Les parlementaires sont-ils trop peu payés ?

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Par Eric Verhaeghe Publié le 10 janvier 2017 à 10h25
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cc/pixabay - © Economie Matin
5100 EUROSHenri Guaino, payé 5 100 euros par mois, ne peut rien mettre de côté.

Les parlementaires sont de pauvres gens, scandaleusement sous-payés et injustement incompris. Le petit défilé de lamentations auquel nous avons assisté sur le sujet cette semaine souligne une fois de plus l’ahurissante rupture entre les petits marquis indécents qui prétendent régenter la République et les Français ordinaires qui doivent se résigner à une indigestion de couleuvres.

Les provocations d’Henri Guaino

Henri Guaino, auto-proclamé gaulliste social, a osé déclarer devant des caméras de télévision qu’avec 5.100€ par mois de rémunération comme député, il ne pouvait rien « mettre de côté ».

« Moi, j’ai commencé ma carrière d’élu à 50 ans passés. Donc à 50 ans passés, vous avez des charges, j’habite à Paris. On peut me dire : ‘Vous pouvez déménager’. Bien sûr, je vais dire à ma famille : ‘On s’en va’. Je ne suis pas élu dans la Creuse ou en Corrèze, [à Paris] les loyers sont beaucoup plus élevés. Le train de vie que j’ai, même en le réduisant, il pèse plus lourd. »

Ses électeurs qui vivent au même endroit avec beaucoup moins auront apprécié le geste et la phrase.

Les pleurnicheries de Gérard Collomb

Le 9 janvier 2017, c’était Gérard Collomb qui reprenait le crachoir pour pleurer sur son sort. Étranglé par le cumul des mandats, le maire de Lyon (qui s’investit beaucoup dans la campagne d’Emmanuel Macron) est peu assidu au Sénat. On ne peut pas tout faire dans la vie. Du coup, il est dans le viseur de nouvelles dispositions qui frappent les absentéistes au porte-feuilles: sa rémunération est tombée à 4.000 euros.

« Il est impossible de prévoir quels jours on doit être à Paris, car on ne sait pas d’une semaine sur l’autre quand se feront les votes solennels. Impossible dans ces conditions d’organiser un agenda », se justifie l’élu, pour qui la mesure de Gérard Larcher serait même contre-productive. « Dans ces conditions, on n’aura plus comme sénateurs que des mauvais, des apparatchiks de partis et des retraités »

Pénaliser financièrement les élus absents? Cette mesure, qui paraît de bon sens lorsqu’elle frappe les salariés ordinaires, est visiblement vécue comme une plaie par les élus de gauche qui la subissent.

Les syllogismes très peu républicains de Gérard Collomb

On s’amusera de relever, en creux, la pensée profonde de Gérard Collomb. Selon lui, « mal payer » les parlementaires obligera à « avoir des mauvais », « des apparatchiks de partis et des retraités ». Ah bon? parce que ce n’est pas le cas aujourd’hui?

Il a raison, Collomb, de poser la question de la représentativité sociale des chambres parlementaires. On sait aujourd’hui qu’elles sont essentiellement composées de fonctionnaires. C’était d’ailleurs son cas, puisque, avant d’être élu, il était enseignant dans des lycées publics. Jusqu’à preuve du contraire, un enseignant n’est pas payé 5.000 euros. Pas même 4.000 euros. En devenant député, Collomb a probablement doublé son salaire. Est-ce pour cela qu’il était mauvais?

Car, sans le dire, Collomb nous explique qu’un bon parlementaire, c’est un parlementaire qui doit avoir un métier aussi bien payé que celui de député ou de sénateur. Sa petite phrase illustre à merveille le glissement insidieux de la République vers un système censitaire qui ne dit pas son nom.

Seuls les plus riches doivent pouvoir être élus.

La variante de « l’enracinement » local

Parallèlement, on apprend que des députés républicains vont faire pression sur François Fillon pour que soit remise en cause la loi sur le non-cumul des mandats.

L’argument le plus généralement utilisé pour justifier cette situation anormale où un maire est aussi le député du coin repose sur l’idée que le cumul permet de mieux connaître les problèmes locaux, ce qui éviterait ainsi une « déconnection » entre Paris et la province. Ah! ah! superbe syllogisme…

Rappelons d’abord qu’un élu à l’Assemblée Nationale est… l’élu de la Nation. Il ne représente donc pas sa circonscription, mais le peuple français tout entier. Le fait que cette idée soit complètement « passée de mode » et qu’officiellement aujourd’hui les parlementaires se considèrent comme de simples lobbyistes d’une circonscription, ou d’une région, ou d’une collectivité, en dit long sur le déclin de l’esprit républicain parmi nos élus, et sur la dégradation de la démocratie en France.

Selon la Constitution, seul le Sénat représente les collectivités locales, ce qui explique d’ailleurs que les sénateurs ne soient pas élus au suffrage universel direct.

Ce que les cumulards aiment expliquer sans l’assumer, c’est que la République est morte, et qu’elle se réduit désormais à un concert de parcours individuels où chaque élu fait feu de tout bois pour tirer la couverture à lui… en arrosant sa circonscription de bienfaits ou d’avantages extorqués à l’intérêt général.

C’est précisément cette dérive institutionnelle qu’il faut combattre en changeant de régime. Mais… merci aux parlementaires de tomber ainsi le masque sur la réaction nobiliaire qu’ils pratiquent au jour le jour.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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