Au bonheur des chauffards
Le délégué interministériel à la sécurité routière vient de quitter son poste avec un triste bilan puisque pendant les cinq années de son mandat, le nombre de victimes des routes de France a stagné sur un palier d’environ 3.500 morts et 75.000 blessés par an. Le coût pour notre pays s’élève à plus de 30 milliards d’euros par an (à comparer aux 10 milliards de la cybercriminalité). L’objectif que le gouvernement avait fixé en 2010 de diviser leur nombre par 2 en dix ans – soit 2.000 tués- ne sera pas atteint, et de loin.
La sécurité routière s’est surtout concentrée sur les mêmes causes pour lesquelles des statistiques ont été élaborées au siècle dernier, notamment l’alcool, les drogues et la vitesse. Pour aller plus loin, il aurait fallu renforcer davantage l’éducation préventive, les contrôles et la réponse pénale, mais les politiques craignent toujours l’impopularité de telles mesures, surtout depuis les gilets jaunes. L’autre voie, moins contestable, serait de s’attaquer à certaines causes secondaires telles que la conduite sans permis ou sans contrôle technique valable. Le défaut de papiers en règle est devenu un fléau majeur et meurtrier causant environ 200 morts et 4000 blessés par an, soit davantage que les attentats terroristes de 2015-2016 !
Le numérique à la rescousse
La bonne nouvelle, c’est que cela va devenir techniquement faisable. La quasi-totalité des conducteurs dispose aujourd’hui d’un smartphone et les nouveaux véhicules vont tous être connectés, bien avant que les véhicules autonomes ne soient légion. Les constructeurs automobiles, les assureurs, les organismes de recherche et associations spécialisés s’accordent sur l’intérêt qu’il y aurait à étudier la faisabilité d’un système reliant le véhicule, le conducteur et les fichiers régaliens du permis de conduire et du contrôle technique afin de vérifier qu’un véhicule se déplace en toute légalité. Pour diminuer leurs conséquences, la négligence du propriétaire du véhicule ou l’inconscience de son conducteur seraient ainsi empêchées ou sanctionnées conformément à la loi. La clef qui manquait, c’est l’identification numérique avec biométrie, qui sera enfin opérationnelle en France l’an prochain. On pourrait soit consulter les fichiers centraux pour un véhicule et un conducteur bien identifiés, soit aussi inclure le permis de conduire dans la carte d’identité électronique, avec d’autres avantages induits. La technique permettrait de le faire systématiquement au démarrage d’un véhicule, mais gageons que ce ne sera dans un premier temps mis en œuvre qu’en cas d’infraction ou de contrôle routier, avec une excellente efficience.
Le couplage logique entre un véhicule et ses conducteurs habilités simplifiera également la protection contre le vol, la gestion des locations et de l’auto-partage, la gestion des taxis, des flottes d’entreprises et d’administrations, l’offre dynamique de mobilités alternatives et éventuellement les bilans carbone personnels.
Un défi au politique
Conformément à ce que j’avais pressenti dans mes articles publiés dans la revue Sécurité & Défense Magazine, il faut encourager le nouveau délégué interministériel à la sécurité routière avec la direction du numérique du ministère de l’intérieur et/ou les parlementaires attentifs à lancer une pré-étude sur ce sujet. Elle pourrait être menée sous l’égide du Conseil national de la sécurité routière avec des experts et organismes compétents, et couvrir les aspects techniques, juridiques, économiques et sociologiques.
Quant aux immanquables objections sur l’atteinte aux libertés, nous aurons l’occasion d’y revenir bientôt.
Parallèlement, ceux d’entre nous qui, face aux politiques de struthioniés, pensent qu’il faut agir pour prévenir les dégâts catastrophiques de près d’un million d’assassins en puissance seront bienvenus de s’exprimer.