Bygmalion : la subjective mais apparente partialité du Parquet

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Par Eric Verhaeghe Publié le 6 septembre 2016 à 9h47
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10 MILLIONS €La société Bygmalion aurait émis 10 millions d'euros de fausses factures sur demande de l'UMP.

Dans l’affaire Bygmalion, il fallait oser demander le renvoi en correctionnelle de Nicolas Sarkozy le jour où s’ouvrait le procès Cahuzac et le lendemain du discours de candidature de l’impétrant à l’université d’été de son parti. Sans examiner le bien-fondé de la position du Parquet, il faut ici rappeler aux eurolatres du Parti Socialiste les quelques principes en vigueur dans le droit européen en matière d’impartialité de la justice.

La partialité subjective de la justice

Beaucoup, en France, pensent que le principe d’impartialité de la justice est objectif. On met en place quelques procédures (ce qui n’est pas prouvé concernant le Parquet français) pour garantir l’indépendance des magistrats par rapport au pouvoir exécutif, et le tour est joué. Malheureusement, c’est un peu plus compliqué que cela.

La Cour Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme a en effet développé une théorie de l’impartialité subjective qui précise que, pour être conformes aux Droits de l’Homme, la justice doit être impartiale objectivement, mais aussi subjectivement. Autrement dit, un justiciable qui peut étayer l’idée que ses juges ont l’apparence subjective de la partialité peut obtenir l’annulation de sa condamnation.

Le cas de la Russie

Par exemple, en février 2016, c’est sur ce fondement que la Cour Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme a reconnu comme arbitraires deux condamnations d’opposants politiques à Vladimir Poutine. Dans l’affaire, les deux opposants reprochaient à la justice russe d’avoir instruit un procès à charge pour justifier leur mise à l’écart de la vie politique russe à un moment où ils gênaient le pouvoir en place.

Toute ressemblance avec des faits se déroulant en France serait évidemment fortuite.

Pour la Cour, la justice doit, aux yeux des justiciables, apparaître subjectivement impartiale et, dans le cas d’espèce, la Cour a considéré que les conditions d’une apparence subjective d’impartialité n’avaient pas été respectées.

Le cas Sarkozy et ses précédents

Dans le cas de Nicolas Sarkozy, les soupçons sur l’apparence subjective de partialité sont incontestables.

Rappelons qu’en mars 2014, déjà, Christiane Taubira avait commis un suicide politique en brandissant devant la presse des documents qui prouvaient qu’elle intervenait dans l’enquête concernant l’ancien Président de la République.

Sur les photos de ces documents, le contenu des lettres est facilement lisible, même si certains passages sont cachés par la main de MmeTaubira.

Il en ressort que la ministre de la justice était tenue « régulièrement » au courant des détails des évolutions de l’enquête liée au financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.

L’intervention de l’exécutif dans le dossier Sarkozy est donc prouvée et ne fait aucun doute.

Le choix de la date laisse pantois

Face au caractère très politique du dossier, il est impressionnant de voir que le Parquet a choisi la date d’entrée quasi-officielle en campagne de Nicolas Sarkozy pour lui savonner la planche. Compte tenu des précédents évoqués ci-dessus, on imagine mal que le Parquet puisse paraître crédible un seul instant. Aucun magistrat censé ne pouvait ignorer que cette décision paraîtrait, à tort ou à raison, comme une manoeuvre politique.

Elle rappelle au passage un autre antécédent du dossier.

En 2014, Jean-Pierre Jouyet avait confié à deux journalistes que François Fillon avait demandé à l’Elysée d’intervenir pour faire tomber Sarkozy dans des affaires judiciaires. L’anecdote avait fait scandale… néanmoins, François Fillon a bien dénoncé les problèmes judiciaires de Nicolas Sarkozy la semaine dernière… et la réquisition du Parquet est tombée à point nommé.

Pour cette seule circonstance troublante, Nicolas Sarkozy pourra invoquer l’apparente partialité de la justice.

Une campagne faite de boules puantes

Au rythme où nous allons, nous mesurons déjà la toxicité de cette campagne électorale pour le destin français. François Hollande veut être réélu, et il fera tout pour rouler Nicolas Sarkozy dans la fange, en pensant qu’il est son seul adversaire dangereux. Jusqu’où ira cette curée?

Elle a en tout cas mis à mal, en une seule journée, l’indépendance du Parquet, déjà bien atteinte par la sortie de François Molins contre les candidats d’opposition.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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