Viande de cheval : Findus plus critiqué par les médias que Spanghero

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Par Philippe Schleiter Modifié le 26 mars 2013 à 7h11

Toute la lumière n’est pas encore faite sur l’affaire qui a conduit plusieurs entreprises à commercialiser de la viande de cheval dans des plats 100 % pur bœuf, mais l’essentiel est connu.

A l’origine se trouve l’entreprise Findus. C’est elle qui, de son propre gré et après ses propres contrôles vétérinaires et sanitaires, se rend compte de la fraude et alerte les autorités de plusieurs pays européens. Une alerte dans la discrétion qui, immanquablement, dégénère en scandale transnational.

Dès les premiers instants, la filière est reconstituée, depuis la Roumanie jusqu’au consommateur final en passant par Chypre, les Pays-Bas, la France et le Luxembourg. Les premiers commentaires sont unanimes, il s’agit avant tout de critiquer la logique du profit à tout crin d’entreprises comme Findus, qui joueraient cyniquement et imprudemment avec le consommateur.

Il faut dire que Findus est peu excusable puisque son capital est détenu par des investisseurs financiers. Le mot est lâché ! Dans l’esprit du grand public, nécessairement superficiel, l’investisseur financier est quelque chose qui oscille dangereusement entre le grand prédateur international de type Georges Soros et le trader fou et irresponsable à la Kerviel.

Puis l’étau se resserre sur l’entreprise Spanghero, finalement identifiée comme étant le lieu de la transformation frauduleuse ; c’est bien dans ces entrepôts qu’une viande arrivée cheval est repartie bœuf. L’Etat réagit au quart de tour, cédant à la pression médiatique et populaire, en retirant puis réattribuant un agrément que seules des constats liés à la santé publique (et ce n’est heureusement pas le cas dans cette triste affaire) justifieraient d’ôter.

La suite de l’histoire est connue, avec la découverte dans d’autres grandes marques prestigieuses, en France et dans de nombreux pays, de traces de cheval. Et, plus tard encore, la découverte de stocks importants dans les entrepôts de Spanghero de mouton britannique, théoriquement interdit d’importation en France. L’enquête démontrera peut-être si la tricherie est avérée et chez qui. Ce qui est plus intéressant, c’est la distorsion de traitement médiatique entre les deux principales entreprises incriminées, Findus et Spanghero.

Findus est à l’origine de l’affaire. Cette entreprise s’est non seulement donné les moyens de faire les contrôles (que ni Spanghero ni l’entreprise de transformation en plats cuisinés n’ont su ou voulu faire) mais, une fois l’erreur signalée, a pris la décision de mettre l’affaire sur la place publique. La sanction a été immédiate sur le plan du business. Plats retirés des rayonnages, baisse drastique de la consommation sur toute la gamme (y compris, par exemple, les lasagnes de légumes) et surtout dégâts d’image importants ; avec probablement un certain temps avant de regagner des parts de marché parties en fumée. Sans compter les insultes gratuites dont ont été victimes les dirigeants et investisseurs de Findus, taxés de cupidité sans vergogne.

A bien y regarder, Findus aurait pu ne rien dire et attendre que ce soit un autre petit camarade qui ouvre le dossier et prenne 90 % du feu médiatique.

Findus se porterait sans doute mieux si Buitoni ou Picard, par exemple, étaient sortis du bois les premiers. Il convient donc de saluer la décision courageuse des dirigeants de Findus, qui ont assumé l’erreur – que leur font subir leurs fournisseurs indélicats ou imprudents – et ses conséquences. Il s’agit là, me semble-t-il, d’une certaine éthique économique bien éloignée de l’image de cupidité irresponsable qui leur a été bien vite accolée, par ignorance de ce qu’est un fonds d’investissement.

L’autre entreprise, c’est Spanghero. Elle a tout pour nous être sympathique. Le nom d’une famille de rugbymen honorablement titrés et connus, une localisation dans notre sud-ouest où tout renvoie à la qualité de la bonne chère, un patron grande gueule et des syndicalistes honnêtes et humbles suppliant - et on les comprend - qu’on préserve les emplois. Et pourtant, la tentation est lourde de s’inquiéter du cas Spanghero.

D’abord parce que la découverte des importations illégales de mouton viennent assombrir le dossier. Ensuite parce que Barthelemy Aguerre, est un nom connu des administrations françaises spécialisées. Enfin parce que cet entrepreneur dynamique et jovial, officiellement enraciné dans sa région, n’hésitait pas à aller s’approvisionner en bœuf roumain plutôt qu’en bœuf aquitain, ce qui ne cadre pas totalement avec le discours.

Car discours il y a, et plus qu’il n’en faut ! Les médias ont été assez discrets sur la parentèle politique de B. Aguerre. Conseiller régional Modem, il est aussi le suppléant à l’Assemblée Nationale de Jean Lassalle, l’unique député Modem de François Bayrou, un homme si enraciné dans son terroir qu’il su chanter le « Coupo Santo » au Palais-Bourbon et surtout faire la grève de la faim pour retenir une usine chimique japonaise dans sa vallée.

Si la culpabilité de Spanghero est avérée, on pourra gloser sur le double discours des fervents défenseurs de l’Europe qui utilisent toutes ses ficelles, à commencer par les moins contrôlées, pour duper les consommateurs et arranger leurs affaires. La seule observation qu’on puisse faire, c’est comparer les traitements médiatiques de Findus et de Spanghero. Le « bon p’tit gars » forcément abusé par les méchants a été moins bien traité que l’entreprise internationale dirigée par des investisseurs. Pourtant, le premier a été au minimum très imprudent quand le second a été rigoureux et courageux. Une nouvelle illustration, s’il en fallait, de l’image désastreuse de l’entrepreneur dans notre pays. Tiens, voilà un sujet qui devrait passionner les actuels ou futurs candidats à la présidence du MEDEF …

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