1. Donald Trump et l’économie
Tout a été déjà à peu près dit sur cet aspect de la question mais rappelons brièvement les éléments de son programme : deux mots d’ordre, la relance par le déficit et la dérèglementation exclusivement nationale. Coté impôts, c’est la limitation à trois tranches d’imposition sur le revenu au lieu de sept aujourd’hui avec surtout un plafonnement de l’IR à 33% contre 39,6 aujourd’hui. C’est la suppression de l’impôt sur les successions et la baisse massive de l’impôt sur les bénéfices à 15% contre 35 aujourd’hui. Le coût est estimé à 5 800 milliards de dollars. Côté dépenses, c’est la suppression de la loi sur la santé (l’Obama care qui n’est pas, faut-il le rappeler, une couverture maladie universelle mais concernait pas moins de 32 millions d’Américains souvent en situation de précarité économique…). On a ensuite la prolifération d’annonces sécuritaires assez anti-immigration avec le triplement des agents de police aux frontières et l’idée d’un mur à la frontière mexicaine financé par le Mexique sous la menace de suspensions des transferts d’argent des travailleurs illégaux. C’est le point le plus sombre de son programme. Le reste est extrêmement flou pour l’instant notamment concernant les dépenses sociales et les investissements publics. Le rôle de l’Etat providence à ce niveau est encore à déterminer. Total = 500 milliards sur 10 ans à ce stade. Coté business c’est la levée des obstacles notamment dans le secteur de l’énergie, de quoi s’inquiéter après la COP 21 et 22 puisque Donald Trump souhaite abandonner les objectifs carbone. Coté commerce, c’est la remise en cause de tous les accords commerciaux de libre échange notamment avec le Mexique et l’Asie, enfin, la mise en place de sanctions contre les pays qui violent les accords commerciaux (ceux naturellement dans l’intérêt des EU). La Chine avec ses manipulations du change est dans le collimateur. Le message est donc d’imposer les intérêts économiques des Etats-Unis. Banal, mais à l’heure d’une forte concentration des richesses à l’échelle mondiale, on espère que cela ne conduira pas à l’explosion.
2. Les conséquences économiques
Sur l’économie mondiale : Donald Trump provoque un tournant historique puisqu’il interrompt 40 ans de globalisation impulsée par Ronald Reagan et Margaret Thatcher. L’idée était que cette globalisation devait stimuler la croissance en levant toutes barrières structurelles notamment sur la libre circulation des capitaux. Evidemment avec le Brexit en plus, on inverse cette tendance. La première conséquence à court terme s’observe sur les marchés financiers peu habitués aux discours douaniers et protectionnistes. L’Amérique pourrait sortir de son discours bienveillant sur le libéralisme économique. Avec la stratégie du moins disant fiscal on peut aussi craindre une concurrence fiscale.
Sur les échanges commerciaux : Donald Trump pense que les difficultés économiques des Etats-Unis viennent du reste du monde, les traités commerciaux sont remises en cause, même la présence des Etats-Unis à l’OMC ! Fini donc le TAFTA.
3. La grande contradiction et l’incertitude totale
La baisse des impôts d’un montant exceptionnel doit logiquement s’accompagner d’une hausse vertigineuse des importations. On précise par ailleurs que les Etats-Unis dépendent pour une bonne partie du secteur manufacturier et des approvisionnements du reste du monde et de la Chine notamment. Les importations devraient donc augmenter pour satisfaire la demande intérieure mais le commerce mondial subit dans ce programme un choc important puisqu’il remet en cause les traités avec certainement à la clé une hausse des droits de douane. C’est une contradiction mais qui génère deux incertitudes de taille pour le Globe : quelles vont être les conséquences sur la croissance économique. Nul ne peut vraiment le dire. Nous sommes un peu dans le cas du Brexit. Certains anticipent déjà une récession dans un contexte inflationniste du fait de la hausse des droits de douane et des importations. Car la hausse des droits de douane dans un contexte de hausse des importations entrainera une inflation. Que fera la Fed ? C’est la seconde incertitude et elle est colossale. A priori, si ce scenario se confirme ce devrait être une hausse des taux. Récession, inflation, hausse des taux, un triptyque que l’on a déjà entendu à d’autres occasions. C’est ici qu’une nouvelle guerre des changes serait enclenchée. L’Europe ne s’en sortirait pas totalement perdante avec une dépréciation relative de l’Euro mais pour commercer où et avec qui ? L’Allemagne, seul pays à exporter massivement en période d’euro fort pourrait trembler.
4. Finalement Donald Trump est-il social-démocrate ?
Reprenons nos trois bons principes d’une social-démocratie qui se respecte. La liberté, l’égalité des chances, le principe du plus démuni. Coté liberté, Barrières tarifaires, Mur et police à la frontière, paraissent plutôt inquiétants. Coté égalité des chances, il y a des baisses d’impôts pour l’ensemble de ceux qui paient l’impôt sur le revenu, et pour les entreprises, donc équilibré à priori en première réaction, mais la fin de l’Obama Care apparaît assombrir le tableau puisqu’il concernait principalement des individus sans couverture maladie et en situation de précarité économique. On a du mal à comprendre les motivations a priori d’une telle proposition. Enfin, aucune leçon n’est tirée de la récente crise financière du subprime qui, faut-il le rappeler, nous vient des Etats-Unis. Au total, en première réaction sur la base des propositions orales de Donald Trump (il semblerait que son discours du jour soit plus apaisant), mais aussi sur la base de l’incertitude quant aux mesures d’investissements publics et sociaux, et concernant le degré de « libéralisme national protégé », ce vainqueur est un liberalo-protectionniste qui semble à l’heure où nous nous exprimons, tourner le dos au monde entier. Espérons que rapidement les incertitudes soient levées, et que des synergies géopolitiques dans ce contexte économique soient renforcées et préservées car les Etats-Unis dans un monde sous tension notamment avec la Russie, doivent rester un allié de l’Occident. Mais c’est une autre question.