On entend beaucoup parler de déflation dans le débat public, voire même de « japanisation », en référence à la déflation japonaise.
Après tout, c'est une thèse séduisante, compréhensible par tous, et qui permet aux politiques de justifier leur manque de résultats probants.
Mais risquons-nous réellement la déflation ?
Si on s'arrête aux derniers chiffres de l'inflation dans la zone euro, l'IPC ressort effectivement en baisse à 0.3% mais si on regarde l'inflation sous-jacente, c'est-à-dire l'indice permettant de dégager une tendance de fond de l'évolution des prix, nous atteignons 0.9%.
C'est bien-sûr loin de l'objectif officiel de la BCE – proche de 2% - mais c'est en tout cas le signe que l'Union n'est pas, aujourd'hui, en déflation.
Les tenants de la théorie de la déflation pourront toutefois rétorquer que les ventes au détail en Allemagne ont connu un plongeon inattendu de 1.4% en juillet. Serait-ce le signe que les consommateurs, ayant intégré l'hypothèse d'une baisse des prix, décident de reporter leurs achats ? Pas encore puisqu'on le sait, les données pour juillet en Allemagne ne sont habituellement pas représentatives d'une tendance de fond, et il est probable qu'on assiste pour août ou septembre à une inversion de la tendance.
Alors comment expliquer les très faibles taux sur le marché obligataire de la zone euro ?
Tout simplement par la conjonction de deux phénomènes : les perspectives de nouveaux assouplissements de la part de la BCE et surtout l'engagement de Mario Draghi à racheter, si nécessaire, en quantité illimitée, des obligations étatiques sur le marché secondaire ; c'est le fameux programme OMT (Outright Monetary Transactions).
La BCE a mis en place un véritable Mur de l'Atlantique qui permet à la France, à l'Allemagne et même à l'Espagne d'emprunter à des plus bas historiques. Il est donc erroné de mettre en parallèle les taux du Japon et ceux de l'Allemagne par exemple.
Nous n'assistons pas à une « japanisation » mais plutôt à l'hégémonie de la politique monétaire sur les marchés financiers.
Aucun pays de la zone euro en déflation ?
Ce n'est pas si simple. Les pays du sud de l'Europe qui ont réellement mis en place des politiques d'austérité font face à la déflation. Par nature, l'austérité est déflationniste, c'est un phénomène économique qui a été depuis de longues années bien documenté.
Pour autant, des pays comme la France ou encore l'Allemagne sont loin d'être face à un risque de déflation. Pour reprendre le terme d'une étude récente du FMI, la zone euro est face à une « lowflation » qui est surtout le reflet d'une croissance durablement atone.
Que peut faire la BCE ?
Tant que les anticipations d'inflation, qu'on peut mesurer par les swaps d'inflation, sont bien ancrées, comme c'est le cas à moyen et à long terme, la BCE va se contenter surtout d'user de la parole. En d'autres termes, le forward guidance à l'européenne se confirme. Francfort va certainement réitérer ses appels à la mise en œuvre de réformes structurelles par les gouvernements.
Lors de la réunion du 4 septembre, il n'y a rien de nouveau à attendre de Mario Draghi. Quel intérêt aurait-il à brûler le peu de cartouches qu'il lui reste pour relancer la machine économique européenne alors que les mesures annoncées le 5 juin dernier n'ont pas encore porté leurs fruits ?
Mais, qu'on se rassure, la BCE va conserver très longtemps une politique monétaire accommodante. Si on devait d'ailleurs résumer d'une phrase la réunion de Jackson Hole, on pourrait le faire ainsi : Draghi ouvrira les vannes lorsque Yellen les fermera. C'est ce qu'on appelle une politique monétaire coordonnée !
Pour les marchés, c'est une bonne nouvelle...mais attention jeudi prochain à une éventuelle déception des opérateurs car leurs attentes sont démesurément exagérées.