Retraites : le grand cafouillage

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Par Jacques Bichot Modifié le 8 novembre 2019 à 16h32
Vladimir Putin And Emmanuel Macron 2017 05 29 06
@shutter - © Economie Matin

Le journal Les Échos de ce matin 8 novembre consacre toute sa « deux » à ce qu’il appelle le « nouveau cafouillage gouvernemental autour de la réforme des retraites ». Jean-Paul Delevoye, nommé Haut-commissaire à la réforme des retraites, puis ministre, pour préparer et ensuite réaliser cette réforme, est sur la sellette : l’interview qu’il a donnée hier au Parisien déplait à l’Elysée, car elle montre que l’application du projet de réforme aux seuls nouveaux entrants dans le monde du travail, la « clause du grand-père », lancée par le Président, est une atteinte au bon sens. Ce diagnostic est partagé par tout véritable connaisseur du dossier, mais il déplait au chef de l’État, qui veut en fait se débarrasser d’un problème dont il comprend enfin qu’il est délicat.

Au vu du soutien énergique et continu apporté à Emmanuel Macron par Les Échos, le changement de pied de la rédaction de ce journal est significatif : l’état de grâce est terminé, le président de la République n’a plus l’aura du jeune homme hyper doué dont l’intelligence pénétrerait tous les sujets.

Il y a quelques semaines, le Chef de l’État avait pris position en faveur d’une prise en compte de la durée de cotisation, et j’avais signalé ici même que cela manifestait sa mauvaise connaissance du dossier : en effet, quantifier les droits à pension par des « points » est précisément le moyen de sortir des absurdités et des injustices auxquelles aboutit un calcul en trimestres.

Delevoye l’avait compris ; il avait bâti son projet de réforme sur l’abandon du calcul par trimestres ou annuités, et son remplacement par les points, système bien connu des Français puisqu’il est en vigueur à l’ARRCO-AGIRC et dans la plupart des régimes complémentaires. Et voilà que son « patron » mettait les pieds dans le plat, torpillait le projet présenté dans le rapport Delevoye au terme d’un an et demi de consultations et de travaux, et de plus tout-à-fait conforme à la formule utilisée par le futur président lors de sa campagne présidentielle : chaque euro cotisé doit ouvrir les mêmes droits, quel que soit le métier du cotisant !

Comme si cela ne suffisait pas, voilà que notre nouveau Lucky Luke, l’homme qui dégaine plus vite que son ombre, a tiré une nouvelle balle : la « clause du grand-père », consistant à n’appliquer la réforme qu’aux nouveaux entrants sur le marché du travail. Déjà au tapis, le rapport Delevoye est désormais ad patres, tué d’une balle dans la nuque. J’ignore ce que fera le Haut-commissaire devenu ministre, s’il avalera cette couleuvre ou s’il tirera sa révérence, ou encore s’il acceptera un compromis boiteux, mais ce qui est certain c’est que la réforme des retraites est mal partie. Il aurait fallu à la tête de l’État, ou au minimum à Matignon, un homme qui ait des idées claires et justes sur le sujet. Une fois de plus, la France attendra !

Voilà qui nous met sous le nez une triste réalité : s’il s’est révélé être un stratège et un tacticien des plus doués en ce qui concerne la conquête du pouvoir, Emmanuel Macron est un amateur dans la conduite des affaires de l’Etat, particulièrement en ce qui concerne la conduite des grandes réformes nécessaires pour doter notre pays d’une protection sociale efficace et juste.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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