On ne le dit pas assez, mais les femmes sont les grandes victimes du RSI, à tel point qu’une action contentieuse pour discrimination mériterait d’être menée pour mettre un terme à ce scandale.
La maternité des indépendants: une dépense minimaliste
Précisons d’abord le cadre général dans lequel s’inscrit le congé maternité des indépendants assurés par le RSI.
Les petits tableaux ci-dessous devrait aider à mieux comprendre l’enjeu:
La commission des comptes de la sécurité sociale adore jouer dans ses rapports, dont ce tableau est extrait, avec les périmètres de dépense. Nous prendrons donc, pour conserver la sincérité des chiffres, ceux de l’année 2014, dernière année où le périmètre est resté stable.
Pour le régime général, les prestations maternité dans le champ de l’ONDAM et hors champ de l’ONDAM, elles représentent environ 3,9% des dépenses totales.
Examinons les mêmes chiffres pour le RSI:
En 2014, les prestations maternité dans le champ de l’ONDAM ont coûté 157 millions€ sur un total de près de 9,1 milliards€ de prestations. Les dépenses hors champ se sont élevées à 158 millions€. L’ensemble coûte donc 315 millions€, soit un peu moins de 3,4% des dépenses du régime consacrées à la maternité, une marge de 0,5 point (15% grosso modo) de moins que le régime général.
Les indépendantes ont des droits inférieurs aux standards internationaux
La première explication de cette situation défavorable tient évidemment à l’infériorité des droits accordés aux indépendantes par rapport aux salariées.
Voici, d’ailleurs, ce qui est présenté par le site du RSI:
Les indépendantes n’ont donc pas droit à un congé maternité, mais à une indemnité journalière forfaitaire d’interruption d’activité… de 44 jours consécutifs. Celles qui prennent moins sont exclues du dispositif. Celles qui veulent pousser le vice jusqu’à bénéficier du même statut que les salariés, à savoir 16 semaines de congé, ne peuvent évidemment pas le faire, puisque l’indemnisation est limitée à 74 jours… soit dix semaines si l’on compte 7 jours dans la semaine, et 15 semaines si l’on en compte 5. Dans tous les cas, on est au-dessous
C’est pas beau, ça, la vie? dix semaines de congé maternité pour une femme cheffe d’entreprise? Avec, dans cette hypothèse, un revenu mensuel de 1600€ bruts. Moi, je dis que c’est même un peu trop.
Probablement pris de remords, les administrateurs du RSI ont caché la misère en ajoutant à ce dispositif une allocation forfaitaire de repos maternel de 3.269€ versée en deux fois. Malgré ce geste, la dépense maternité reste très inférieure à celle du régime général.
Rappelons qu’en droit français, le congé maternité d’une salariée est de 16 semaines. En droit européen et même selon le BIT, le congé maternité est de 14 semaines au minimum. On voit ici le mauvais traitement fait aux indépendantes par un régime qui se prétend solidaire.
Le scandale absolu des conjointes collaboratrices
La situation des conjointes collaboratrices est pire. Celles-ci n’ont droit à aucun congé maternité. Le RSI leur réserve juste l’allocation forfaitaire de repos maternel, et prévoit la possibilité d’une indemnité de remplacement versée… pendant 28 jours au maximum!
Un mois de congé de remplacement pour une conjointe collaboratrice? C’est pas un peu trop ça… Les femmes au boulot! Le RSI, c’est du social et du solidaire…
Dans tous les cas, la situation des conjointes collaboratrices est un scandale sur lequel nous reviendrons.
Les simagrées des taux dégressifs de cotisations
Au passage, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 promet de mettre en place un taux dégressif de cotisations maladie pour les bénéficiaires du RSI percevant moins de 27.000 euros de revenus. Voici le texte, relevant de l’article 11 de la version finale:
« Art. L. 612-5. – Le taux des cotisations mentionnées à l’article L. 612-4 dues par les travailleurs indépendants non agricoles affiliés au régime d’assurance maladie et d’assurance maternité prévu à l’article L. 613-1 et dont les revenus d’activité sont inférieurs à un seuil fixé par décret fait l’objet d’une réduction, dans la limite de 3,5 points, qui décroît à proportion de ces revenus, dans des conditions fixées par décret. Le bénéfice de cette réduction ne peut être cumulé avec aucun autre dispositif de réduction ou d’abattement applicable à ces cotisations, à l’exception de celui prévu à l’article L. 242-11. »
Officiellement, le taux de cotisation, sous le seuil de 27.000€ de revenus, ira donc de 3 à 6,5%. Mais c’est trop gentil ça, mon bon Monsieur! Le gouvernement justifiait cette mesure de la façon suivante:
Malheureusement, le gouvernement oublie de préciser que ceux qui bénéficieront de ce royal cadeau bénéficient aussi de prestations ignoblement basses. Ainsi, les micro-entrepreneurs qui perçoivent moins de 3.800€ annuels (et qui cotiseront à 3% au lieu de 6,5%) se voient appliquer cette règle sortie du Moyen-Âge:
Voilà ce qu’on appelle un régime solidaire: le fauché qui est sur la paille et qui a le malheur de faire un enfant reçoit une allocation de repos maternel de 234 euros pour un congé maternité de 44 jours. C’est beaucoup non?
L’absurdité du système de sécurité sociale pour les indépendants
Bien entendu, personne ne peut vivre raisonnablement avec moins de 3.800 euros par an. Ce cas vise essentiellement les micro-entrepreneurs qui perçoivent des revenus d’une activité régulière par ailleurs. Ce peut être le cas de salariés (ou de fonctionnaires) qui travaillent à temps plein ou partiel dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un statut et qui font des « ménages » pour arrondir leurs fins de mois. Le paradoxe de ces cumulardes sera de pouvoir bénéficier d’une baisse de cotisations pour améliorer leurs droits à congé maternité servie par le régime général.
Si le législateur (et le pouvoir exécutif) n’avait pas entrepris de « fourrer » la dinde RSI, en 2005, avec tous les cas non-salariés non-agricoles, ces absurdités de traitement n’existeraient pas.
Et les conjointes collaboratrices alors?
C’est le Code du Commerce qui invente l’obligation pour une femme d’opter pour un statut dans l’entreprise de son mari si elle y travaille. L’article du Code qui fixe la règle est le L 121-4:
I. – Le conjoint du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle opte pour l’un des statuts suivants :
1° Conjoint collaborateur ;
2° Conjoint salarié ;
3° Conjoint associé.
II. – En ce qui concerne les sociétés, le statut de conjoint collaborateur n’est autorisé qu’au conjoint du gérant associé unique ou du gérant associé majoritaire d’une société à responsabilité limitée ou d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée répondant à des conditions de seuils fixées par décret en Conseil d’Etat.
Le choix effectué par le conjoint du gérant associé majoritaire de bénéficier du statut de conjoint collaborateur est porté à la connaissance des associés lors de la première assemblée générale suivant la mention de ce statut auprès des organismes mentionnés au IV.
III. – Les droits et obligations professionnels et sociaux du conjoint résultent du statut pour lequel il a opté.
IV. – Le chef d’entreprise déclare le statut choisi par son conjoint auprès des organismes habilités à enregistrer l’immatriculation de l’entreprise. Seul le conjoint collaborateur fait l’objet d’une mention dans les registres de publicité légale à caractère professionnel.
Miam! Voilà un texte qui fleure bon le régime de Vichy. J’adore la formulation: « Le chef d’entreprise déclare le statut choisi par son conjoint »…
On peut parier que ce statut, soumis aux fourches caudines de la Constitution et des engagements internationaux de la France, ne passe pas la rampe. Il faudrait en effet justifier qu’un conjoint (homme ou femme) doive travailler dans une entreprise bénévolement pour éviter la mise à l’index. On est prêt à tester…
Une protection sociale inférieure et inconstitutionnelle pour les conjointes collaboratrices
En tout cas, sur son site, le RSI nous annonce combien ce statut est merveilleux:
Traduction: si tu travailles bénévolement ET régulièrement pour ton mari, sans avoir la qualification d’associé, tu entres dans le dispositif.
On a vu ce qu’était la protection sociale « complète » dont cette demi-esclave bénéficie: pas de congé maternité, et un droit au remplacement pendant 28 jours au maximum. Une débauche de solidarité, en quelque sorte.
Les conjointes collaboratrices devraient faire reconnaître leur lien de subordination
On attend donc avec impatience la prochaine action aux prud’hommes ou au TASS d’une conjointe collaboratrice qui soulèvera tous les motifs d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité présentés par le dispositif du RSI.
De façon caricaturale, en effet, le RSI officialise une situation totalement illégale. Mais quel esprit malade peut valider une situation où les femmes sont traitées en esclave, privées de congé maternité, tout en étant placées dans un lien de subordination vis-à-vis du chef d’entreprise?
Le RSI viole les conventions de l’OIT
On rappellera juste ici le texte de la convention n°183 de l’OIT sur la protection de la maternité (2000):
Le RSI viole les conventions de l’OIT, mais il est un organisme de protection sociale. Tout simplement…
Vive la solidarité!
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog