La caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers est aux abois. Durant des décennies, la croissance des effectifs a procuré à cet organisme une agréable rente de situation : le nombre des actifs, et donc des cotisants, était orienté à la hausse, si bien que les rentrées d’argent excédaient confortablement la somme des versements de pension et des frais de fonctionnement. Mais les montagnes ne montant pas jusqu’au ciel, les effectifs de fonctionnaires locaux et hospitaliers ont cessé de progresser fortement, tandis que les départs à la retraite, eux, augmentent au rythme soutenu des embauches réalisées il y a 3 ou 4 décennies.
Cela était aussi prévisible que l’augmentation de la température entre janvier et juillet, mais une attitude de carpe diem (profiter des avantages immédiats sans se soucier de l’avenir) a prévalu dans ce cas comme en beaucoup d’autres. Et le scénario si joliment mis en scène par Jean de La Fontaine s’est une fois de plus matérialisé : après que la cigale ait chanté tout l’été, la bise est venue, et l’imprévoyante aimerait bien qu’une fourmi lui porte secours.
En fait, le dernier exercice à l’équilibre de la CNRACL, Caisse des Agents des Collectivités Locales et des fonctionnaires territoriaux, remonte à l’année 2017. Depuis un premier déficit (572 millions) en 2018, tous les exercices excepté 2021 ont été déficitaires, et la prévision à l’horizon 2025 se monte à 3,4 milliards. Des idées fusent en vue de pousser la poussière sous le tapis : la CNRACL voudrait obtenir que lui soient rattachés des agents actuellement inscrits à la CNAV ou à l’IRCANTEC. Déshabiller Pierre pour habiller Paul, en voilà une idée géniale !
Pauvre France, paralysée par des décennies d’ignorance crasse du fonctionnement réel des systèmes de retraite ! Il faut évidemment mettre en chantier la fusion de tous les régimes, l’instauration d’un régime unique dans lequel les droits à pensions seraient enfin attribués pour ce qui sert effectivement à préparer les retraites futures, à savoir l’investissement dans la jeunesse. Les retraites catégorielles, dont celles des fonctionnaires, doivent être interdites au même titre que la conduite en état d’ivresse : elles constituent un danger public. Mais c’est évidemment la source de ce danger public qu’il faut viser : braquons le collimateur sur l’absurdité de toute une partie de notre législation sociale, sur l’ensemble des dispositions qui ignorent le rôle essentiel de l’investissement dans la jeunesse.