La deuxième vague menace-t-elle le rythme de la reprise européenne ?

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Par Stéphane Monier Publié le 28 octobre 2020 à 13h49
Plan De Relance Economie Francaise
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15%Dans la zone euro, l'activité économique demeure de 10 à 15% inférieure aux niveaux d'avant la crise sanitaire

La reprise économique reste fragile et inégale. La deuxième vague de contaminations au Covid met à l'épreuve la capacité des gouvernements à en contenir les retombées sur la santé publique et à réduire son impact économique.

Face à la pandémie, les différentes régions vivent des expériences bien distinctes. Début octobre, les citoyens chinois ont effectué 637 millions de voyages en train et vers des sites touristiques durant la «?Semaine d'or?» - première fête nationale d'une durée d'une semaine depuis janvier. L'économie du pays continue à se renforcer sans confinement et compte beaucoup moins de nouveaux cas que le reste du monde. La Chine a ainsi enregistré 710 nouvelles contaminations et aucun décès dû au virus au cours du mois dernier. De surcroît, la deuxième économie mondiale renoue avec son activité pré-pandémique, selon notre indice de normalisation (graphique 1, doc joint). Suite à un confinement efficace, le pays a commencé à déployer son premier vaccin à la mi-octobre.

Plus largement, la région Asie-Pacifique devrait soutenir la croissance mondiale grâce à ses mesures de lutte contre la pandémie (graphique 2, doc joint). En effet, sa capacité à contenir le virus a renforcé la confiance, permettant un assouplissement substantiel des restrictions. Taïwan et la Corée du Sud ont également retrouvé leurs niveaux de production et de ventes pré-pandémiques. Les pays industrialisés d'Asie sont désormais en mesure de contribuer à la demande mondiale et les économies de la région se révèlent les mieux placées pour traverser à la fois cette période pré-vaccinale et le déploiement éventuel d'un traitement mondial contre le Covid.

Les États-Unis, où la pandémie a tué plus de 225 000 personnes, luttent toujours pour contenir le virus. Les contaminations y ont d'abord atteint un pic en avril, avec environ 31 000 cas recensés en moyenne mobile sur 7 jours, avant atteindre 67 000 cas fin juillet. Les nouveaux cas se montent désormais à environ 69 000 par jour, selon les dernières données. Il convient de noter néanmoins que les décès liés au Covid-19 ont diminué. La mortalité a atteint un pic le 18 avril avec une moyenne mobile sur sept jours de 2 201 alors que le 24 octobre, les États-Unis ont enregistré 800 décès sur la même base de calcul.

L'activité économique américaine est actuellement de 10 à 20% inférieure aux niveaux pré-pandémiques. Le pays se trouve dans l'attente des résultats des élections du 3 novembre. Si le premier plan de relance a été substantiel, les législateurs ne sont toujours pas parvenus à entériner un accord sur de nouvelles mesures de soutien à l'économie.

Dans les 27 États membres de l'UE, les contaminations ont atteint en avril un pic de plus de 32 500 en moyenne sur sept jours. Le 25 octobre, les nouveaux cas se montaient à plus de 156 000. Comme aux États-Unis, la mortalité européenne est en baisse. Le 10 avril, l'UE avait fait état d'une moyenne de 4 236 décès sur sept jours. Le 22 octobre, la moyenne quotidienne de décès dans la région était tombée à 957.

Dans la zone euro, l'activité économique demeure de 10 à 15% inférieure aux niveaux d'avant la crise sanitaire, tandis que les gouvernements mettent en place des mesures anti-Covid plus strictes, notamment des couvre-feux, pour contenir la pandémie à l'approche de la période de Noël.

Incertitude européenne

La situation sanitaire en Europe est complexe et, comme partout, difficile à gérer politiquement. Contrairement à la première vague du mois de mars, où le confinement formait la première ligne de défense en matière de santé publique, cette mesure fait désormais figure de dernier recours impopulaire.

«?Restez chez vous, dans la mesure du possible?», résumait la chancelière allemande Angela Merkel la semaine dernière. De nouvelles mesures, dont un état d'urgence de six mois en Espagne et des couvre-feux en France et en Italie, sont désormais en place.

Il convient de souligner cependant que la nature de ces nouvelles mesures contraste avec celle des restrictions déployées au printemps dernier. En effet, les mesures récentes sont régionales ou ciblées, sectorielles et limitées dans le temps.

Durant cette deuxième vague de pandémie, les contaminations ont logiquement progressé avec l'augmentation des capacités de dépistage. Il est donc nécessaire de surveiller les taux de mortalité et les capacités en matière de soins intensifs (graphique 3 doc joint). Bien que le taux de létalité ait diminué par rapport au début de l'année, le recours aux unités de soins intensifs s'inscrit à nouveau en hausse dans de nombreux pays et doit faire l'objet d'un suivi attentif.

Même si les gouvernements décident de ne pas avoir recours à des confinements nationaux, les nouvelles mesures sanitaires affecteront inévitablement la croissance économique européenne au cours du quatrième trimestre et, potentiellement, au début de l'année prochaine.

En Europe, de nombreuses mesures de soutien fiscal et monétaire sont déjà en place. Plutôt que de réinventer de nouveaux programmes, les politiques de soutien aux revenus et aux entreprises durant les confinements ainsi que les facilités de crédit aux entreprises et aux ménages peuvent être rapidement étendues. En outre, la Banque centrale européenne continuera à soutenir les actifs financiers dans le cadre de sa politique monétaire. Les mesures de soutien à l'économie européenne devraient également inclure une accélération de l'approbation finale du fonds de relance européen, doté de 750 milliards d'euros, avec de premiers versements l'année prochaine.

Pour ces raisons, nous ne pensons pas qu'il y ait un risque d'inversion des progrès économiques réalisés à ce jour en Europe. Cependant, en supposant que les mesures de soutien ne soient pas prématurément atténuées, les économies ne renoueront pas avec leur niveau de croissance de 2019 avant le premier semestre de 2022.

Impact sur les marchés actions

Les marchés réagissent au ralentissement de la reprise économique et au retour des mesures sanitaires. La résurgence des cas de Covid a ainsi interrompu la forte performance relative du marché actions de la zone euro constatée en septembre. Les analystes tablent désormais sur une chute de près de deux cinquièmes des bénéfices pour l'ensemble de l'année 2020 par rapport à 2019, avant de se redresser en 2021. Pour l'instant, les marchés européens anticipent toujours un net redressement des profits des entreprises au cours des trois derniers mois de l'année. Le risque pour les investisseurs durant le dernier trimestre de 2020 est que de nouvelles mesures sanitaires plus restrictives, conjugées aux révisions des prévisions bénéficiaires qui en résulteraient, viennent peser sur les marchés boursiers européens.

Nous sommes conscients des risques que la deuxième vague fait peser sur la conjoncture mondiale, plusieurs secteurs et régions luttant toujours contre les conséquences de la pandémie. Mais les questions sur le rythme de la reprise économique en Europe ne signifient pas que cette dernière risque de s'inverser. Certes, les marchés financiers souffriront inévitablement de la volatilité à court terme, mais des filets de sécurité sont en place sous la forme de mesures de relance monétaire et fiscale. Ces mesures devraient soutenir les actifs risqués et le regain de volatilité à court terme pourrait offrir des opportunités pour accroître l'exposition à ces actifs. Nous restons constructifs sur les perspectives à moyen terme alors que les économies continuent à se redresser, quand bien même le rythme de la reprise marque le pas. Pour l'instant, les reprises ne peuvent être que partielles, en attendant un respect strict des mesures sanitaires et une distribution de vaccins à large échelle.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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