Agents de joueurs: du Stade Toulousain au RC Toulon, ils sont désormais incontournables

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Par Michel Delapierre Modifié le 24 mars 2016 à 12h11
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1000Joueurs Pro

Imprégné par l’histoire d’un sport resté longtemps amateur et construit sur des valeurs de solidarité, le monde de l’ovalie évoque rarement, et toujours d’un air coupable, ces nouveaux acteurs du rugby professionnel.

Leur métier : négocier les contrats des joueurs pro auprès des clubs.

Ils sont apparus avec la professionnalisation du sport en 1995. A l’époque une poignée, les agents sont aujourd’hui une soixantaine à exercer en France.

Salaires, primes de match, éventuellement contrats d’images lorsque la notoriété du joueur le permet, ils s’occupent de tous les aspects financiers mais leur rôle ne s’arrête pas là. Il s’agit aussi de conseiller le joueur sur ses choix de carrière, l’aider à changer de club, l’accompagner dans les périodes de doute, l’appuyer dans sa reconversion.

Pour exercer, il faut une licence. Délivrée à 3 ou 4 nouveaux agents chaque année par la Fédération Française de Rugby (FFR), elle s’obtient sur concours. Un concours de plus en plus difficile à en croire les intéressés où se mêlent épreuves juridiques et épreuves techniques sur les règlements de la FFR et de la Ligue Nationale du Rugby (LNR, instance dirigeante du rugby pro).

Le rugby français compte actuellement un peu plus de 1000 joueurs professionnels (TOP 14 et Pro D2 inclus).

90% d’entre eux travaillent avec un agent. A cela s’ajoute les jeunes Espoirs, près de 600 joueurs sous contrat professionnel dont la moitié ont déjà un agent.

Il aura fallu une dizaine d’années au rugby français pour qu’il réalise sa mue et devienne un sport professionnel à part entière. Le milieu attirant de plus en plus les sponsors, les enjeux financiers autour des clubs s’intensifient. Même si l’on est encore loin du foot en termes économiques, du Stade Toulousain au Rugby Club Toulonnais, les agents de joueurs sont désormais incontournables.

S’ils sont en théorie plus de 60 à exercer, seulement une petite quinzaine d’entre eux raflent la grande majorité des joueurs et possèdent une réelle influence sur le marché. Ceux qui comptent sont ceux qui travaillent avec les meilleurs joueurs.

Dans le milieu, leur image est souvent écornée.

Quand on ne les soupçonne pas de favoriser les dérives financières, on les accuse de piller les petits clubs au profit des gros en vendant du rêve à des joueurs un peu naïfs.

Intermédiaires obligés des transactions entre clubs et joueurs, ils dérangent. Dans le rugby, l’argent est devenu le nerf de la guerre mais on n’aime pas le faire savoir.

Les agents sont au coeur d’un sport où la pression de la réussite est permanente. Les clubs ont de plus en plus tendance à acheter des paquets de muscles et à les utiliser jusqu’à épuisement. L’augmentation inquiétante des blessures et des commotions ou les efforts pour faire émerger la jeune génération française ne sont clairement pas des priorités. Il faut du spectacle et des résultats avant tout.

Dans le rugby pro actuel, les fameuses valeurs du rugby ne sont plus qu’un slogan marketing.

Nous sommes bien loin du temps où l’on pouvait philosopher sur la beauté d’un sport où il faut faire une passe en arrière pour avancer.

Du côté des joueurs, on ne fait pas non plus dans les sentiments. On passe d’un agent à un autre sans état d’âmes. Les informations circulent vite entre joueurs et les réputations des agents se font et se défont dans les vestiaires.

Entre eux, les agents ne sont pas plus tendres. Manipulations, mensonges, tous les coups sont permis pour récupérer le bon étalon. Le milieu est viril et les menaces physiques n’y sont pas rares.

Pourtant, mis à part quelques stars internationales comme le All Black Dan Carter, nouvelle pièce maitresse du Racing 92 qui émarge à plus d’un million d’euros, le salaire moyen d’un joueur de TOP 14 se situe autour de 15 000 euros net par mois. En Pro D2, on est plus proche des 5000, à des années lumière donc des salaires pratiqués dans le foot.

La commission de l’agent sera au maximum de 10% sur le salaire brut annuel du joueur, 8% en moyenne et de 5 à 6% lors d’une prolongation de contrat. Depuis quelques années, les salaires dans le rugby ne bougent plus mais le sport continue de réaliser de bonnes audiences. Les choses pourraient donc rapidement changer.

La question des salaires est une source de conflit récurrente entre clubs et LNR.

C’est un débat symptomatique de l’hypocrisie qui règne dans le milieu lorsqu’il s’agit d’argent. En effet, les clubs sont limités à 10 millions d’euros de masse salariale, c’est ce qu’on appelle le « salary cap ». Cette règle est souvent dénoncée par les clubs les plus riches car elle freine leur développement. Pour les instances dirigeantes, elle permet au contraire de ne pas créer trop de déséquilibres avec les clubs moins bien dotés. Dans les faits, tout le monde sait qu’il existe des moyens pour contourner cette règle et que les sanctions ne sont pas réellement dissuasives.

Une solution pourrait venir d’outre Manche où les clubs sont également limités dans leur masse salariale mais où la fédération anglaise leur permet de payer deux joueurs de l’effectif hors « salary cap ». Une latitude qui change beaucoup de choses lorsqu’il s’agit de faire signer des stars du calibre de Dan Carter.

Quoi qu’il en soit, le TOP 14 n’est peut être pas le championnat le plus relevé du monde mais c’est bien en France que les joueurs pro sont les mieux payés. De quoi attiser les convoitises et offrir aux agents de belles perspectives d’avenir.

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