Retour sur le Périple Grec et les péripéties de la faillite (1/3)

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Par Louis Rouanet Publié le 4 juillet 2017 à 5h00
Grece Faillite Etat Union Europeenne
@shutter - © Economie Matin
177,4 %En 2015, la dette de la Grèce représentait 177,4 % de son PIB.

La Grèce vient de recevoir 7 Mds€ pour passer un été sans faillite. Une nouvelle fois, la poussière est mise sous le tapis et les problèmes ne sont pas traités.

Nous vous proposons de revenir sur le périple de cette faillite même si en tant que touriste vous y trouverez des distributeurs de billets en bon état de marche. Le périple grec est interprété de façons très différentes. Certains y voient l’échec des politiques néolibérales d’austérité. La Grèce, sujette aux diktats des Allemands ainsi que ceux du FMI, serait enfermée dans une spirale déflationniste et le déclin de la demande aurait tiré les Hellènes vers les bas-fonds.

Pour d’autres, le désastre grec est avant tout le désastre causé par la mauvaise gouvernance de l’Etat grec : corruption, politiques keynésiennes de relance par la dépense publique irresponsables, problèmes structurels chroniques auraient miné les fondations de l’économie grecque. Les Allemands ne sont pas assez sévères avec eux-mêmes. L’Etat allemand a pêché par son laxisme en finançant un Etat grec corrompu et des politiques keynésiennes grecques ruineuses. Il a péché par son laxisme en abandonnant le deutschemark pour l’incertain euro. Il a lui-même violé le traité de Maastricht concernant la règle des 3% du PIB de limite du déficit public. Enfin, les Allemands ont toléré la violation des traités européens en participant au renflouement des pays du sud malgré l’interdiction formelle d’un bail-out d’un Etat en faveur d’un autre Etat membre.

La responsabilité des élites grecques dans la crise qui a suivi le krach financier de 2007 est entière, mais les élites allemandes – ainsi que les élites de pratiquement tous les autres membres de la Zone euro – sont complices. La Grèce est l’exemple le plus extrême de l’échec des politiques keynésiennes de relance par la consommation qui amènent nécessairement à l’appauvrissement généralisé. L’augmentation de la consommation grecque s’est appuyée sur l’endettement public et la redistribution plutôt que sur l’accumulation de l’épargne, du capital et l’entrepreneuriat. Le gouvernement grec n’a pas permis à la concurrence de s’ajuster et de se développer car les bénéfices de la corruption et de l’électoralisme étaient supérieurs. Les racines de ce périple grec sont antérieures à la grande récession de 2009. Elles réclament, pour pouvoir les comprendre entièrement, de raconter l’histoire de la Grèce depuis son adhésion à la Communauté économique européenne (CEE) en 1981.

Le « puits de pétrole » des subventions européennes, 1981-2009

Quand le socialiste Andréas Papandréou devint premier ministre en 1981, l’entrée de la Grèce dans la Communauté européenne économique (CEE) semblait compromise. Pendant la campagne électorale qui le mena au pouvoir, Papandréou avait virulemment dénoncé la CEE et l’OTAN. Déjà en 1977, Papandréou avait menacé de stopper l’adhésion à la CEE. Dans un discours prononcé cette année-là, il avait répété que l’adhésion de la Grèce « consoliderait le rôle marginal du pays en tant que satellite du système capitaliste ; rendrait le planisme national impossible ; menacerait sérieusement l’industrie grecque et amènerait à l’extinction des fermiers grecs. »

Peu après son élection, Papandréou comprit l’opportunité financière que représentait la communauté Européenne pour la Grèce et forgea un accord tacite avec elle. Il était maintenant convenu que les élites grecques calmeraient leurs ardeurs à l’encontre des institutions Européennes en échange d’aides. Depuis lors, la Grèce a mené une politique constante de chantage aux subventions Européennes. Comme l’a écrit le chroniqueur au New York Times Thomas Friedman, « la Grèce, hélas, après son adhésion à l’Union européenne en 1981, n’est en fait devenue qu’un autre pétro-Etat du Moyen-Orient ; à cette différence qu’au lieu de disposer d’un puits de pétrole, elle avait Bruxelles qui injectait régulièrement des subventions, de l’aide et des euros à taux d’intérêt faible vers Athènes. »

Ces aides et subventions, en réalité, permirent de financer les échecs des socialistes grecs. En 1981, Andréas Papandréou fut le premier Premier ministre en Occident à être un économiste professionnel. Il avait été formé à Harvard et avait été influencé par les économistes interventionnistes américains tels J.K. Galbraith. Sur le plan politique, Papandréou défendait une « troisième voie » entre social-démocratie et communisme qu’il aimait nommer « marxisme non-dogmatique. »

L’interventionnisme de l’Etat avait crû bien avant 1981. En 1974 déjà, le gouvernement conservateur grec avait nationalisé les banques et les grandes entreprises. La situation s’aggrava cependant avec Papandréou et le PASOK qui, une fois élus, multiplièrent les allocations, indexèrent les salaires à l’inflation, établirent des contrôles de prix, une politique d’expansion du crédit et une variété de subventions à divers entreprises. Les effets ne se firent pas attendre. La croissance fut quasiment nulle au début des années 1980 et de seulement 1,8% en moyenne entre 1980 et 1989 ; l’inflation atteignit rapidement 24,5% en 1981 et ne redescendit en dessous de 15% qu’en 1988 ; le chômage, qui n’était que de 4% en 1981, monta à 7,5% en 1989. En 1981, 250 firmes employant 100 000 personnes étaient au bord de la faillite. La dette publique passa de 27,1% à 66,6% du PIB entre 1981 et 1989. La Grèce, qui était déjà l’un des membres les plus pauvres de la CEE, s’appauvrit relativement à l’Europe des 12.

Les chiffres qui accablent le PASOK

Que le PASOK fût incapable d’administrer une dose suffisamment mortelle de socialisme à l’économie grecque est un argument parfois utilisé pour minimiser la nuisance d’Andréas Papandréou. Les problèmes profonds dus à l’interventionnisme rampant de l’Etat grec étaient cependant réels. Dans les années 1980, les entreprises parvinrent à survivre seulement en maintenant un niveau de profit et d’investissement bas. Les entreprises en difficulté continuaient d’emprunter aux banques nationalisées. Au lieu de laisser les activités économiques qui ne correspondaient plus aux besoins des consommateurs être liquidées, les entreprises en faillite étaient reprises et opérées à perte par l’Organisation de Reconstruction Industrielle, créée par le PASOK.

Dès les années 1980, la Grèce prit l’habitude de résoudre ses difficultés à coûts de subventions européennes. Le 11 Octobre 1985, la Grèce annonça une dévaluation de 15% de la drachme. Une aide financière des partenaires européens était alors considérée comme une alternative plus douce que celle du plan d’austérité proposé par le FMI. Un plan d’aide européen servit donc de contrepartie dans un accord politique visant à ce que le gouvernement grec accepte l’Acte Unique Européen — pour lequel l’unanimité était requise. Au conseil Européen du 3 et 4 décembre 1985, il était devenu clair qu’une assistance financière était requise pour assurer le vote des Grecs. Ainsi, l’une des législations fondatrices de l’Union européenne fut achetée à coups de subventions. L’aléa-moral engendré par ces aides renforça d’autant plus l’extravagance de la gestion de la Grèce par son gouvernement.

Depuis l’arrivé au pouvoir du PASOK en 1981 jusqu’à la crise de 2009, la Grèce est devenue le pays keynésien par excellence. L’ensemble de son économie se maintint en vie par la dette et les aides de l’UE qui alimentaient une consommation hors contrôle. Comme toute politique keynésienne, ces politiques de stimulation de la consommation appauvrirent les Grecs et pervertirent le développement de l’entrepreneuriat en raison de la corruption et de l’étatisme ambiant. Ces politiques sont à l’origine de la situation dramatique subie par la Grèce aujourd’hui. ?

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Louis Rouanet est diplômé de Sciences Po et étudiant doctorant à George Mason University aux Etats-Unis. Il est également PhD Fellow et F.A. Hayek Fellow au Mercatus Center. Il écrit régulièrement pour le Ludwig von Mises Institute aux Etats-Unis. Ses intérêts portent principalement sur la politique monétaire.

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