Réseaux sociaux, le produit dont vous êtes le héros

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Par Charles Sannat Modifié le 3 avril 2018 à 10h20
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@shutter - © Economie Matin
50 millions50 millions d?Américains ont été espionnés via Facebook par Cambridge Analytica.

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

Je ne dirai pas de mal des réseaux sociaux car finalement, ils font leur travail ! Un terroriste terrorise, un enseignant enseigne, un migrant migre, un voleur vole…

Chaque catégorie, chaque individu ou chaque corporation a sa propre raison d’être. Il ne faut donc pas critiquer en soi les actions menées mais les « raisons d’être » de certaines structures ou de certaines personnes. Nous pouvons également parler d’encadrement.

Pour ce qui est des réseaux sociaux, il convient néanmoins plutôt de parler des responsabilités individuelles.

50 millions d’Américains espionnés et manipulés via Facebook par Cambridge Analytica.

C’est le nouveau scandale du moment.

Il est reproché à Facebook d’avoir vendu les données de millions d’Américains, ce qui s’est terminé par 50 millions d’individus dont le profil Facebook a été passé au crible par la société Cambridge Analytica qui a, par la suite, soumis ces personnes à une propagande électorale efficace pour les amener à voter pour Trump.

Est-ce vrai ?

Oui.

Est-ce que Facebook a eu tort ? Non.

Quel est le métier de Facebook ?

Le métier de Facebook c’est de permettre aux gens de se connecter, et de créer des initiatives, de partager et d’échanger. Tout cela gratuitement, 24h sur 24 sans que Facebook ne tombe en panne. Bref, il faut des milliards… Personne ne veut payer.

Alors quel est donc le métier de Facebook ?

Souvenez-vous la manière dont le président de TF1 avait défini son travail : « Le métier de TF1, c’est de vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola. »

Le métier de Facebook va bien au-delà du modèle économique de TF1 et des grands médias traditionnels qui, justement, battent de l’aile à cause de cette immense différence.

Facebook est capable de vendre du temps cerveau disponible à ses clients annonceurs, mais qui est un temps de cerveau individualisé et qualifiable avec un degré de précision jamais atteint.

Avec vos données Facebook, je sais précisément qui vous êtes. Ce que vous aimez, avec qui vous êtes en contact, à quel type d’informations vous réagissez et, encore plus fabuleux, quelle émotion cela suscite chez vous !

Je vais vous donner un exemple tout simple.

À l’origine, il n’y avait que le célèbre petit pouce orienté vers le haut pour dire « j’aime ». Maintenant, j’ai plus de choix « d’émoticônes » : le bonhomme qui rigole, celui qui pleure, celui qui est en colère, etc.

L’implication politique des petits bonhommes émotionnels.

Posons les choses de la manière suivante.

Soit une information que vous recevez dans votre « fil » Facebook, parlant par exemple du naufrage d’un bateau ayant à bord 150 migrants, au large de la Libye. Aucun survivant. Le drame fait la une des journaux.

Celui qui va mettre un petit bonhomme qui est content sera appétant, a priori, aux thèses dites d’extrême droite.

Celui qui mettra un petit bonhomme qui est en colère sera appétant, a priori, aux thèses dites d’extrême gauche.

Celui qui mettra un petit bonhomme qui pleure sera appétant, a priori, aux thèses dites d’accueil des migrants et réceptif aux sentiments humanistes.

Celui qui mettra juste un petit pouce levé matérialisera son intérêt pour le sujet sans que pour autant on sache véritablement ce qu’il en pense… D’où justement la mise en place d’émoticônes (des icônes émotionnelles) plus précises et plus nombreuses.

Facebook ne fait pas que vendre vos données. Facebook et l’ensemble des réseaux sociaux ont la capacité de vendre des données permettant à l’annonceur de cibler les bonnes personnes avec le bon message.

Vous me direz ce n’est jamais rien que du marketing.

Certes, sauf que du marketing de masse non-ciblé individuellement au marketing personnalisé individu par individu, il y a évidemment le franchissement d’un pas phénoménal, et ce pas est la porte ouverte à la propagande et à la manipulation individuelle.

Il ne faut pas reprocher cela à Facebook. Il faut le reprocher au législateur et à nous-mêmes.

Nous sommes responsables de l’utilisation que nous faisons de ces outils, par ailleurs remarquables par de multiples facettes, et terriblement dangereux par d’autres aspects.

Comment se protéger ?

Vos données seront vendues ; si elles ne sont pas vendues, elles seront piratées, volées.

La meilleure façon de se protéger est d’avoir la vie numérique la plus sobre possible, et c’est largement faisable. Privilégiez les vrais amis à Facebook !!

Ne réagissez pas avec des émoticônes à chaque information. Ne manifestez pas non plus votre intérêt avec le petit pouce levé.

Ne permettez pas aux réseaux sociaux de « profiler » tout votre cercle de relations de la vie réelle car c’est évidemment la meilleure manière de « s’autoficher » soi-même.

Bref, servez-vous de ces réseaux, ne les subissez pas. Pensez également employabilité et gérez votre empreinte numérique pour maintenant… et plus tard !

Il y a deux façons de cacher un secret : derrière un silence assourdissant en ne disant jamais rien, ou au contraire dans un brouhaha du diable et en disant tellement de choses qu’il est difficile, dans le flot, de détecter l’important de l’inutile.

Si vous avez 5.000 faux amis sur Facebook, parmi lesquels 50 vrais, il sera plus difficile aux algorithmes d’en sortir quelque chose… y compris pour les gouvernements, car l’enjeu de départ a toujours été d’inciter les gens de façon diabolique à dire qui ils sont, ce qu’ils pensent, pour qui ils votent, quelle est la liste de leurs amis et relations, et ce qu’ils ont envie de faire ainsi que leurs projets…

Bref, les réseaux sociaux, c’est le rêve ultime de toutes les dictatures et de toutes les propagandes.

Les réseaux sociaux, c’est le produit dont vous êtes le héros…

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !

Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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