Utilisation des points pour reconnaître les autres formes d'investissement dans la jeunesse
L’ Allemagne et la Suède ne se préoccupent pas plus que la France de valoriser les contributions en argent à l’investissement dans la jeunesse. Il faut combler cette grave lacune, car on ne prépare pas les retraites futures seulement en élevant ses propres enfants, mais aussi en participant financièrement à l’entretien et à la formation de l’ensemble des enfants et des jeunes. Pour reconnaître cet apport, il faut rendre producteurs de points les versements qui servent à ce financement.
L’un d’eux est simple à identifier : il s’agit des cotisations famille. Certains hommes politiques, et les organisations patronales, proposent de remplacer ces cotisations par une ligne budgétaire, c’est-à-dire par l’impôt : ce serait une très mauvaise réforme, car ce sont là des versements qui ont précisément pour objet de financer l’investissement dans la jeunesse. Il faut bien au contraire les valoriser en leur conférant le caractère d’une épargne destinée à préparer l’avenir du pays en général et des retraites en particulier.
Dans une première étape, ces cotisations, aujourd’hui exclusivement patronales, seront rendues salariales, ce qui peut être fait dans le cadre de l’absorption d’une partie (ou de la totalité) des cotisations patronales par les cotisations salariales, comme le montre l’encadré ci-dessous. Dans une seconde étape, ces cotisations famille deviendront productrices de points, en réduisant parallèlement la proportion des cotisations vieillesse ayant cette qualité.
Mais il existe d’autres contributions, non moins importantes : les impôts, dans la mesure où ils servent à financer la formation initiale ; et les fractions de la cotisation maladie et de la CSG correspondant au financement de l’assurance maternité ainsi que de l’assurance maladie couvrant les enfants. La solution consiste à remplacer ces prélèvements multiples par une contribution unique, clairement individualisée par rapport aux impôts et aux autres cotisations sociales. Rien ne s’opposant à ce que cette contribution soit assise aussi bien sur les revenus du capital que sur ceux du travail, une formule intéressante serait de lui faire prendre la place dévolue actuellement aux impôts directs, impôt sur le revenu (IR) et CSG, cette dernière pouvant d’ailleurs facilement être intégrée à l’IR, dont la perception commencerait alors au premier centime, en tant que retenue à la source constituant une avance sur l’IR.
L’intérêt de cette contribution calquée sur l’IR, et donc utilisant le système du quotient familial (dûment débarrassé du « plafond » qui le dénature), est évident : un individu ou un couple, à revenu égal, paye d’autant moins d’IR qu’il a davantage d’enfants à charge ; les personnes sans enfant à charge, qui n’acquièrent pas de points au titre des enfants, en obtiendraient ainsi davantage au titre de leur contribution financière ; et réciproquement plus une personne a d’enfants à charge, plus elle obtiendrait des points au titre de son investissement direct dans la jeunesse, et donc moins elle aurait besoin d’en acquérir au titre de sa contribution financière. Tout le monde y trouverait son compte.
Parmi les bénéficiaires, citons les élèves et les institutions scolaires. Celles-ci pâtissent de leur financement éclaté entre l’État et les collectivités territoriales, et d’un manque d’autonomie. Financés par un fonds d’investissement dans la jeunesse, échappant pour une large part au carcan d’un ministère de l’Éducation nationale gouverné davantage par l’idéologie et la bureaucratie que par la compétence et le souci des enfants, les établissements scolaires – écoles, collèges et lycées – pourraient bien plus facilement réaliser l’aggiornamento dont ils ont le plus grand besoin.
Certains se demanderont si la progressivité de l’IR n’est pas un inconvénient pour en faire une contribution donnant droit à des points de retraite : les riches, fortement imposés, vont en effet obtenir de ce fait des retraites plus confortables. Rien n’empêche le législateur, s’il se range à ces raisons, de ne consacrer à l’investissement dans la jeunesse qu’une fraction de l’IR. Par exemple, si l’IR comporte cinq tranches, la loi pourrait fort bien décider que le produit des trois premières tranches aille à l’investissement dans la jeunesse, et que celui des deux dernières (qui ne concernent que les revenus des ménages aisés) alimente le budget de l’État. Il ne faut certes pas multiplier les mesures de ce genre, qui complexifient les finances publiques, mais les simplifications préconisées dans cet ouvrage sont si importantes (par exemple le passage de trois douzaines de régimes à un seul) qu’une complication somme toute assez légère relative à l’IR serait acceptable.
Terminons cette section en indiquant qu’il n’est pas inconcevable de conserver dans un premier temps une certaine dose d’acquisition des points en fonction des cotisations vieillesse, par exemple la moitié, de façon à ne pas opérer un bouleversement trop brutal des habitudes. Ce pourcentage serait ensuite progressivement réduit, de façon à parvenir à la juste valorisation des investissements dans la jeunesse.
Ceci est un extrait du livre « La retraite en liberté » écrit par Jacques Bichot paru aux Éditions du Cherche Midi. (ISBN: 9782749154367, ISBN numérique: 9782749154510). Prix : 15 euros.
Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation de l'auteur et des Éditions du Cherche Midi.