Disposant d'un des mix électriques les plus carbonés d'Europe, le Royaume-Uni se retrouve à quelques jours de la COP21 devant un défi énergétique sans précédent. Respecter ses objectifs en matière de réduction des émissions de CO2 lui imposera dans les années à venir de se défaire d'une forte dépendance aux combustibles fossiles (en charbon et gaz notamment) et d'investir de manière significative dans les énergies bas carbone. Une stratégie dans laquelle s'est désormais officiellement engagé le gouvernement via le soutien à plusieurs projets énergétiques décarbonés et l'annonce récente de l'abandon définitif du charbon d'ici 2025.
Des énergies fossiles toujours dominantes
Si le timing n'est bien sûr pas anodin, à seulement deux semaines de l'ouverture des négociations climatiques de Paris, l'annonce faite par le gouvernement britannique d'abandonner le charbon d'ici dix ans peut être perçue comme un pas de géant au regard du mix électrique actuellement en vigueur outre-Manche. Le Royaume-Uni compte aujourd'hui douze centrales à charbon, qui produisent plus de 30% de l'électricité à l'échelle nationale, et si trois d'entre elles sont déjà programmées pour fermeture d'ici l'année prochaine, neuf centrales devront être remplacées à l'horizon 2025.
En plus du charbon, le mix électrique britannique se compose de 30% de gaz, de 19% d'énergies renouvelables et de 19 % d'énergie nucléaire ; l'arrêt progressif des centrales exploitant la houille et le lignite devrait logiquement être compensé par le recours à ces trois alternatives. Le pays, grand producteur d'énergies fossiles, souhaite donc à la fois relancer le nucléaire, développer les renouvelables, l'efficacité énergétique, et s'appuyer sur une part toujours importante de gaz.
Le développement prioritaire des énergies décarbonées
Le gouvernement compte ici avant tout sur le développement des énergies renouvelables en Ecosse qui constitue à l'heure actuelle un des plus grands réservoirs d'énergies renouvelables d'Europe, et devrait doubler sa production dans les cinq prochaines années. Les énergies marines sont en pleine expansion en mer du Nord tandis que l'éolien progresse lui aussi à un rythme effréné dans les Highlands, bénéficiant de conditions d'exposition uniques et de réglementations largement favorables. De manière générale, les renouvelables éolien, solaire et biomasse sont aujourd'hui lourdement subventionnés et devraient dans l'ensemble connaître un fort développement dans les années à venir.
Avantagée et soutenue par l'Etat au même titre que tout autre énergie décarbonée, l'énergie nucléaire devrait elle aussi repartir de l'avant dans la prochaine décennie. Le gouvernement britannique confronté au vieillissement de son parc nucléaire, s'est engagé dans un programme de renouvellement de 20 % de ses installations. Le projet Hinkley Point C, porté par les entreprises publiques française EDF et chinoise CGN, vise à construire deux réacteurs de type EPR dans le sud-ouest de l'Angleterre pour 18 milliards de livres (25,5 milliards d'euros). Ces deux réacteurs constitueront la première construction de centrale nucléaire dans le pays depuis vingt ans et permettront de répondre à 7% des besoins en électricité de la Grande-Bretagne sur une période de 60 ans, d'alimenter plus de 6 millions de personnes et de créer 25.000 emplois.
Outre le projet nucléaire d'Hinkley Point, l'énergéticien français est fortement engagé dans le mouvement de transition énergétique britannique via sa filiale EDF Energy Renewables et ses nombreux investissements dans la filière éolienne. EDF EN dispose en effet de plusieurs centrales éoliennes en Grande Bretagne, dont celles de Northampton en Angleterre ou de Burnfoot North en Ecosse, et vient tout juste d'acquérir le plus grand parc éolien jamais envisagé au Royaume-Uni. Le projet de Dorenell en Ecosse proposera une capacité minimale de 177 MW et pourra atteindre jusqu'à 200 MW après extension. A terme, le parc générera suffisamment d'électricité pour répondre aux besoins énergétiques annuels de 122.000 à 138.000 foyers écossais.
Le gaz, une énergie toujours prépondérante au Royaume-Uni
Cela étant, il serait illusoire d'imaginer compenser plus de 30% de sa consommation d'électricité dans des délais si brefs et le gouvernement ne devrait donc pas diminuer drastiquement son recours aux énergies fossiles. Le gaz conservera une place de premier ordre dans le mix électrique national dans l'attente d'un développement suffisant et bon marché des renouvelables. L'Etat n'a d'ailleurs pas caché sa volonté d'exploiter le gaz de schiste et a entamé pour cela plusieurs programmes de prospection.
Comme l'explique dans les Echos Dieter Helm, professeur de politique énergétique à l'université d'Oxford, « dans un premier temps, c'est le gaz qui va prendre le relais du charbon. De nombreuses centrales au gaz sont aujourd'hui en sous-capacité et d'autres seront construites ».