La mise en oeuvre d’un revenu universel en France ?

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Par Nicolas Boudot Publié le 4 novembre 2016 à 8h28
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6%Seulement 6 % des Français préfèrent payer par chèque s'ils ont le choix.

Q1 : Etes-vous tout à fait favorable, plutôt favorable, plutôt opposé ou tout à fait opposé à la création d’un revenu universel, qui constituerait à verser à chaque Français, de sa naissance à sa mort, un revenu mensuel de 600 à 800 euros, quelle que soit sa situation (quelle que soit son origine sociale, qu’il travaille ou pas, quel que soit son niveau de revenu, etc.) ?

• Sous total « favorable » : 45 %

Sous total « opposé » : 55 %

55% des Français interrogés se déclarent toujours opposés à la création d’un revenu universel pour chaque Français (65% en janvier 2016).

L’idée du revenu universel de la naissance à la mort a une origine très ancienne ; elle est née en Angleterre au XVIème siècle. Depuis lors, elle a été reprise par différentes personnalités politiques en transcendant les courants idéologiques et économiques.

En effet, si cette idée a été reprise le 27 octobre dernier par Manuel Valls, à l’occasion d’un déplacement en Gironde, elle est également défendue par Nathalie Kosciusko-Morizet, dans une moindre mesure par Jean-Frédéric Poisson (candidats à la primaire de la droite et du centre), mais aussi par certains dirigeants du FN et de l’extrême gauche.

La question qui se pose est de savoir pourquoi une telle proposition ressurgit-elle aujourd’hui ? Il faut chercher la réponse du coté de « l’uberisation de l’économie ».

Le Conseil National du Numérique, dans un rapport remis au gouvernement en janvier dernier, considère en effet que la numérisation de l’économie va entrainer un changement de paradigme sur l’emploi et bouleverser en profondeur le monde du travail en réduisant considérablement le nombre des emplois disponibles. L’une des manières de répondre à cette situation inédite serait, d’après lui, de créer un revenu universel en complément des salaires ou revenus pour limiter la paupérisation induite par cette numérisation de l’économie.

Cette idée qui n’est ni cantonnée à une famille de pensée économique, ni à une famille de pensée politique entraine une difficulté de communication importante pour qu’elle puisse être portée rapidement et efficacement dans le débat public. Ce qui est particulièrement marquant dans le sondage de cette semaine, c’est la progression de 10 points en 10 mois dans l’opinion publique de cette idée.

Si l’idée était largement rejetée en janvier dernier, elle n’est aujourd’hui critiquée « que » par une courte majorité de Français. En communication, cela est la preuve supplémentaire que la répétition est toujours une arme efficace pour convaincre l’opinion publique. Mais, la répétition n’est pas suffisante en tant que telle pour convaincre. Mais, associée au bon timing, à un message percutant et à une argumentation solide, elle peut modifier l’opinion publique.

Pourtant, la mise en œuvre effective de cette idée est lestée par trois handicaps à court terme :

• D’abord une absence de lisibilité idéologique de l’idée. Depuis Diderot et d’Alembert, le réflexe en France est d’enfermer les idées et les gens dans des cases. Le fait de ne pas pouvoir le faire avec cette idée disruptive est un facteur limitatif à son adhésion.

• Ensuite, se pose la question du financement d’un tel dispositif (qui paierait pour qui ?). La perspective d’un financement par l’impôt à ceci d’effrayant qu’il entraine un rejet.

• Enfin, les conséquences de la numérisation de l’économie et de la transformation du monde du travail sont une réalité qui n’est pas encore partagée par l’ensemble des Français. Nous sommes encore au début de ce processus, ce qui explique la réticence des Français. Ceux-ci ne perçoivent pas encore les causes du sujet et de ce fait, ne peuvent se projeter dans le traitement de ses conséquences.

Peut-être faut-il se donner rendez-vous dans 10 mois avec la même question. Peut-être assisterons nous à un soutien franc et massif à ce dispositif !

Q2 : Quand vous avez le choix, préférez-vous payer un achat en liquide, par chèque ou par carte bancaire ?

• Carte bancaire : 76 %

• Liquide : 18 %

Chèque : 6 %

76% des Français interrogés disent préférer la carte bancaire pour effectuer un paiement (18% paiement en liquide et 6% le chèque).

Manifestement, les Français interrogés sont prêts à abandonner ce qui est clairement une exception française : le chèque bancaire. Il faut savoir qu’en 2013, 71% des chèques émis au sein de l’Union européenne, l’ont été en France. L’Allemagne et la Belgique ont purement et simplement supprimés ce moyen de paiement.

Le gouvernement, dans la loi dite « Sapin 2 », discutée au Sénat en ce moment même, avait même décidé de réduire de moitié sa durée de validité en la faisant passer de 1 an à 6 mois avant que l’Assemblée nationale durant la discussion du texte ne rétablisse la durée initiale de validité.

Le sondage de cette semaine semble donner raison au gouvernement puisque les Français ne sont que 6% a considéré que, quand ils ont le choix, ils préfèrent payer par chèque bancaire, alors qu’ils sont 76% à préférer la carte bancaire et 18% le liquide.

Au-delà du gouvernement, qui n’a pas fait mystère dans les débats parlementaires de sa volonté de limiter encore la part du chèque dans les moyens de paiements, il faut voir derrière ce plébiscite de la carte bancaire et la diminution de l’usage des chèques, le résultat d’un plan de communication et de lobbying des banques. En effet, depuis de longues années, celles-ci exercent un lobbying continu auprès des pouvoirs publics pour voir le chèque disparaître. Ce moyen de paiement n’est jugé ni rentable (2,5 milliards de coûts de traitement par an pour les banques), ni assez sûr. Il peut aussi être jugé anachronique par rapport aux moyens de paiements électroniques, paiements sans contact, carte de paiement intégrée aux smartphones… et il ne permet pas non plus aux banques de prendre des commissions sur les transactions, comme c’est le cas notamment avec les terminaux de cartes bancaires.

C’est donc à la validation de l’action de communication des banques par l’opinion publique que nous assistons là, même si le chèque bancaire fait encore de la résistance. Celui-ci est encore plébiscité par certains pour sa gratuité de traitement et par les facilités de trésorerie qu’il permet. C’est ce qui a conduit l’assemblée nationale, qui n’avait pas forcément envie de plaire aux banques, de rétablir la durée de validité du chèque pour un an. Une résistance probablement vaine, mais symbolique d’une certaine exception française

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Directeur de Tilder

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