Alors que François Hollande a rappelé ce 15 septembre, à l'occasion de l'ouverture des Assises de l'investissement, son engagement à maintenir le CIR au moins jusqu'en 2017, l'augmentation du nombre de déclarants a amené l'administration à engager de plus en plus de demandes de vérification. Or seules 2% des entreprises déclarant un CIR passent aujourd'hui par la procédure de rescrit. Pour diminuer les tensions entre contribuables et administration fiscale, il s'agit donc de trouver les moyens de faciliter l'appropriation de cette procédure par les entreprises et alléger, à terme, les lourdeurs administratives des contrôles.
Dans le système français, fondé sur le consentement à l'impôt et la bonne foi du contribuable, l'administration fiscale reste encore majoritairement perçue par les entreprises comme un service de vérification coercitif, plutôt que comme un partenaire accompagnant les entreprises.
Cette perception de l'Administration est-elle la seule explication de leur faible recours au rescrit CIR ? Ou bien ses modalités de mise en œuvre au regard des garanties apportées paraissent-elles encore insuffisantes pour inciter les entreprises à l'utiliser ?
Aujourd'hui, seules 2% des entreprises déclarant un CIR y ont recours selon le rapport de la Cour des Comptes (2013).
Le rescrit CIR : un formalisme lourd et contraignant qui nuit à son attractivité.
Le rescrit fiscal est une procédure qui permet au contribuable d'interroger l'administration sur son interprétation générale d'un texte ou sur sa position vis à vis d'une situation fiscale particulière. La réponse apportée par l'administration engage cette dernière et apporte ainsi une sécurité juridique au contribuable. Un rescrit fiscal général ne revêt pas de formalisme particulier et peut concerner n'importe quel domaine de la fiscalité sur lequel un contribuable souhaiterait obtenir la position de l'administration. Néanmoins, l'absence de réponse de l'administration dans un délai de trois mois vaut refus tacite, sauf pour le rescrit CIR.
En effet, l'absence de réponse au rescrit CIR dans un délai de trois mois permet, au contraire, au demandeur de se prévaloir d'un accord tacite. Ce dispositif qui paraît potentiellement attractif pour l'entreprise se heurte néanmoins à un formalisme plus lourd et contraignant que pour un rescrit fiscal général.
- Dans la mesure où l'avis émis par l'administration ne vaut que pour le projet particulier présenté et examiné, chaque projet de recherche ou d'innovation doit faire l'objet d'une demande individuelle. L'entreprise ne peut donc adresser un dossier comportant plusieurs projets sur lesquels elle demanderait à l'administration d'émettre un avis mais doit déposer autant de dossiers que de projets pour lesquels elle souhaite un rescrit.
- En cas d'avis défavorable, l'entreprise peut, dans un délai de deux mois, demander un nouvel avis à l'administration. Cette dernière dispose alors de 3 mois pour lui répondre après avoir consulté une commission ad hoc.
- Enfin le rescrit CIR peut être adressé aussi bien à l'administration fiscale qu'à la DRRT , BPI France ou l'ANR . Mais le même dossier de rescrit ne doit pas être envoyé plusieurs fois sous peine de nullité de la procédure.
Le rescrit CIR protège-t-il vraiment les entreprises d'un litige ?
Se pose alors la question de l'efficacité du rescrit en cas de litige ultérieur avec l'administration. D'une part, quel périmètre le rescrit sécurise-t-il vraiment ? D'autre part, dans quelle mesure une réponse favorable (expresse ou tacite) permet-elle de protéger le contribuable d'une remise en cause ultérieure de ses déclarations de CIR?
S'agissant du périmètre, le rescrit CIR ne porte que sur l'éligibilité du projet de R&D ou d'innovation. Aussi, l'avis n'exclut pas un contrôle ultérieur sur les dépenses déclarées par l'entreprise avec un risque de remise en cause réel.
Sur le second point, le rescrit CIR est opposable à l'administration et protège donc le contribuable contre une interprétation différente relativement à une situation identique à celle présentée. Dans la pratique, la difficulté consiste à démontrer que la situation exposée dans la demande de rescrit n'a en rien été modifiée et que, par conséquent, ce dernier est bien opposable.
De plus, le législateur impose, pour les sociétés clôturant leur exercice fiscal au 31 décembre, une date limite de dépôt du dossier de rescrit au 15 novembre. Dans le cas de la description d'un projet de recherche éligible au CIR, le contribuable ne peut donc mathématiquement pas présenter l'ensemble des travaux de recherche menés sur l'année pour laquelle il sollicite l'avis de l'administration. Du fait de ces délais de dépôt, la garantie offerte au contribuable ne peut donc être que partielle pour ces sociétés.
Enfin, il apparait dans la pratique que l'avis favorable tacite (obtenu par absence de réponse des administrations dans le délai imparti) est difficilement reconnu par l'administration lors de contrôles fiscaux ultérieurs. Le contribuable peut ainsi être amené à mettre en œuvre une série de démarches longues et incertaines pour faire valoir la sécurité juridique laquelle il a droit.
Que faire pour le rendre attractif ?
Au regard de l'augmentation des contrôles fiscaux, dont beaucoup donnent lieu à redressement, il apparaît nécessaire de proposer des procédures simplifiées garantissant une réelle sécurité juridique aux entreprises. Ce vœu de simplification a également été formulé par le chef de l'état, dans le cadre de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité .
Les quatre propositions d'Alma Consulting Group permettraient de répondre à ces objectifs :
• Avoir la possibilité d'établir un rescrit CIR à tout moment, comme c'est le cas pour le statut JEI, et ne pas limiter la date de dépôt à 6 mois avant la date de déclaration du CIR.
• Elargir le périmètre des critères pouvant faire l'objet d'une validation en y incluant les temps passés en R&D, au-delà de l'éligibilité des projets. Les frais de personnel représentant environ 80% de l'assiette du CIR, la validation des projets comme des temps passés permettrait de sécuriser la majorité du montant du CIR final déposé par l'entreprise.
• Dans le cas d'une réponse expresse, spécifier clairement à l'entreprise les éléments qui sont validés ou non par l'administration, pour permettre notamment à l'entreprise d'avoir une vision plus claire des éléments pouvant être remis en cause lors d'un éventuel contrôle fiscal. Cette mesure simple profiterait à l'administration et à l'entreprise : diminution des contestations lors de contrôles fiscaux ultérieurs, et une réelle incitation des entreprises à systématiser le recours au rescrit.
• Enfin, communiquer par tous moyens aux entreprises : « En l'absence de réponse expresse dans les délais impartis, la demande de rescrit est dès lors validée par accord tacite ». Une telle information serait de nature à sécuriser l'entreprise.
De telles évolutions rendraient la procédure de rescrit CIR plus sécurisante et donc plus attractive pour les entreprises. Dans un contexte de tension entre contribuable et administration fiscale, l'appropriation du rescrit CIR par les entreprises pourrait permettre d'apaiser ces relations en allégeant, à terme, la lourdeur administrative, répondant ainsi à la volonté de simplification du dispositif réaffirmée par le Président de la République devant les entreprises.