin au contrat en cas de négligence persistante de son sous-traitant.

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      Diplômé d’un DESS Droit et Pratique des Relations de travail de l’Université Paris 2 Panthéon – Assas et d’un doctorat en droit privé (2006), Université Paris 2 Panthéon – Assas, Il débute sa carrière en 2003 et intègre le cabinet Proskauer en 2012. Il intervient aussi bien en conseil qu’en contentieux dans l’ensemble des domaines de la protection sociale de l’entreprise comme du droit de la Sécurité Sociale. Dans ce cadre il accompagne également les institutions qui opèrent dans le domaine de la protection sociale, notamment dans le cadre des opérations affectant leur structuration et leur gouvernance. Il accompagne également les entreprises dans le domaine du droit social et plus particulièrement des relations collectives de travail, notamment à l’occasion de contentieux les opposants aux institutions représentatives du personnel, de négociations collectives ou de restructurations. Il est responsable d’enseignements en formation initiale et continue au sein de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et anime régulièrement des formations ainsi que des séminaires.        

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