La Roumanie et la Bulgarie vont-elles entrer dans l'espace Schengen dans les prochains mois ? C'est ce que pense Marine Le Pen. Ce jeudi matin, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a expliqué, sur France Inter, que la question n'était pas à l'ordre du jour. Décryptage.
Il n'est pas une journée où la question des Roms ne fasse pas la une des journaux. Certains s'exaspèrent, d'autres tentent de trouver des solutions et les élus essayent tant bien que mal de trouver une position juste en vue des municipales mais aussi des européennes.
Ce que raconte Marine Le Pen
« Je demanderai un moratoire sur Schengen et je fermerai les frontières », déclarait, le 14 septembre, Marine Le Pen, dans un entretien accordé à La Provence. « Je demanderai aussi aux politiques qui ont voté pour l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'Union européenne d'arrêter de nous faire du cinéma. Parce qu'à partir de 2014, ces deux pays seront membres à part entière et les Roms pourront s'installer librement où ils voudront en France. »
Une idée reprise lors de son discours de clôture de l'université d'été de son parti, le 15 septembre dernier : « En nous privant avec Schengen du contrôle de nos frontières, l'Union européenne nous a privé aussi de notre capacité à assurer notre sécurité », a-t-elle expliqué. « Et à partir du 1er janvier prochain, ce sera encore pire. Les Roms seront chez eux en France avec l'ouverture totale des frontières avec la Roumanie et la Bulgarie. Ils deviendront inexpulsables. Ces pompes aspirantes marcheront alors à plein régime avec des conséquences inédites. »
Démenti de Manuel Valls
Interrogé à ce sujet, ce jeudi 19 septembre, sur France Inter, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls a estimé que Marine Le Pen était « incompétente » pour parler de cette question. « Et pourtant elle est députée européenne », a-t-il ajouté. « Aujourd'hui il n'y a pas de décision prise quant à l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'espace Schengen. »
Mais lui aussi n'a pas hésité à afficher son opposition à l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'espace Schengen. « Comme ministre de l'Intérieur siégeant au conseil des ministres de l'Intérieur de l'Union européenne, je suis évidemment plus que réservé sur l'ouverture aujourd'hui de ces frontières, tant que la Bulgarie et la Roumanie n'ont pas accompli un certain nombre d'efforts », a-t-il estimé. « Ce n'est pas aujourd'hui à l'ordre du jour et je vous le dis très clairement. Pas là, pas au premier janvier, tant qu'il n'y a pas les mesures qui ont été prises pour garantir la sécurité des autres pays et des autres citoyens. »
Petit rappel sur l'espace Schengen
Le 14 juin 1985, les gouvernements belge, allemand, français, luxembourgeois et néerlandais ont signé à Schengen, petite bourgade du Luxembourg, un accord ayant pour objectif « le libre franchissement des frontières intérieures par tous les ressortissants des États membres et la libre circulation des marchandises et des services ».
L'acquis de Schengen a pleinement été appliqué en Belgique, en Allemagne, en France, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et au Portugal à partir du 26 mars 1995 ; en Autriche et en Italie à partir du 31 mars 1998 ; en Grèce à partir du 26 mars 2000 ; en Norvège, en Islande, en Suède, au Danemark et en Finlande, à partir du 25 mars 2001 ; en Estonie, République tchèque, Lituanie, Hongrie, Lettonie, Malte, Pologne, Slovaquie et Slovénie, à partir du 21 décembre 2007.
L'évaluation Schengen des États candidats à la levée des contrôles aux frontières est engagée à la demande de chaque État concerné, une fois qu'il estime remplir toutes les conditions préalables. Il appartient aux États qui sont déjà membres de l'espace Schengen de déterminer si toutes les conditions préalables sont bel et bien remplies.
Qu'en est-il de la Roumanie et de la Bulgarie ?
La Roumanie et la Bulgarie « ne font pas encore partie des pays de l'espace Schengen », peut-on lire sur le site de la Commission européenne. « Avant de pouvoir adhérer à l'espace Schengen, ces pays doivent encore faire l'objet de l'évaluation Schengen. Aucune date exacte ne peut être avancée à ce stade. » Le 7 mars dernier, on apprenait que les Etats membres de l'UE avaient à nouveau refusé l'accession des deux pays à cet espace de libre circulation.
En cause : des problèmes de corruption de leurs institutions et surtout une incapacité à contrôler scrupuleusement les flux migratoires, malgré d'importants moyens consacrés à remédier à ces phénomènes.
Alors pourquoi Marine Le Pen parle-t-elle du 1er janvier 2014 ? « C'est avant tout politique, Marine Le Pen cherche à faire peur, en vue des prochaines élections », explique Sylvain Kahn, professeur agrégé à Sciences Po, où il enseigne les questions européennes. « L'entrée de ces deux pays est avant tout une décision collective, mais elle est très incertaine. Personne ne peut donner de date. Une chose est sûre, vue la conjoncture actuelle, cette question ne doit pas être une priorité pour la Commission européenne. » Auriez-vous donc quelque peu exagéré Mme Le Pen ?
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