Tu te souviens, François, que pour mettre un terme aux désordres civils et aux violences qui opposaient les religionnaires, mes ancêtres n'hésitaient pas à accorder des édits de pacification. Par ces gestes d'indulgence, les rois de France entendaient préserver la paix entre les Français, et éviter que des querelles de religion ne débordassent de leur lit pour empoisonner la vie du royaume.
La République se souvient en particulier de l'édit de Nantes, accordé par Henri IV en avril 1598, qui confirmait l'amnistie dont bénéficiaient les réformés, et qui s'imposait à la police elle-même.
L'édit comportait 92 articles qui résumaient les privilèges accordés à ces religionnaires. Il fixait les lieux où ils avaient le libre exercice de leur religion, la police extérieure qu'ils devaient y observer, les cérémonies de leurs mariages et enterrements, il réglait la dévolution de leurs biens collectifs et créait une chambre de l'édit exerçant toute l'autorité nécessaire pour décider des choses qui les concernaient ensemble.
Ta République, François, a beau être laïque, elle commence à avoir bien besoin d'un édit de ce genre pour pacifier les relations entre les religionnaires du royaume.
Reconnais d'abord que tu es toi-même coupable d'avoir soufflé sur les braises et d'avoir nourri le feu qui couve partout dans le royaume. En accouchant à la spatule une loi sur le mariage des invertis, tu as froissé beaucoup de Chrétiens, tu as rompu tout lien avec les plus traditionnels d'entre eux, et tu as donné le sentiment de fouler au pied des convictions intimes pour favoriser ceux de tes amis les plus riches qui ont financé ta campagne électorale.
Face à eux, et malgré toi, s'élèvent chez les Mahométans du royaume des murmures et des grondements qui emplissent les faubourgs et résonnent jusqu'aux pavés de ta bourgeoisie. Pense au sort de la place du Trocadéro, lorsque ta maréchaussée mal préparée à l'événement a livré les rues de Paris aux émeutiers. Ces jacqueries arrivent si vite... Et tu les châties si mal...
Reprenons l'histoire de ces châtiments. Lorsque des bandits de grand chemin ont détroussé les voyageurs des faubourgs qui venaient à Paris par le RER, aucun des déférés n'a subi de punition. Lors des événements de Trappes, un seul des déférés a encouru une peine. Cette justice molle, tu le sais, encourage la violence parce qu'elle la laisse impunie.
Cette indulgence ne suffit pas à refroidir les braises. Celles-ci se nourrissent d'une infinité de frustrations, d'humiliations, d'illusions et de facilités. Tout dans les faubourgs encourage le vice et complique la vertu. Depuis des décennies, la République a laissé le vide se faire dans ces univers nés après la guerre. Et comme tu le sais, la nature sociale a horreur du vide.
Ce vide, tu sais qui l'a comblé. Une couche de malandrins d'abord, qui ont fait leurs ces faubourgs et ont imposé un ordre de violence et de rouerie qui n'est pas celui de la République. Une couche de Mahométans ensuite qui, vêtus à la manière du sultan des Turcs, quadrillent les quartiers pour s'assurer que leur loi prévaut bien sur la tienne.
Te voici maintenant confronté à cette difficulté ardue, d'avoir une nouvelle France, avec des villes qui s'agrandissent et des faubourgs où la vie se fait plus dure. Des faubourgs entourés de tentations, de luxe, de stupre, de biens inutiles, qui sont autant de fruits défendus ôtés de la bouche de ceux qui ont faim. Ceux qui ont faim sont souvent des mahométans qui pensent qu'ils sont privés de ces fruits parce qu'ils sont mahométans.
Dans cette pétaudière, beaucoup ont le sentiment que la seule loi est celle du plus fort, de la majorité, du plus grand nombre. Beaucoup pensent qu'au fond, une religion vaut l'autre, mais que l'une est interdite - la mahométane - et l'autre dominante - la laïque.
Tu es donc au bord de ces désordres religionnaires qu'Henri IV avait arrêté en accordant un édit.
Suis son exemple, François, avant qu'il ne soit trop tard. Pour une fois, cesse de louvoyer comme une anguille dans son marécage, et inspire du lion qui impose sa vision juste, magnanime, à l'ensemble de la savane. Prépare un édit qui réglera la police des mahométans et fixera des principes simples, clairs, équilibrés, qui apaiseront les esprits et donneront à chacun le sentiment que le pays est tenu.
Ces principes, quels sont-ils ?
Surtout, n'invente rien et inspire-toi de ce brave Henri IV qui, reconnaissonsle toi et moi, était légitime à nous dispenser quelque enseignement fructueux dans l'art de gouverner.
Commence par fixer les lieux où les Mahométans doivent pouvoir exercer librement leur religion. Ces lieux doivent être en nombre suffisant, d'un volume capable de les accueillir tous sans débordement, modernes et accessibles. Dans ces lieux, leur culte doit être libre. Il n'est pas possible qu'à chaque mosquée qu'ils décident de construire, le pays s'enflamme et les religionnaires en viennent aux mains.
Fixe clairement la police extérieure qu'ils doivent y observer: peuvent-ils, dans leurs mosquées, parler de politique ? Quelles activités peuvent-ils y mener ? Doivent-ils respecter des règles d'habillement ?
Ces règles doivent être fixées en dehors des lieux de culte, tout particulièrement pour les femmes, qui sont l'objet de leur attention. Elles doivent être respectueuses des valeurs qui font la paix civile. Une règle pourrait être que les femmes, dans l'espace réservé au culte mahométan, peuvent porter le niqab, mais ne peuvent le porter en dehors de ces lieux.
Fixe les règles de leur mariage, de leur enterrement, et de tous ces sacrements qui relient l'homme croyant à Dieu. Au besoin, accorde aux Mahométans des principes d'état-civil qui leur permettront de conjuguer sans déchirement leur appartenance au peuple français et leur loyauté à leur Dieu.
Mets-les enfin en charge de leur propre police au sein de leurs affaires religieuses, et qu'ils soient eux-mêmes garants du respect de ces principes que tu auras édictés. Je suis convaincu que, de cette manière, tu apaiseras sans délai les haines et les passions qui déchirent de façon de plus en plus inquiétante l'âme des habitants du royaume.
Au fond, mon bon François, montre-toi aussi grand qu'Henri IV et la France t'aimera.