Responsabilité sociale et Made in France : le cas de la Société de Production de Lunettes Françaises

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Par Rédaction Publié le 16 octobre 2015 à 11h20
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@shutter - © Economie Matin
384 EUROSEn France une paire de lunettes coûte 384 euros en moyenne (verres unifocaux).

Interview avec Robert-Claude Régé-Turo, président de la société SPLF

1 – Votre société produit la collection 1796. De quoi s’agit-il précisément ?

La collection 1796 est une collection de 36 montures optiques destinées spécifiquement à Carte Blanche Partenaires et dont les modèles évolueront d’année en année. La première année, un tiers des montures sera Origine France Garantie (OFG), donc produite en France, le reste étant estampillé CE. Mais dès l’année suivante, nous aurons toujours un tiers en OFG et les deux tiers restant seront Made in France. Tout sera fait dans le bassin lunettier de l’Ain et du Jura, à Oyonnax et Morez.

2 – Pourquoi cet intérêt pour les lunettes fabriqués en France ?

Si à une époque l’essentiel des demandes portait sur des produits optique Mode et griffés, nous constatons aujourd’hui une demande croissante pour les produits spécifiquement Made in France : il existe un phénomène de plus en plus notable de demande pour des produits français et OFG.

En tant que fabricant français de lunettes, j’ai immédiatement fait part de mon enthousiasme lorsque Carte Blanche m’a demandé de produire cette collection dans ces conditions. Mon grand-père a démarré l’activité en 1923 dans ces régions, suivi par mes parents et mon oncle. Mes frères et moi avons pris la relève, et nous sommes aujourd’hui imités par nos propres enfants. Je considère que mettre l’accent sur le Made in France est une forme de reconnaissance de savoir-faire, transmis de génération en génération, et de la qualité de nos produits.

Du point de vue des produits, les lunettes françaises sont particulièrement reconnues dans le domaine des montures acétate, avec des qualités de finition inégalées. Concernant les lunettes à monture métal, la maitrise de la technologie est à peu près équivalente partout dans le monde, mais la France se singularise là aussi par le soin apporté à la finition et le travail sur la qualité. Bien que n’ayant plus d’usine en propre dans le Jura, je tire une grande fierté du fait d’aider les fabricants restés sur place à pérenniser et développer leurs activités dans l’optique.

3 – A qui est destinée cette collection ?

A tous les bénéficiaires de Carte Blanche, qui feront le choix de ces montures chez l’un des 11 000 opticiens du réseau. L’intérêt principal et l’objectif de cette collection résident dans le fait de proposer des produits soignés et de qualité Origine France Garantie, sans reste à charge pour le client et sans entamer les marges des opticiens, nécessaires pour assurer la même qualité de suivi et d’accompagnement des clients.

Naturellement, ces montures seront aussi proposées aux clients n’appartenant pas au réseau Carte Blanche mais avec des conditions de remboursement différentes, dépendant des OCAM concernés.

4 – Pourquoi le réseau de soins CBP est-il devenu centrale d’achats ?

Carte Blanche a pour objectif de fournir un produit de qualité sans à reste charge pour le client final et sans léser l’opticien. Cela n’est possible qu’à la condition pour Carte Blanche de créer une structure associative, sans but lucratif, faisant office de centrale d’achats et permettant la distribution de cette collection aux opticiens du réseau.

Il y a une véritable volonté chez Carte Blanche de répondre à une mission d’utilité sociale en facilitant l’accès aux soins optiques pour le plus grand nombre. C’est ce que nous a expliqué Carte Blanche, et c’est une démarche que nous trouvons saine : il s’agit de créer les conditions de la meilleure offre qualité/prix possible avec notamment des lunettes Origine France Garantie, design et de qualité, et un reste à charge nul pour le client.

5 – Pensez-vous qu’il y ait un véritable problème d’accès aux soins visuels ?

Oui, et c’est de ce constat qu’est né le projet avec Carte Blanche. Il s’agit de répondre à une problématique sociale et de santé publique. Pour preuve, notre modèle ne génère pas de bénéfice, à la différence des centrales d’achats, mais répond avant tout à une utilité sociale. Si, en France, il est malgré tout possible de se procurer des montures à des prix très bas, le problème reste celui de la qualité des produits concernés. Il est difficile aujourd’hui d’accéder à des produits de qualité à des prix abordables. C’est ce phénomène qui génère le plus de renoncement aux soins optiques.

Le projet de Carte Blanche, auquel nous nous associons, permet cet accès à des produits optiques de qualité, qu’il s’agisse du design ou des matériaux, sans reste à charge pour le client, tout en défendant dans une démarche de responsabilité sociale l’emploi et les savoir-faire de la lunetterie française.

6 – Comment l’arrivée de cette collection, voulue par CBP et « imposée » au réseau affiliée, est-elle accueillie par les centrales d’achats ?

La réaction a été plutôt vive quand le programme a été annoncé ! Plusieurs acteurs de l’optique ont estimé que nous court-circuitions les schémas traditionnels de distribution. Mais d’une part, cela ne remet pas en cause les accords de collaboration que Carte Blanche a avec un certain nombre de centrales. Et d’autre part, la structure mise en place par Carte Blanche travaille sur des volumes restreints.

Il n’y a donc pas de concurrence véritable avec des centrales d’achats proposant des milliers de références, compte tenu du faible nombre de modèles. Et il n’est pas question non plus de concurrence avec les fabricants de montures « modes » puisque nous nous consacrons à de produits de grosse rotation, « classiques » en un sens, de qualité, mais en nombre limité. L’intérêt est de proposer un produit de qualité sans reste à charge, Origine France Garantie, mais consensuel et vendable au plus grand nombre.

7 – Votre activité n’a pas encore véritablement démarré. Comment comptez-vous organiser votre logistique compte tenu du grand nombre d’opticiens affiliés au réseau Carte Blanche ?

L’aspect logistique n’a pas encore été finalisé, cela devrait se faire dans les semaines qui viennent. La logistique revêt essentiellement deux aspects : la distribution des collections, et les services de SAV et réassort. Dans les deux cas, aucun contrat n’est encore signé, même si nous sommes en discussion avec plusieurs prestataires.

Nous savons simplement que l’ensemble de cette chaine logistique sera basé dans le Jura, avec probablement la constitution d’un dépôt logistique dans l’Ain. Concernant l’aspect distribution, sans frais de port et avec SAV gratuit, ce sera somme toute assez simple parce qu’il s’agit essentiellement d’un envoi ponctuel en nombre. Nous souhaitons profiter de cette opération citoyenne pour créer de l’emploi dans des régions qui en ont besoin.

8 – Quelle crédibilité accorder aux rumeurs d’accord entre SPLF, votre société, COI, la centrale d’achats des indépendant et l’enseigne Optic 2000 ?

Ces rumeurs trouvent certainement leur origine dans le fait que je suis distributeur/créateur pour Optic 2000 et d’autres grandes enseignes françaises depuis une quinzaine d’années. Ce sont ces liens historiques avec les grandes enseignes et la reconnaissance de certaines compétences qui m’ont valu la proposition faite par Carte Blanche. Je crains en revanche que ces relations anciennes, notamment avec Optic 2000, ne soient à l’origine d’un amalgame sans fondement entre COI, Optic 2000 et ma société. Je comprends mal la finalité de ceux qui colportent cette rumeur, hormis la volonté de porter préjudice aux acteurs concernés.

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