Le président de la République a engagé la préparation d’une réforme d’importance capitale, celle des retraites, sans connaître le sujet. Il a d’abord mis les pieds dans le plat concocté par le Commissariat à la réforme des retraites en envisageant de continuer à faire jouer un rôle à la durée de cotisation, qui n’a rien à faire dans un régime par points. Maintenant, il envisage de n’appliquer la réforme qu’aux nouveaux entrants dans le monde du travail, ce qui remettrait à l’an 2060 environ l’attribution de pensions calculées selon les nouvelles règles.
Et malgré cette reculade, sa maladresse va peut-être coûter au pays une grave désorganisation de son système de transports, aussi mauvaise pour l’activité économique qu’excellente pour battre les records d’embouteillages. Pourrait-on éviter cette gabegie ? Probablement, mais il faudrait faire vite et bien.
La situation actuelle
Les salariés qui bénéficient de régimes « spéciaux », et une part importante des professionnels libéraux, ont pour différentes raisons des avantages par rapport au commun des mortels, et il se trouve que ces avantages prennent pour une part importante la forme de pensions confortables au regard des cotisations versées. Pour les fonctionnaires ainsi que les agents de la SNCF et de la RATP, cet avantage est financé par les contribuables actuels ou par l’emprunt public (donc par les contribuables futurs). En ce qui concerne certaines professions libérales, par exemple les avocats, le windfall profit provient de la pyramide des âges de la profession : le nombre des avocats augmente, si bien que des cotisations plutôt modestes suffisent pour financer des pensions convenables. Dans un régime universel par points, ces avantages disparaîtront.
Les transformations à réaliser
Mais rien n’empêche de les remplacer, ces avantages, par l’acquisition de droits à pension dans des systèmes par capitalisation. Les fonds de pension peuvent faire tout ce que l’on veut, à condition bien entendu que des cotisations leur soient versées. Il serait facile de créer un ou des fonds de pension pour les agents de la RATP et de la SNCF, leur permettant au choix de prendre leur retraite plus tôt ou d’obtenir une pension plus confortable que s’ils avaient uniquement le régime universel par répartition. Quant aux professions libérales, beaucoup d’entre elles ont déjà monté des fonds de pension pour leurs membres.
Naturellement, les cotisations aux fonds de pension réduisent le salaire net, ou le revenu net du travailleur indépendant, mais ceux qui préfèrent le présent à l’avenir sont libres de cotiser peu, voire pas du tout : le régime universel leur procurera toujours la même pension, il leur manquera seulement l’apport de la capitalisation.
En ce qui concerne les fonctionnaires et travailleurs « à statut » comme les cheminots et les agents de la RATP, le choix existera pareillement. Les fourmis épargneront, c’est-à-dire cotiseront à un fonds, renonçant ipso facto à disposer immédiatement de plus de pouvoir d’achat. Les cigales auront moins de provisions pour l’hiver de leur vie, sans pour autant se trouver dépourvues comme dans la fable de Jean de La Fontaine.
Voilà ce qui pourrait être proposé aux travailleurs « à statut » qui songent à se mettre en grève à compter du 5 décembre. Ils seraient bien bêtes de ne pas accepter, le cas échéant au motif que les fonds de pension constituent un dispositif « capitaliste », puisqu’ils n’y perdraient rien, et y gagneraient en liberté de choix.