SeLoger.com : une belle réussite après tant d’erreurs

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Capucine Graby et Marc Simoncini Modifié le 3 novembre 2012 à 9h45

En quelques semaines, la folie devient réalité. Denys Chalumeau et ses associés cèdent 20 % du groupe à trois sociétés de capital-risque.

L’entreprise est valorisée 500 millions de francs et au passage Denys Chalumeau empoche la coquette somme de 12 millions de francs ! C’est dans ce climat que Promovacances poursuit son ascension délirante. Sur la seule année 2000, le nombre de salariés de l’entreprise est multiplié par 6, et passe de 30 à 180 personnes ! Denys Chalumeau gère les recrutements, une dizaine par jour, et devient l’homme fort, celui qui galvanise ses nouvelles troupes pour les faire avancer.

Ce lundi matin, Denys et Amal ont vu grand et ont réuni les 250 salariés du groupe renommé Poliris dans une salle de l’hôtel Holiday Inn porte de Pantin. Ils arrivent sous une pluie d’applaudissements couverts par un tapis sonore soigneusement choisi : la musique de Rocky à pleins tubes. Les salariés exultent. Surtout, ils ont les yeux rivés sur les deux mots que Denys et Amal ont souhaité projeter en énorme sur le grand écran de la salle : "TOUS MILLIONNAIRES !"

Tous s’y voient déjà et font des plans sur la comète. A l’époque, pour devenir millionnaire, il semble beaucoup plus facile de travailler dans une start-up que de gagner au loto... Denys ne le sait pas encore, mais c’est ce vent de folie qui creuse déjà le sillon de l’échec retentissant qu’il va bientôt essuyer. Cette ivresse et cette valse des milliards ne laissent aucune place à la rigueur et à l’humilité. Plus personne n’a les pieds sur terre. La logique de l’époque tient en deux mots : frime et flambe.

A l’exception d’une poignée d’analystes, personne n’avait prévu le krach des années 2000. L’heure est aux investissements démesurés, aux soirées déjantées, aux folies et excès en tous genres. Amal Amar se rappelle très bien ce séminaire Internet à Monaco. Un forum qui devait favoriser la rencontre entre patrons du Web et fonds. Il devait rester deux jours, il n’a tenu que deux heures, dégoûté par l’ambiance.

"Ce forum était trusté par de jeunes loups qui se trimbalaient avec des business plans farfelus et les banquiers y croyaient dur comme fer ! Tout le monde nageait en plein délire." Preuve de la folie de cette année, Marc replonge lui aussi dans ses souvenirs : "Je me rappelle surtout une fête incroyable donnée par la start-up suédoise Spray. Nous sommes en décembre 1999, le groupe est à l’apogée de sa gloire. L’inventeur du "funky business" (l’entreprise doit devenir attractive pour ses employés) et du "management spaghetti" (chaque employé est assimilé à un spaghetti qui choisit ses projets et les mène à bien comme il l’entend !) organise cette fête délirante dans un cirque installé dans le bois de Boulogne. Le Tout-Paris s’y bouscule, il y a des animaux sauvages partout, zèbres et girafes côtoient les plus jolies filles de Paris. Cette fête illustre parfaitement l’euphorie générale de l’époque."

Cette frénésie ne durera pas beaucoup plus longtemps. Le château de cartes s’est finalement écroulé comme les Cassandres l’avaient prédit. La bulle éclate un mardi noir. Les suédois de Boo.com ouvrent le bal des faillites en mai 2000. Les indices boursiers du monde entier chutent brutalement et de façon abyssale. En quelques minutes de cotation, le Nasdaq à New York perd quasiment 14 % de sa valeur... ce sont presque 700 milliards de dollars qui s’envolent en une journée.

Très vite, les actionnaires de Poliris (maison mère de Promovacances et SeLoger), Galileo Partners, AXA Private Equity et le groupeAlpha, regrettent leur valorisation excessive. "En un mois, nous sommes passés de la pépite, aux petits cons qui leur avaient piqué leur fric", se rappelle Denys. Bienvenue dans une nouvelle phase : guerrière. Mais pour Denys, le pire est encore à venir. L’éclatement de la bulle n’est que le premier acte.

Extraits de "Grandeurs et misères des stars du Net" par Capucine Graby et Marc Simoncini. Editions Grasset (2012). 17,10 euros

Laissez un commentaire
Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Capucine Graby est journaliste. Elle a notamment travaillé à BFM radio et au service économie d’Itélé.Marc Simoncini est entrepreneur. Il a fondé i(France), le site web de rencontres Meetic et, en mars 2012, Sensee, un site de vente de lunettes en ligne. Il est le co-fondateur de l’école des métiers de l’Internet, qui a ouvert en septembre 2011. 

Aucun commentaire à «SeLoger.com : une belle réussite après tant d’erreurs»

Laisser un commentaire

* Champs requis