Sauver le système de retraites, une utopie ?

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Par Jacques Bichot Publié le 29 décembre 2014 à 3h18

Dans leur forme juridique actuelle, les retraites par répartition constituent un système de Ponzi (ou de Madoff, si l'on préfère) auquel l'État oblige les travailleurs à verser de grosses quantité d'argent.

Dans un tel système, les versements confèrent des droits bien qu'ils soient immédiatement utilisés pour rembourser, intérêt et principal, les personnes dont la créance arrive à échéance.

Le pay-as-you-go

Ce fonctionnement juridique du système est en porte-à-faux par rapport à son fonctionnement économique. Celui-ci consiste en effet pour chaque génération à investir dans la génération suivante (mise au monde, entretien et formation) puis à percevoir le dividende de cet investissement.

Normalement, les droits à pension devraient être attribués au prorata des investissements réalisés dans la jeunesse, mais les retraites par répartition sont issues de régimes par capitalisation au bord de la faillite, qui ont été sauvés par leur transformation en des systèmes Ponzi auxquels l'adhésion est obligatoire.

Les Caisses ont continué à faire des cotisations la cause juridique des droits à pension mais, au lieu de les utiliser comme auparavant pour acheter des actions et des obligations, elles s'en sont servi pour payer immédiatement les pensions, conformément à la formule pay-as-you-go.

Trahir les adhérents ?

Le drame de ces retraites Ponzi obligatoires est que la diminution de l'investissement dans la jeunesse, dont elles dépendent complètement, ne fait pas automatiquement baisser la distribution de droits à pension, puisque ceux-ci sont basés sur le paiement de cotisations qui servent à tout autre chose qu'à investir dans la mise au monde et la formation des futurs cotisants. Ce sont donc les pouvoirs publics qui doivent procéder si nécessaire à une amputation des droits que l'on avait fait miroiter aux adhérents lors de leur entrée dans le système.

La régulation du système repose sur une succession de mini-banqueroutes, réalisées en France par les lois retraite de 1993, 2003, 2010 et janvier 2014 (en attendant les suivantes). Cette pratique a fini par faire comprendre aux actifs qu'ils ne peuvent pas compter sur des pensions calculées selon les règles en vigueur au moment où ils cotisent.

Fichues, les retraites par répartition ?

Certains, passant de tout à rien, disent que les retraites par répartition sont fichues, qu'ils ne faut pas du tout compter sur elles. Ce pessimisme est exagéré : simplement, la formule de calcul des pensions en fonction de leurs cotisations (par exemple la valeur du point ARRCO ou AGIRC) sera probablement devenue moins séduisante (la valeur du point aura diminué – elle ne sera pas réduite à zéro).

Les deux facteurs clé étant la natalité et la qualité de la formation initiale, sauver les retraites par répartition signifie mettre au monde davantage d'enfants et les élever mieux. Ce n'est pas une utopie, c'est du réel on ne peut plus concret.

Ce qui est très éloigné de la réalité, c'est la structure juridique actuelle des retraites par répartition. Cette structure est un énorme mensonge, puisqu'elle consiste à calculer des droits à pension au prorata de versements qui ne jouent aucun rôle dans la préparation des dites pensions.

Il serait plus facile de « sauver les retraites » en réformant cette structure juridique, c'est-à-dire en attribuant les droits à pension au prorata des enfants élevés et des sommes versées pour participer à la prise en charge de leur entretien et de leur formation, et en précisant bien que ces droits ressemblent davantage aux dividendes qui rémunèrent un investissement qu'à un placement à intérêt fixe.

Reste qu'une telle réforme systémique heurte les idées reçues. En dépit de l'absurdité du lien juridique qui a été créé entre les cotisations vieillesse actuelles et les pensions à percevoir dans un avenir lointain, le remplacement de ce lien par un autre, économiquement justifié, sera difficile à réaliser, ne serait-ce que parce que le personnel politique manque tragiquement de connaissances économiques sérieuses.

"Capitalisation" plutôt que "répartition"

Pour un ministre lambda, et pour ses conseillers, l'économie se limite hélas aux questions du type : peut-on faire augmenter le PIB et diminuer le chômage en remplaçant des cotisations patronales par des impôts ? Le degré de compréhension du fonctionnement des retraites par répartition est très faible.

Le nom même de répartition est trompeur : mieux vaudrait une formule montrant qu'il s'agit d'une forme particulière de capitalisation, celle qui s'appuie sur le capital humain plutôt que sur le capital physique et technologique comme le font les régimes par capitalisation au sens classique du terme.

Amis lecteurs, si vous avez des idées géniales pour remplacer ce mot « répartition », faites-le nous savoir !

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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