Le Royaume-Uni face aux défis post-pandémie, post-Brexit

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Par Stéphane Monier Publié le 29 octobre 2021 à 6h50
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2,5%La croissance en Allemagne pourrait n'être que de 2,5% en 2021.

En plein essor, l'économie britannique est confrontée à une hausse de l'inflation avec moins d'outils pour gérer la croissance, tout en faisant face à des pénuries, à un marché du travail incertain et à des coûts manufacturiers et énergétiques plus élevés. Post-pandémie et post-Brexit, la Grande-Bretagne cherche à investir dans des solutions structurelles sans surchauffer son économie. Elle n'est certes pas la seule à devoir relever de tels défis, mais le Brexit limite ses options pour les années à venir.

Après avoir connu, en 2020, le déclin économique le plus brutal parmi les pays du G7, le Royaume-Uni a bénéficié en 2021 de l'un des plus forts rebonds, en partie grâce à la réouverture des entreprises et des services. Le pays devrait enregistrer une croissance du produit intérieur brut de 6,8% pour 2021, et de 5% supplémentaires en 2022, selon les estimations du Fonds monétaire international.

Le 27 octobre 2021, le Chancelier de l'Echiquier Rishi Sunak dévoilera le prochain budget du Royaume-Uni. Le Trésor devrait réduire les dépenses publiques tout en augmentant l'ensemble des impôts à leur niveau le plus élevé depuis les années 1980. Dans l'intervalle, les dépenses publiques devraient être inférieures aux prévisions de mars de quelque 20 milliards de livres, ou environ 25%.

M. Sunak a aussi promis de nouvelles règles budgétaires afin de limiter les dépenses publiques ces prochaines années et de plafonner à 100% environ le ratio de la dette publique par rapport au PIB. À l'inverse, l'Union européenne a conclu en 2020 un accord de 800 milliards d'euros, baptisé « Next Generation EU », pour sortir de la pandémie et soutenir les investissements, tandis que les États-Unis ont prévu une enveloppe fiscale de 3'500 milliards USD.

Pression sur les prix

La hausse de l'inflation atténue l'enthousiasme du Chancelier de l'Échiquier à l'idée d'une relance budgétaire additionnelle, car une augmentation de 1% des taux d'intérêt réduirait à néant sa marge de manœuvre en matière de dépenses, a-t-il déclaré en mars. La Banque d'Angleterre (BoE) a déclaré s'attendre à une inflation de 4% d'ici la fin de l'année et se prépare à relever les taux d'intérêt. La BoE estime qu'elle ne commencera pas à réduire ses achats d'obligations avant que son taux de référence n'ait atteint 1,5%.

Ces prochains mois, la hausse des prix de l'énergie et les pénuries dans la chaîne d'approvisionnement viendront renforcer les pressions inflationnistes au Royaume-Uni, tandis que la pénurie généralisée de main-d'œuvre et l'augmentation des prix impacteront les consommateurs. En août, le Royaume-Uni a enregistré une hausse de l'inflation de 3,2% comparativement à l'année précédente, ce qui constitue un record inégalé depuis neuf ans et dépasse de plus d'un point de pourcentage la cible de 2% fixée par la banque centrale.

« La politique monétaire ne peut pas résoudre les problèmes liés à l'offre », a déclaré le 17 octobre le gouverneur de la BoE Andrew Bailey, « mais elle devra impérativement agir si nous constatons un risque, notamment pour l'inflation à moyen terme et pour les anticipations d'inflation à moyen terme. » Les responsables de la politique monétaire et budgétaire se retrouvent donc face à une menace de ralentissement de la croissance du Royaume-Uni, avant que l'économie n'ait totalement récupéré de la pandémie de Covid.

Les swaps indexés sur l'inflation à deux et à dix ans, qui reflètent les attentes des investisseurs sur les marchés obligataires, se négocient à plus de 5% et 4% respectivement (voir graphique), alors que les rendements actuels des obligations d'État britanniques (gilts) sont de 0,5% et 1,1%. Il y a une semaine, le rendement des gilts à 10 ans a atteint un sommet de 1,22%, car les investisseurs ont déjà intégré une augmentation des taux d'intérêt de 0,1% à 1% d'ici la fin de 2022. Cela implique que les investisseurs sont prêts à accepter un rendement réel très largement négatif.

Un changement « fondamental »

Comme dans le reste du monde, le rythme de la reprise de la demande au Royaume-Uni a dépassé l'offre. Difficulté supplémentaire, le pays a connu une perte nette de travailleurs dans le sillage du Covid. Une étude estime que 1,3 million de personnes ont quitté le Royaume-Uni durant la pandémie, y compris des ressortissants de l'UE. Le Brexit et ses nouvelles règles d'immigration peuvent laisser entendre que, désormais, nombre d'entre eux ne reviendront pas.

« Nous pensons que la pandémie et le Brexit ont fondamentalement modifié les schémas migratoires à l'intérieur et à l'extérieur du Royaume-Uni », a écrit le mois dernier le Bureau de la statistique nationale. Historiquement, l'économie du pays a pu disposer d'un marché du travail flexible misant sur les travailleurs européens pour répondre à ses cycles économiques.

L'essence et les porcs

Ces dernières semaines, l'accent a également été mis sur la pénurie d'essence, imputée à un manque de chauffeurs routiers plutôt qu'à un manque de carburant dans les raffineries. Entre la mi-2020 et mars 2021, le nombre de citoyens de l'UE travaillant comme chauffeurs au Royaume-Uni a diminué de 14'000 pour atteindre 25'000, soit de plus d'un tiers, sur un total de 229'000 chauffeurs. En 2018 déjà, le comité de politique monétaire de la Banque d'Angleterre avait indiqué que la croissance de l'offre serait freinée par de faibles taux de chômage, laissant peu de marge pour augmenter la production sans stimuler l'inflation.

Ce mois-ci, dans le cadre du discours du gouvernement sur « le contrôle pragmatique de l'immigration », le budget devrait inclure de nouvelles mesures pour accélérer l'octroi de visas de travail aux diplômés des universités mondiales « de premier plan » et aux migrants qualifiés destinés aux entreprises à « forte croissance ». À plus court terme, le gouvernement a déjà proposé aux chauffeurs routiers et aux bouchers des visas temporaires accélérés afin de résoudre le problème des chaînes d'approvisionnement de l'essence aux élevages de porcs.

Le Premier ministre Boris Johnson a récemment déclaré à la BBC que le Royaume-Uni traversait « un moment extrêmement intéressant ». Son gouvernement qualifie les pénuries de problème mondial tout en y voyant le signe que le Royaume-Uni est déjà en transition vers une économie à plus hauts salaires et à plus forte productivité. Selon les déclarations du Premier ministre, les pénuries qui touchent les abattoirs et les routes du pays viennent de ce que les entreprises ont misé pendant très longtemps sur « l'immigration à bas salaires et à bas coût ». La pénurie sévit également à l'échelle européenne, et le Times a rapporté que seuls 27 candidats européens ont postulé aux 300 postes de conducteurs de camions-citernes proposés.

La livre et les actions

Du point de vue de la devise, les effets sont mitigés. Les anticipations de hausse des taux d'intérêt devraient soutenir la livre sterling durant les trois à six prochains mois. Nous pensons que la paire euro-sterling s'échangera autour de 0.8450 au cours de cette période. Cependant, une fois que les hausses de taux seront effectives, bridant la croissance, les marchés se concentreront sur les impacts négatifs du Brexit sur le commerce britannique, affaiblissant la demande pour la devise.

Nous conservons notre surpondération des actions britanniques, car la majorité des entreprises du Royaume-Uni orientées vers l'international restent relativement à l'abri des turbulences liées à l'approvisionnement et aux pénuries de main-d'œuvre. Les indices boursiers britanniques, qui comprennent un grand nombre de sociétés actives dans les secteurs bancaire et de l'énergie, profitent également du rebond cyclique. La remontée des taux d'intérêt et la hausse des prix du gaz et du pétrole sont autant d'atouts pour les actions du pays, renforcées par la forte dynamique des bénéfices.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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