Depuis le décret n°2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine, nous pouvons constater que les limites de la télémédecine restent les mêmes depuis 7 ans.
Pourtant aujourd’hui, il n’existe plus aucun frein technologique, puisque des plateformes fonctionnelles et sécurisées ont vu le jour, mais des freins institutionnels et économiques. Si la France ne résout pas rapidement ces problèmes, le risque de voir des solutions étrangères prendre le pas et distancer les solutions françaises devient de plus en plus réel. Il est important d’apporter des solutions aux nombreuses limites que rencontrent les acteurs de la télémédecine en France. Quelles sont-elles et quelles solutions existent pour y répondre ?
Frein n°1 : sortir des phases d’expérimentation pour passer (enfin) à la création d’usage
C’est un fait : le marché ne décolle pas en France, alors que le besoin est identifié et existe. Depuis 2010, peu de projets « télémédecine » ont pu émerger : la plupart des initiatives se résument en projets pilotes. En effet, en 2013, 331 dispositifs de télémédecine ont été recensés, la plupart sous l'égide des agences régionales de santé (ARS). À ce jour, peu de projets ont réussi l’épreuve de l’expérimentation. Si l’on veut pouvoir parler à un médecin en ligne et obtenir- le cas échéant une prescription médicale - il existe moins d’une petite poignée d’acteurs disposant des autorisations nécessaires pour cette activité à grande échelle.
Frein n°2 : libéraliser l’accès à la téléconsultation !
Si les expérimentations n’ont pas encore donné naissance à des champions de la télémédecine en France, c’est notamment en raison de fortes disparités sur la manière dont sont autorisés les différents projets. Les projets pilotes ne sont pas coordonnés et développés au niveau national : chaque Agence Régionale de Santé décide de l’orientation des projets sur son territoire. Par exemple, l’Île de France a accompagné la plupart des projets viables, quand d’autres ARS n’ont pas encore démarré leurs expérimentations… Ces dernières sont frileuses et voient d’un mauvais oeil l’arrivée de sociétés privées sur le secteur. Elles ont bloqué l’accès à une autorisation d’exercer l’activité de télémédecine plutôt que d’accompagner son développement en l’encadrant et en profitant des études médico-économiques qui auraient pu être effectuées par ces sociétés éditrices de solutions technologiques.
Afin de donner une chance à tous les acteurs français, il est de la responsabilité du gouvernement de définir un cahier des charges communs à tous, quelle que soit leur implantation géographique. Comment ? En mettant fin à l’obligation de passer un contrat avec une Agence Régionale de Santé. Ces dernières pourront en revanche s’impliquer sur le suivi des projets et s’assurer que soient respectés les droits du patient, que soient protégées les données sensibles et que les professionnels exercent dans les meilleures conditions possibles à distance.
Frein n°3 : le problème du payeur, un modèle économique à trouver
Aujourd’hui, nous faisons face à trois problématiques : les français sont habitués à ce que leurs frais de santé soient remboursés, les ARS ne contractualisent que s’il n’y a aucun reste à charge pour les patients, et enfin, les mutuelles ne sont pas favorables à rembourser des actes intégralement et ne voient pas quels avantages ils auraient à financer l’essor de la télémédecine en France. Celles-ci constituent une barrière presque insurmontable pour l’émergence des projets de télémédecine. En effet, il faudrait pouvoir payer une infrastructure coûteuse (développement des plateformes sur des environnements sécurisés et hébergement agréés pour les données de santé) et des professionnels de santé qui répondent aux appels. Que faire ? Attendre les résultats des votes du projet de loi de financement de la sécurité sociale et également l’issue des négociations entre les différents acteurs pour une prise en charge généralisée des téléconsultations.
Tous les acteurs de l’e-santé espèrent donc que ces négociations soient rapides et débouchent vers un remboursement des actes en ligne courant 2018 ! L’obligation qui est faite aux projets émergents de ne pas laisser de reste à charge pour le patient rend la compréhension de leur offre difficile. À moins d’avoir passé des conventions de prise en charge avec des tiers payeurs (mutuelles, employeurs) pour pouvoir envoyer une ordonnance, ils ne peuvent proposer que des services de téléconseil. Les acteurs de la télémédecine reçoivent des demandes de patients qui ne comprennent pas les raisons de ces blocages et voudraient pouvoir parler à un médecin dans un délai très court et recevoir une ordonnance quand c’est nécessaire. Une demande simple à laquelle il est apporté une réponse incomplète et souvent incomprise.
Frein n°4 : des professionnels qui ne sont pas prêts ?
La transformation digitale de la médecine se développe rapidement à l’étranger mais peine à s’étendre en France. Les professionnels de santé voient depuis longtemps émerger ces pratiques digitales mais ils n’arrivent pas à se projeter dans une pratique de la médecine à distance. S’ils doutent parfois de leur capacité à exercer leur art sans examen clinique, ils voient bien l’intérêt de la téléconsultation dans certains cas précis. En mettant à leur disposition des outils et des formations adaptées, et en prenant en charge le financement de ces actes, les médecins pourraient adhérer de plus en plus rapidement à la télémédecine. Afin que la télémédecine puisse faire l’objet d’un déploiement réel en France, il faudrait traduire en actes les projets en cours qui répondent aux problématiques d’accès aux soins de premier recours en facilitant la téléconsultation. Il en ressort donc deux urgences : mettre en place un cadre réglementaire unique, applicable à tous, et rembourser les téléconsultations en dehors des cadres expérimentaux actuels.