Peugeot, FagorBrandt, et maintenant Alitalia : on dirait que l'histoire industrielle en Europe n'est plus faite que de cela. Une entreprise nationale ou européenne en difficulté, des sauvetages à répétition avec des investisseurs locaux qui n'ont rien donné, un dernier espoir incarné par un investisseur étranger. Des chinois pour Peugeot, un algérien pour FagorBrandt, des arabes pour Alitalia.
A chaque fois, les montants en jeu ne sont pas négligeables, loin s'en faut. On comprend bien qu'il n'y a plus personne en Europe et même en Occident capable d'injecter des milliards, ou même "seulement" des millions par centaines pour sauver et relancer d'anciennes gloires. Dans le cas d'Alitalia, la main tendue réclame 400 millions à Etihad, consentant en échange à un mariage. Blanc ? Le fiancé a en tout cas ses exigences : il faut, pour épouser Alitalia (le projet parle d'une prise de contrôle de la compagnie italienne par Etihad) que celle-ci se sépare de 25 % de son personnel, soit 2500 à 3000 salariés sur 14 000. Mais aussi que ses créanciers - Alitalia traîne encore 800 millions d'euros de dettes bancaires- s'asseyent sur la moitié.
Le patron d'Etihad a rencontré mardi 15 avril le président du Conseil italien, le jeune Matteo Renzi, pour parler du dossier. On imagine que ce dernier a du tordre du nez pour accepter les conditions imposées par la compagnie émiratie. Mais il y a tout de même 11 000 emplois à sauver, sur 14 000, et la fierté de sauver la compagnie nationale italienne en apparence, dusse-t-elle passer sous contrôle arabe. Une lettre d'intention est espérée dans la journée à Rome. A défaut, Alitalia sera vraiment en très grande difficulté, pour ne pas dire instantanément condamnée. Les points de friction entre les deux fiancés portent encore, outre le personnel à licencier et la dette à renégocier, sur l'utilisation des aéeroports italiens fiefs d'AlItalia, comme celui de Milan Malpensa par exemple, qui pourrait devoir s'effacer au profit de Rome qui appartient à un actionnaire minoritaire d'Alitalia, Benetton.
Mais il y a aussi un autre point qui fait hésiter Etihad. Dans son "harem" européen se trouvent déjà Air Berlin, air Seychelles, Aer Lingus. Et ailleurs dans le monde, Air Australia. Or, toutes ces mariées lui coûtent cher, engloutissant une large partie des bénéfices dégagés par Etihad. On comprend son hésitation à l'idée d'épouser la plus très belle ni très fraiche italienne. Depuis des mois que durent les tractations, l'envie impulsive de la posséder a du s'emousser et la raison prendre le dessus. Pour finir par l'emporter ? Réponse probablement ce mercredi 16 avril. Ou pas.