Atteinte à la libre concurrence : la Salle Pleyel interdite de musique classique !

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Par Philippe Herlin Modifié le 28 novembre 2014 à 7h31

Les entorses à la libre concurrence sont malheureusement courantes, mais cette fois on atteint un sommet avec ce qu'il convient désormais d'appeler « l'affaire Pleyel ». La salle mythique de la rue du Faubourg Saint-Honoré n'aurait plus le droit de programmer des concerts de musique classique, alors que c'est son « ADN » depuis presque un siècle !

Quelle est la situation ? La Salle Pleyel appartient aujourd'hui à la Cité de la musique, qui est en train d'achever la construction de la Philharmonie de Paris, une grande salle de concerts symphoniques qui ouvrira le 14 janvier. Cet auditorium aura une contenance de 2400 places, auxquelles il faut rajouter les 800 places de la Cité de la musique (rebaptisée Philharmonie 2), il ne va donc pas être facile de les remplir, d'autant que cet ensemble s'avère relativement excentré (Porte de Pantin). Les Parisiens et les banlieusards viendront-ils ? C'est toute la question. Alors pour tenter de récupérer au maximum les habitués de Pleyel, la Philharmonie veut concéder l'exploitation de la salle mais en interdisant purement et simplement le classique. Comme le précise l'appel d'offre : « La programmation ainsi définie exclut tout concert ou spectacle de musique classique quel qu'en soit la forme ».

C'est du jamais vu, on peut même parler de censure, et c'est la fin de l'histoire pour Pleyel, inaugurée en 1927 et qui fait partie des grandes salles mythiques à travers le monde aux côtés de Carnegie Hall à New York, du Musikverein de Vienne, de la Philharmonie à Berlin ou du Concertgebouwn à Amsterdam. La seule variété ne peut suffire à rentabiliser un équipement de 1800 places, et pour ce format l'Olympia sera toujours préféré. Cet oukase signifie à terme la disparition de Pleyel.

En face une personne s'est levée et se bat contre cette mort programmée de la salle, il s'agit de Carla Maria Tarditi, l'ancienne propriétaire, qui conteste la vente et a attaqué en justice la Cité de la musique. Le Tribunal du commerce lui a donné raison le 7 octobre dernier en décidant d'ordonner « l'interdiction de la concession de la salle Pleyel », une décision qui interrompt de fait la reprise de l'exploitation de la salle. L'appel de la Cité de la musique sera jugé le 16 décembre, on pourra suivre cette affaire sur son blog pourleclassiqueapleyel.com, et bien sûr nous y reviendrons.

Il est tout de même stupéfiant de saborder une salle au passé si prestigieux, internationalement reconnue et qui réunit une large audience. Comment croire que l'interdiction de la musique classique incitera ces mélomanes à traverser Paris jusqu'à la Porte de Pantin ? Ils iront plutôt au Théâtre des Champs-Elysées ou à Radio France... qui vient d'inaugurer son nouvel auditorium. Et beaucoup n'iront tout simplement plus au concert.

Ne peut-on pas laisser les musiciens et le public choisir ? Le spectacle vivant bénéficie d'importantes subventions publiques, cependant la concurrence constitue une épreuve de vérité sur le succès ou l'échec de telle ou telle institution. Il ne faut surtout pas se priver de cet indicateur, au risque de basculer dans une étatisation complète de la culture.

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.

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