En cette période où l'on parle souvent de redistribution, de richesses, de revenus excessifs, d'exil fiscal, il me paraît intéressant d'essayer de (re)définir ce qu'est la richesse, car bien souvent une certaine confusion règne dans les esprits.
Aborder cette notion, impose un bref instant l'évocation d'un domaine qui lui est indissociable : « la fiscalité ». On peut sans trop de risque de se tromper, affirmer que la fiscalité française est lourde, pléthorique, bien souvent incompréhensible, injuste et incohérente, multicouches (comme une forme de sédimentation qui s'est opérée depuis des décennies) et on se demande bien par quel bout la prendre pour en faire l'étude et la critique. Le simple fait d'établir des liens entre les concepts de richesse, de revenu, de capital (objet de cet article) peut aussi aider à mieux appréhender les éléments de justice fiscale, d'équité, de cohérence, par rapport à l'ensemble des mécanismes en œuvre (impôts directs et indirects, TVA, taxes diverses, crédits d'impôts, abattements, réductions, décotes, niches fiscales, bonus, malus, etc...).
Tout d'abord, un petit rappel pour essayer de définir ce qu'est une richesse
Cette notion peut s'analyser selon 2 angles :
1. A travers le patrimoine existant (c'est une richesse détenue). Il s'agit d'un stock.
2. A travers la création de richesses (par exemple le revenu du travail). Il s'agit alors d'un flux.
Ainsi, c'est bien parce qu'il y a des revenus (donc des flux) qu'il existe un impôt sur le revenu, et du capital (donc du stock ou de l'épargne) qu'il existe un impôt sur la fortune (ISF). Tout cela peut paraître logique, mais cette logique apparente masque en réalité de nombreuses incohérences dans notre magma fiscal en perpétuel mouvement.
L'impôt sur la fortune est sûrement celui qui fait le plus polémique. Cela n'est pas étonnant car personne n'a jamais établi clairement ce qu'était une fortune et à partir de quel niveau de revenu ou de capital l'autorité étatique pouvait déclarer un citoyen ou une famille comme « riche ».
François Hollande s'y est essayé sur un plateau de télévision pendant la campagne présidentielle de 2007, déclarant qu'on était riche à partir de 4000 euros de revenus mensuels, sans toutefois préciser s'il s'agissait d'un couple, d'une petite famille ou d'une personne seule. Et pourtant cette précision n'eût pas été inutile.
La notion de richesse revêt à la fois un caractère absolu et relatif dépendant largement de la répartition des revenus et du capital au sein de la population.
Ainsi, si tout le monde avait un revenu quasi identique sans disposer de capital (cas d'école évidemment !), on aurait réglé beaucoup de problèmes d'ordre idéologique ; personne n'est riche et personne n'est pauvre, ou bien, tout le monde est riche ou tout le monde est pauvre. On éviterait tout débat et toute polémique sur l'ISF puisqu'il n'y a pas de capital accumulé.
Si chaque individu ou foyer disposait d'un capital à peu près identique (autre cas d'école), pas de problème non plus : soit tout ce monde est imposé sur la fortune si la valeur du patrimoine paraît excessive aux yeux de nos dirigeants, soit nul n'est imposé car aucune personne ou foyer n'est plus fortuné qu'un autre.
Einstein a développé la belle théorie de la relativité restreinte, qui élimine toute possibilité d'un temps, d'une durée, d'un mouvement dans l'absolu. S'il était encore de ce monde, il pourrait peut-être apporter son éclairage (n'est-ce pas lui qui s'est intéressé à l'invariance de la vitesse de la lumière ?) et développer une petite théorie sur la relativité de la richesse, bien utile pour nos politiciens faisant souvent preuve d'infortune lorsqu'on leur présente un petit problème de mathématiques (genre règle de 3).
J'ai bien l'impression que la richesse ou la fortune est une notion aussi relative que les objets en mouvement : est fortuné celui qui gagne davantage que vous ou qui possède une plus grosse maison que la vôtre ou une plus grosse voiture.
Pour une personne gagnant 1000 euros par mois, il n'est pas illogique de considérer comme riche celui qui en gagne 10000. Ce dernier va peut-être se considérer comme une personne privilégiée financièrement mais pas forcément comme un riche. Son riche à lui, est probablement celui qui dispose d'un revenu 10 fois supérieur au sien. Et ainsi de suite ... et il en est de même pour le patrimoine.
En réalité, la vraie question c'est de savoir quels sont les critères déterminants pour déclarer qu'une personne ou une famille est riche
Le riche est-il celui qui a des revenus conséquents sans pour autant détenir un gros capital, ou bien celui qui détient un gros capital sans disposer de revenus conséquents, ou bien encore celui qui a de gros revenus et un gros capital ?
Déclarer qu'une personne est riche est une appréciation qui devrait dépendre des courbes de répartition des richesses et des revenus sur l'ensemble de la population. Si par exemple le dernier décile de la courbe de répartition indique que 10% de la population détient 60% du patrimoine total des français, on peut considérer qu'ils sont riches ou plus exactement, nettement plus riches que les autres. Pareil pour les revenus.
Pour compléter la réflexion, il est nécessaire de rappeler ce qu'est le capital. Il s'agit tout simplement de l'épargne accumulée après avoir amputé vos revenus de tout ce dont vous êtes redevable à l'état et de toutes les dépenses de la vie quotidienne. S'y ajoute bien entendu les capitaux venus d'ailleurs : héritage, gains du loto si vous êtes chanceux, donations, etc.
Chaque mois, vous vous acquittez des cotisations sociales sur salaire, chaque année vous avez le bonheur de régler votre impôt sur le revenu, la taxe foncière si vous êtes propriétaire, la taxe d'habitation, et chaque fois que vous consommez, de verser un peu de TVA dans les caisses vides d'un état impécunieux. Et j'en oublie ...
On pourrait légitimement penser, qu'enfin on vous offre la liberté totale de disposer de ce qui reste en porte-monnaie (s'il en reste !). En fait ce n'est pas si évident lorsque les niveaux de patrimoine atteignent les hauts sommets. De la découle la question de la justification de l'ISF. A partir de quel montant est-il justifié de rendre le capital imposable (je dis bien le capital et non les revenus du capital) ? Chacun aura évidemment sa réponse. Ce n'est pas l'objet de cet article que d'essayer d'apporter des éléments aidant à la réflexion, mais juste de faire réfléchir sur les notions de richesses qui font souvent débat dans notre pays. On le sait, les français ont quelques difficultés avec l'argent contrairement aux pays anglo-saxons qui jouent davantage la transparence, et où il n'est pas honteux d'être riche. Nos gouvernants ont montré majestueusement combien il était difficile de dévoiler son patrimoine tout en se confrontant au regard du peuple. Comment être riche et socialiste à la fois ? Le débat a eu lieu et inutile d'y revenir.
On le voit fréquemment, un cafouillis s'installe dans nombre de débats lorsqu'on évoque ces aspects. Il me paraît difficile de définir des seuils et des critères qui compartimenteraient avec un maximum de cohérence et de précision la population (très pauvres, pauvres, normaux, aisés, riches, très riches, ...) car il y a finalement de nombreuses situations et de nombreux éléments à prendre en considération (taille de la famille, revenus du travail, revenus du capital, le capital ou patrimoine, liquidité du capital, nature du capital, la source : héritage, donations, travail, etc..).
La nature du capital est un élément qui me semble important dans la représentation de la richesse. Prenons simplement un exemple : les personnes qui habitent une villa sur la côte d'azur en bord de mer achetée dans les années 60 à un prix n'ayant rien à voir avec la valeur de l'immobilier d'aujourd'hui, disposent à présent d'un petit capital confortable, mais peu liquide et impossible à faire fructifier en percevant par exemple des intérêts. Une somme comparable à la valeur du bien en question, placée en assurance-vie, est bien entendu d'une nature toute différente, car elle est liquide tout en rapportant des revenus réguliers. Le montant du patrimoine est le même et pourtant une distinction s'impose. Dans le premier cas le patrimoine est caractérisé par des composantes comme l'habitat, la localisation, le plaisir, le bien-être, et dans le second par les notions de réserves, de rentes.
On le voit, l'arbitraire n'est jamais très loin lorsqu'on évoque la richesse. Il est assez évident qu'à partir de certaines sommes, aussi bien pour les revenus que pour le capital, le flou s'estompe et plus aucun débat n'est permis : l'évidence s'impose d'elle-même.
Jusqu'à présent j'ai mentionné les aspects plutôt conceptuels et matérialistes de la richesse en évoquant les revenus, le patrimoine, assorti des notions d'absolu et de relatif, etc... Mais est-ce vraiment cela l'unique richesse ? Ce serait vraiment restrictif de s'en tenir uniquement à l'argent, à la valeur, aux biens matériels. En fait si je vous proposais le choix suivant, que préféreriez-vous ?
Un gros patrimoine de plusieurs millions d'euros, et une connaissance, un savoir d'une pauvreté totale.
Un revenu moyen mais confortable complété d'un petit patrimoine, et une tête bien remplie d'un capital de savoir et de connaissances que tout le monde vous envierait ?
Peut-être que la notion de richesse prendrait alors un autre sens !
Source : site "les-crises"