En matière de délais de règlement, plus on réglemente, plus les délais s’allongent, et ce n’est pas la charte éthique fournisseurs des entreprises qui permettra de remédier à la situation.
Qu’on en juge ; les retards de paiement sont en moyenne de 13,6 jours par rapport à la date d’échéance normale et ils ont augmenté de 4 jours en 10 ans ; cela malgré une réglementation qui est peu respectée, à tel point que Bercy a pris des mesures pour dénoncer les plus mauvais payeurs parmi les très grands groupes.
Une nouvelle loi prévoit de renforcer les mesures de publicité et d’alourdir les amendes envers les très mauvais payeurs en espérant que cela servira d’exemple pour les autres. Nous nous sommes exprimé sur ces nouvelles mesures dans un article précédent (*) en considérant que la publication dans le rapport de gestion des sociétés qui ont un commissaire aux comptes est très insuffisante pour inciter les mauvais payeurs à modifier leur pratique, car cette information restera confidentielle, peu accessible et tardive (la première publication interviendra au plus tôt en 2018 et à condition d’aller la chercher).
Quelles mesures pourraient être prises ?
Nous proposons un certain nombre de mesures reposant essentiellement sur une auto-déclaration qui ferait l’objet d’une publication facilement accessible.
Tout d’abord, il serait indispensable que les organisations patronales, et particulièrement le MEDEF et l’AFEP, dénoncent et condamnent avec force ce comportement contraire aux règles de marché en économie libérale. Globalement, les entreprises françaises ne s’honorent pas par cette pratique de retards de paiement comme moyen d’optimiser leur gestion financière. Peut-être faudrait-il également aller plus loin en élargissant les possibilités de financement inter- entreprises ?
Pour les sociétés, qu’elles soient cotées ou non cotées et qu’elles aient ou non un commissaire aux comptes, ainsi que pour les entreprises individuelles d’une certaine taille, l’information sur les passifs échus devrait figurer dans l’annexe des comptes annuels et être facilement et gratuitement accessible par un simple clic sur Infogreffe. En outre, la mention dans l’annexe permettrait à l’expert-comptable du comité d’entreprise d’attirer l’attention de ses membres sur les pratiques de l’entreprise en la matière. Cette mention serait également très utile aux présidents des Tribunaux de commerce dans leur rôle de prévention des entreprises en difficulté.
Il conviendrait également que, pour les sociétés cotées sur les marchés réglementés (EURONEXT...) ou régulés (ALTERNEXT), l’AMF soit autorisée à publier, à l’intention des investisseurs, la liste des sociétés cotées qui ne respectent pas la réglementation sur les délais de paiement.
Pour les Grandes entreprises et les ETI (plus de 250 salariés), il conviendrait que la loi soit plus précise sur les conditions qui obligent les commissaires aux comptes à informer le Ministre chargé de l’Economie. Actuellement, la transmission à Bercy doit se faire lorsque « l’attestation du commissaire aux comptes démontre, de façon répétée, des manquements significatifs de la société aux prescriptions des 9e et 10e alinéas du I de l’article L.441-6 du code de commerce ». On ne peut faire guère plus flou !
Une recommandation pratique : il faudrait que les entreprises mentionnent systématiquement, la date d’échéance sur les factures qu’elles émettent et ce afin de mieux identifier les retards ; ainsi les services comptables pourraient plus facilement gérer les dates d’échéance pour l’édition des « balances âgées ».
L’information sur le respect des délais de paiement devrait être requise dans les réponses aux appels d’offre afin que les donneurs d’ordre soient informés sur le respect de cette réglementation.
Il conviendrait d’intégrer dans les critères de RSE, l’engagement du respect des délais de paiement et d’en publier les évolutions et les résultats lorsque l’entreprise souhaite faire référence à sa démarche RSE.
Lorsque les entreprises souhaitent être certifiées (norme ISO et autres labels) elles devraient démontrer leur respect des engagements pris en la matière.
Prix, concours, distinctions… Les organisateurs de telles distinctions devraient également s’assurer de l’éthique des entreprises et de leurs dirigeants en matière de respect des délais de paiement avant d’accepter l’entreprise à concourir ou de lui décerner un prix.
Responsabiliser les acteurs : les directeurs et le personnel des services comptables et financiers des entreprises devraient être sensibilisés au respect des échéances de règlement afin qu’ils prennent conscience des conséquences économiques et financières des retards de paiement et de l’infraction que cela constitue. Peut-être qu’un risque de mise en cause de leur responsabilité les dissuaderait de perpétuer le système dans leur entreprise ?
Généralement, le fournisseur ne peut dénoncer lui-même ce genre de pratiques au risque de perdre son marché. En outre, toutes les entreprises n’ont pas de commissaires aux comptes pour relayer cette information. Pour ces dernières, ne peut-on imaginer que toute personne ayant à connaître de ces situations puisse, en toute confidentialité, saisir le Médiateur interentreprises qui, après examen, répercuterait aux services du ministère de l’Economie ? Cela éviterait que le débiteur identifie l’origine du signalement.
Enfin, si l’application d’amendes peut dissuader les contrevenants, cela ne permet pas d’indemniser les entreprises qui sont victimes des retards de paiement. Ne pourrait-on prévoir qu’en plus des amendes infligées aux sociétés, des dommages et intérêts puissent être accordés aux fournisseurs en réparation du préjudice sans avoir à engager une procédure judiciaire ?