La sécurité des citoyens est un sujet qui fait débat dans l’opinion publique. En effet, les affaires dramatiques telle que celle de George Floyd aux États-Unis ont connu une médiatisation d’ampleur internationale notamment grâce à la diffusion de vidéos privées devenues virales. Cet évènement a malheureusement contribué à attiser la défiance des citoyens vis-à-vis des forces de l’ordre.
Le grand public attend dès lors plus de transparence sur la vérité des faits et les témoins n’hésitent plus à utiliser l’une des armes les plus répandues au quotidien pour la rétablir, à savoir la caméra de leur téléphone portable. En parallèle, les citoyens attendent de leurs élus qu’ils créent les conditions garantissant leur sécurité à tout moment et le cas échéant, que justice puisse être rendue facilement et rapidement. C’est ce que nous voyons avec la Loi de sécurité globale car une réforme des règlementations est indispensable.
Dans ce contexte, et celui de la crise sanitaire que nous connaissons, les dépositaires de l’autorité publique sont plus que jamais sous pression alors qu’ils sont, eux aussi, des citoyens. Chaque abus, médiatisé ou non, fragilise la relation entre les citoyens et les forces de l’ordre. Et malheureusement, quand la population n’a plus confiance en la police, le risque est qu’elle se fasse justice elle-même. Selon une étude OpinionWay de mai 2021*, 85 % des Français sont favorables au déclenchement automatique des caméras dès lors qu’une arme est sortie de son étui ou qu’un pistolet à impulsion électrique est mis en route. Ainsi donc, si la technologie vidéo peut permettre de médiatiser et révéler des abus ou dérives, ne pourrait-on pas en généraliser l’usage afin qu’elle serve aussi et avant tout à les prévenir, voire à accélérer les processus administratifs et judiciaires ?
Technologie et caméra : un changement de paradigme pour restaurer la confiance
Avant toute chose, il faut rétablir la confiance entre la population et les dépositaires de l’autorité publique. Aujourd’hui, la collecte d’images via les caméras-piétons permet de fournir des preuves juridiquement valident, à la fois pour protéger les citoyens et les forces de l’ordre. Si cela ne fait plus spécialement l’objet de polémiques, certains craignent qu’elles ne servent à la « reconnaissance faciale » ce qui reste une préoccupation. A tel point que certains sénateurs ont proposé un amendement** à la loi sur la sécurité globale. La loi encadre l’usage de la vidéo-protection, des caméras piétons et des drones par les forces de l'ordre et les services de sécurité. Cet amendement visait à interdire le traitement des images issues des différents types de caméras par des logiciels de reconnaissance faciale, par crainte des risques de surveillance de masse de la population. Si cet amendement a été massivement rejeté***, il met en exergue la méfiance persistante vis-à-vis de l’utilisation de la technologie de la reconnaissance faciale à l’échelle européenne et ses potentiels excès. Les défenseurs de cet amendement soulignent en effet le souhait de la Commission européenne d’interdire temporairement cette technologie.
Le défi à terme est d’une part, de garantir les libertés individuelles des citoyens et leur vie privée et d’autre part, de capitaliser sur le potentiel de la technologie en expliquant les usages. La vidéo joue d’ores et déjà un rôle important dans le quotidien et la vie privée des Français. Toutefois, elle reste un sujet sociétal sensible, l’exploitation des données recueillies fait débat car la technologie et ses applications sont méconnues voire déformées par les films à scénario catastrophe, et parce qu’historiquement dans le monde, certaines guerres se mènent à travers des écrans.
Le système judiciaire, directement concerné par la question de l’exploitation des données
Les débats sont passionnés entre les « pro » et les « anti » technologie appliquée à la sphère de la sécurité et une question revient sans cesse : quelle est la finalité attendue qui sous-tend l’équipement technologique des forces de l’ordre ? La loi de sécurité globale va encadrer l’utilisation des données collectées. Mais au-delà des outils et des équipements, c’est tout le système en place depuis des dizaines d’années qu’il s’agit de repenser au service du bien commun. Les agents de police passent moins du quart de leur temps sur le terrain, le reste étant consacré à des tâches administratives. La transition numérique de leur profession mais aussi celle de la justice sont au cœur du sujet et elle est primordiale pour améliorer la collaboration entre l’exécutif et le judiciaire et accélérer le traitement des dossiers.
L’administration française fait l’objet de plaintes de la part des citoyens qui souhaitent plus de simplicité et de dématérialisation. Le processus de numérisation des institutions est en marche mais passer du monde du papier au monde numérique prend du temps. Tout l’enjeu de cette démarche de digitalisation de la police est de pouvoir d’une part, être plus efficace dans la résolution des affaires, mais aussi de fournir et garantir l’intégrité des preuves, sous format vidéo ou imagées, transmises aux magistrats qui doivent rendre des décisions éclairées et impartiales.
Au bout de la chaîne, c’est le service rendu aux citoyens qui en jeu. S’ils demandent plus de transparence, c’est tout simplement parce que la confiance qu’ils ont dans le système actuel s’est érodée et qu’il faut y remédier. C’est également une attente de plusieurs types de professions, aux premiers rangs desquelles la police, la gendarmerie, les pompiers, la pénitentiaire, les agents des transports, conscientes que cette transformation est nécessaire pour travailler efficacement mais aussi prouver qu’il y a tout de même plus d’histoires qui finissent bien, quand bien même elles ne font pas la une des journaux.
*Étude OpinionWay commandité par Axon, « Les Français et les nouvelles technologies » - Mai 2021
**déposée par le 20 octobre 2020 par les députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot et adoptée en première lecture avec modifications par l'Assemblée nationale le 24 novembre 2020, puis par le Sénat le 18 mars 2021.
***248 voix contre et 98 voix pour.