Né en 1944 aux Etats-Unis, Robert BARRO est diplômé de l'Université de Harvard. Il est un économiste néoclassique, et donc d'inspiration libérale. Après avoir renié ses premiers travaux il devient un des maîtres à penser de l'économie néoclassique, avec Robert LUCAS et Thomas SARGENT. Il publie en 1974 son article le plus connu qui constitue toujours aujourd'hui une référence incontournable et une avancée théorique majeure en éclairant les relations entre dette publique et fiscalité. Lors de la publication de cet article, le milieu académique est dominé par une école de pensée opposée à ces travaux, à savoir la macroéconomie néokeynésienne. BARRO a surtout travaillé sur (1) la politique budgétaire au travers de l'articulation entre dette et fiscalité, (2) la politique monétaire au travers de la notion de crédibilité des objectifs d'inflation, et enfin sur (3) la croissance économique via l'investissement et le respect du droit de propriété.
Théorème d'équivalence ricardienne de BARRO
L'article de référence de BARRO est "Are Government Bonds Net Wealth?" a été publié en 1974 dans une des revues d'économie les plus prestigieuses, le Journal of Political Economy. Il approfondit notamment la théorie de "l'équivalence ricardienne" qui est un concept développé par l'économiste britannique David Ricardo au cours du XIXème siècle. En substance, l'équivalence ricardienne présente l'inefficacité d'une politique économique associant réduction des impôts et augmentation de la dette publique, et constitue donc une référence théorique pour appréhender les effets de la politique budgétaire. En pratique l'idée est la suivante : il y a équivalence car une augmentation de la dette publique aujourd'hui correspond à une augmentation des impôts demain, pour rembourser la dette ainsi que les intérêts attachés à cette dette. Les agents économiques sont rationnels et ils anticipent la hausse des impôts. Dès lors, au lieu de consommer, comme espéré par le gouvernement, ils préfèrent épargner en prévision des hausses d'impôts futurs.
BARRO développe cette idée et y intègre la compensation de l'épargne publique par l'épargne privée. Dans la vision conventionnelle qui prévalait avant les travaux de BARRO, la dette publique est perçue comme un moyen d'accroître la richesse nette des agents économiques (ménages et entreprises). En effet, la baisse des impôts financée par la dette entraîne la hausse du revenu disponible, et permet ainsi de stimuler l'activité économique à court terme. Or, à long terme, cela se traduit par une diminution du capital car les investissements diminuent, entrainant ainsi une hausse du taux d'intérêt et une baisse de la productivité du travail et du revenu. Selon BARRO, les mouvements d'épargne privée vont compenser ceux de l'épargne publique, de sorte que la baisse des impôts financée par la dette n'aura en réalité aucun effet sur l'économie.
Pour démontrer sa thèse, BARRO utilise un modèle à générations imbriquées. Dans ce modèle, chaque génération correspond à deux périodes (chaque agent est jeune dans une première période, puis vieux dans une seconde) et dans chaque période cohabitent deux générations (jeunes et vieux). Par conséquent, lorsque les vieux disparaissent à la fin de la seconde période, les jeunes deviennent à leur tour vieux, et une nouvelle génération vient les remplacer. Il intègre également un élément d'altruisme intergénérationnel où chaque génération peut avoir intérêt à laisser un héritage à la génération future. Dès lors, une diminution des impôts pour les vieux, financée par la dette, dont le remboursement est acquitté par les vieux de la période suivante (génération future) est inefficace à faire évoluer l'allocation des ressources car ni la consommation des vieux et des jeunes, ni les taux d'intérêts ne sont affectés. En effet, les vieux prennent en compte le bien-être de la génération future et décide alors l'allocation intergénérationnelle de la richesse (héritage aux enfants); d'où le principe de neutralité/inefficacité de cette politique économique.
Eléments complémentaires
En son temps, David Ricardo, avait utilisé l'exemple du financement d'une guerre pour étayer son propos. Il s'interrogeait sur la façon de financer une guerre coûtant 20 millions de livres dont le taux d'intérêt serait de 5%. Dès lors, la dépense peut être financée de façon équivalente de trois façons : soit (1) une taxe immédiate de 20 millions de livres, soit (2) une taxe perpétuelle de 1 million de livres, ou alors (3) une taxe de 1,2 millions de livres pendant 45 ans.
Robert BARRO fonde sa thèse sur plusieurs hypothèses assez rigides qu'il est raisonnablement permis de qualifier de fortes (autrement dit peu prouvées), comme par exemple la durée de vie finie des agents. Les études empiriques n'ont jusque-là pas permis de trancher la véracité de ces théories quelques soient les périodes et les lieux étudiés. Toutefois, il semble que plusieurs éléments peuvent être soulignés. En effet, à niveau de dépense publique donnée, si dans un premier temps la politique budgétaire telle que présentée par BARRO (baisse des impôts financée par la hausse de la dette) permet de stimuler l'activité économique, puis elle devient inefficace (neutre) dans un second temps, et enfin elle devient néfaste pour l'activité économique dans un troisième temps. En effet, passé un certain seuil, la charge de la dette peut être perçue comme insoutenable et entraîner un poids tel que les ressources allouées à son remboursement ne permettent plus d'allouer suffisamment de ressources aux dépenses productives.
Enfin, si la politique budgétaire est neutre, à dépenses données, jusqu'à un certain seuil lorsque les impôts diminuent et que la dette augmente, il apparaît qu'une politique efficace (au sens où elle peut avoir un effet sur l'activité économique) peut être la baisse des impôts parallèlement à une diminution de la dépense publique. Aussi, un élément qui peut venir empêcher le principe d'équivalence de se réaliser est la mise en place de distorsions sur les transferts intergénérationnels. En effet, l'empêchement, ou la limitation des transferts via l'imposition des héritages constituent un élément ne permettant pas la solidarité intergénérationnelle, et ainsi l'équivalence ne peut pas se produire de façon optimale.
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