Le luxe à l’épreuve du ralentissement économique chinois

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Par Caroline Reyl Modifié le 8 octobre 2012 à 4h19

A première vue, on pourrait certes le penser car les sociétés du secteur du luxe réalisent 40 % de leurs ventes en Asie, et les consommateurs chinois représentent près des deux tiers de ce chiffre.

Avec la récente décélération de la croissance de la Chine à 7,6 % – son taux le plus faible depuis 2009 –, les sociétés du secteur du haut de gamme auraient donc a priori des raisons de s’inquiéter. Au vu de la majorité des résultats publiés dernièrement dans ce secteur, de telles craintes paraissent cependant exagérées.

Car si l’on observe effectivement un fléchissement de la demande d’articles de luxe sur les marchés émergents – la croissance des ventes dans la région est passée de 21 % au 1er trimestre à 16 % au 2ème trimestre. Pictet Asset Management estime que les sociétés du secteur restent néanmoins en bonne voie pour enregistrer en 2012 une hausse sensible de leur chiffre d'affaires (15-20 %) dans cette zone. De fait, de nombreux sous-secteurs de l’industrie du luxe ont jusqu’ici bien résisté.

LVMH, numéro 1 mondial du luxe, auquel appartiennent notamment Louis Vuitton, les champagnes Moët & Chandon ou les montres Tag Heuer, a ainsi annoncé que l’expansion dans la région Asie/Pacifique avait fait progresser ses ventes de 13 % au 2ème trimestre. Durant la même période, le prestigieux maroquinier Hermès a vu son chiffre d'affaires bondir de 27% sur ce même marché.

De son côté, le groupe horloger suisse Swatch Group (propriétaire des marques Omega, Bréguet et Blancpain) a indiqué que le marché chinois dans son ensemble présentait toujours des taux de croissance supérieurs à 20 %, d’où le maintien de prévisions tablant sur un chiffre d’affaires record de 8 milliards de francs suisses à l’échelle mondiale pour 2012.



La période de publication des résultats a également confirmé que les sociétés du secteur haut de gamme continuaient de jouir d'une solide dynamique bénéficiaire. Ainsi, en 2011, les marges EBIT atteignaient 22,6 % dans l’industrie du luxe contre 12,8 % pour l’univers de l'indice MSCI World Consumer Discretionary, grâce à un fort pouvoir de fixation des prix et à une discipline rigoureuse en termes de coûts.

Au cours du trimestre sous revue, la marge d’exploitation de Swatch Group et de la division luxe de PPR s'est encore établie à près de 25 %, et celle de LVMH à 20,5 %. Bien que la croissance exceptionnelle des ventes et des marges observée ces deux dernières années soit en train de se normaliser, les marges pour l’ensemble de l’année devraient donc rester confortables.

Ces développements encourageants tiennent en partie au fait qu’en Asie, les consommateurs ne sont pas aussi sensibles à l'évolution du climat conjoncturel que dans d’autres régions. Ils tendent à être plus sélectifs, préférant les articles haut de gamme aux produits de type "masstige" associant des marques de grande consommation et des noms du secteur premium. La forte propension des consommateurs asiatiques à profiter de leurs séjours à l’étranger pour effectuer des achats constitue l’autre tendance positive reflétée par cette période de publication des résultats dans le segment du luxe.

La clientèle asiatique a ainsi été à l’origine de la moitié des ventes d’articles de luxe en Europe l’an dernier, une tendance qui s’est poursuivie jusqu’au 2ème trimestre 2012, les touristes en provenance d’Extrême-Orient profitant des écarts de prix avantageux et de la vigueur du yuan. S’agissant des perspectives du secteur en général, les sociétés ont fait état de carnets de commandes fournis pour la seconde moitié de l’année, la rationalisation opérée dans les canaux de distribution ayant ramené les stocks à leur plus bas niveau depuis 2008.



Le secteur des produits de luxe devrait ainsi afficher une importante croissance des ventes en 2012, de 5 à 9 % dans les articles de sport, la santé et le bien-être ainsi que les produits alimentaires et les boissons, à environ 10 % dans le luxe. S’il est vrai que la Chine continue de jouer un rôle clé dans l’évolution du secteur haut de gamme, elle ne sera pas l’unique source de croissance des sociétés premium sur le long terme.

En effet, la prochaine décennie devrait voir une accélération de la consommation en provenance des trois plus grands marchés émergents après la Chine, à savoir le Brésil, la Russie et l’Inde. Tout porte à croire que les grandes marques du luxe profiteront de l’abaissement des taxes douanières et de l’assouplissement des réglementations régissant les importations pour développer une solide implantation sur ces marchés.

Qu’il s’agisse d'articles de maroquinerie de luxe, de vins fins et spiritueux ou de tourisme de luxe, la demande de produits haut de gamme restera élevée dans l'ensemble du monde émergent au cours des années à venir.

Par ailleurs, dès lors que les actions du secteur du luxe s'échangent aujourd’hui à des niveaux équivalant à 14,6x leurs bénéfices estimés, soit nettement en dessous de leur moyenne historique de 19,89x, les investisseurs ont la possibilité de capitaliser sur ces tendances à un prix avantageux.

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Caroline Reyl est gérante de fonds chez Pictet Premium Brands. 

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