Radars : Dix ans d’une politique de sécurité routière répressive

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Par Pierre Chasseray Modifié le 29 octobre 2013 à 5h26

Dimanche 27 octobre 2013, la France fêtait le 10e anniversaire de la mise en place du premier radar automatique.

La politique "radar"

En 2002, la France déplore plus de 7 600 tués sur les routes. Le président de la République, Jacques Chirac, fait alors de la sécurité routière l'un des « trois chantiers prioritaires » de son quinquennat. Le gouvernement mise sur l'implantation des nouveaux radars automatiques pour réduire de 50% le nombre de tués sur la route.

Dans un premier temps, l'opinion publique est majoritairement favorable à l'implantation de ces radars automatiques : en 2004, 66% des Français se disent pour le contrôle-sanction automatisé.

Mais très vite, les radars deviennent un sujet de polémique. Avec leur rapide multiplication sur l'ensemble du territoire et l'apparition de radars de nouvelle génération, la répression routière s'intensifie considérablement. Les flashs crépitent et l'utilité des radars en termes de sécurité routière est remise en question. Les radars automatiques apparaissent de plus en plus comme une manne financière formidable pour l'État (représente 4, 2 milliards d'euros depuis 2003) et de moins en moins comme un outil servant à abaisser la mortalité. Progressivement, l'opinion publique s'est donc inversée : aujourd'hui, 80% des Français sont défavorables à la poursuite de cette politique de contrôle-sanction automatisé.

Les radars sauvent-ils des vies ?

En 2011, on nous expliquait que 15 000 vies avaient été épargnées en seulement 8 ans. Puis, en 2012, ce nombre « culminait » à 36 000 pour atteindre aujourd'hui 11 000 vies epargnées grâce à l'implantation des radars. Sur quel calcul ces soi-disant experts de la sécurité routière se sont-ils donc basés pour que les chiffres varient de simple au triple en une poignée d'années ?

D'après la Sécurité routière, les radars automatiques auraient permis d'abaisser la vitesse moyenne de circulation des véhicules d'environ 10 km/h en 10 ans. Après le temps du tout répressif qui entraine un vrai ras-le-bol, il est temps de « changer de logiciel » en termes de sécurité routière pour aller vers une acceptabbilité durable. D'après un théorème où si l'on diminue la vitesse moyenne d'1km/h, cela entraîne mathématiquement une baisse de 4% du nombre de tués sur les routes.

Or, si l'on s'intéresse de plus près aux chiffres de l'ONISR pour les années 2011 et 2012, on s'aperçoit que ce théorème ne s'applique pas ! En effet, en 2011, la vitesse moyenne était de 81,6 km/h et l'on comptait 3 963 tués sur nos routes, tandis qu'en 2012, la vitesse moyenne avait augmenté de 0,7 km/h et que le nombre de décès diminuait de 8%.

Donc, pour reprendre la formule : 1 km/h de vitesse de moyenne en plus, c'est en fait 11,4% de tués en moins...

Cette formule est datée. On pouvait peut-être l'appliquer il y a 40 ans, lorsque les véhicules ne disposaient pas de systèmes de sécurité aussi développés qu'aujourd'hui ou que l'ensemble du réseau routier était dans un état déplorable. Mais les choses ont changé et il faut aussi faire évoluer notre façon de penser : on ne fait pas de la sécurité routière avec des formules mathématiques, mais avec du pragmatisme.


Que font nos voisins européens en matière de sécurité routière ?

Depuis 2011, nos amis anglais ont fait le choix de supprimer 700 radars. Décision prise pour motif économique à l'origine, le Ministère des Transports anglais reconnaît aujourd'hui qu'elle a aussi une justification en termes de sécurité routière, car « les radars sont une solution par défaut pour réduire la mortalité sur les routes » et « leur efficacité à long terme sur la mortalité est limitée ». Malgré les 2 millions de procès-verbaux annuels distribués pour excès de vitesse, le Ministère des Transports avoue que l'implantation des radars n'a pas eu de véritable impact sur la sécurité routière.

Ainsi, l'argent qui servait autrefois à entretenir et implanter de nouveaux radars est maintenant investi dans l'amélioration des infrastructures routières. Et l'année 2012 au Royaume-Uni - tout comme en France - est un millésime en termes de sécurité routière.

L'Allemagne, de son côté, a fait le choix de la confiance envers ses automobilistes : sur certaines portions d'autoroute, la vitesse de circulation est laissée à la libre appréciation des conducteurs. Et si le système de contrôle-sanction est bel et bien présent sur le territoire allemand, il se concentre sur les zones véritablement dangereuses et accidentogènes : les agglomé­rations et le réseau secondaire. Car quel est l'intérêt de renforcer les contrôles automatiques de vitesse sur des routes où il n'y a aucun accident dû à la vitesse ?

Et il s'avère que ce pari est payant ! L'Allemagne occupe ainsi la 5ème place du classement européen des meilleurs élèves en termes de sécurité routière (tandis que le Royaume-Uni trône à la 3ème place et que la France se trouve en 8ème po­sition).

« Nous qui aimons tant nous comparer à nos voisins européens, nous devrions prendre exemple sur leur politique de sécurité routière : préférer miser sur la qualité des infrastructures plutôt que sur le « tout-répressif » et la confiance dans l'évolution du comportement des automobilistes à l'infantilisation. Cela amène une meilleure acceptation des règles et de meilleurs résultats en termes de sécurité routière » conclut Daniel Quéro, président de l'association.

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Pierre Chasseray est délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes. www.40millionsdautomobilistes.com

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