Affaire Goodyear : La réponse d’Arnaud Montebourg à Maurice Taylor, le patron de Titan International

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 20 février 2013 à 19h30

Moins de 24 heures se sont écoulées entre la divulgation de la lettre envoyée par le PDG de Titan, Maurice Taylor, à Arnaud Montebourg, et sa réponse. 

Pour mémoire, le patron des pneus Titan rejettait toute idée de reprise de l'usine Goodyear d'Amiens en des propos très virulents (lire ici)

 

La réponse d'Arnaud Montebourg n'en est pas moins offensive et même menaçante, avec même, un brin de panache...

 

EconomieMatin.fr a passé le courrier transmis en PDF par le ministère à la presse à la reconnaissance de caractères, pour vous le délivrer dans un format plus agréable à lire. Le voici en exclusivité : 

 

 

LE MINISTRE
Paris, le 20 février 2013

Monsieur Maurice M. Taylor, Jr
Chairman & CEO
TITAN INTERNATIONAL INC.
2701 Spruce Street
Quincy
Illinois 62301
USA

Monsieur,
Vos propos aussi extrémistes qu'insultants témoignent d'une ignorance parfaite de ce qu'est notre pays, la France, de ses solides atouts, comme de son attractivité mondialement reconnue et de ses liens avec les Etats-Unis d'Amérique.

La France a la fierté d’accueillir sur son sol plus de 20.000 entreprises étrangères représentant près de deux millions d’emplois, un tiers de ses exportations industrielles, 20% de la recherche et développement privée et 25% des emplois industriels. Chaque année, on compte 700 décisions de localisation d'investissements étrangers créateurs d’emplois et de valeur en France. Et cette solide attractivité ne s'affaiblit pas, tout au contraire d'année en année, elle se renforce.

Au sein de ces investissements étrangers, les Etats-Unis occupent la première place. 4200 filiales d'entreprises américaines emploient près de 500 000 personnes. La présence des entreprises américaines en France est très ancienne : Haviland depuis 1842, IBM depuis 1914, Coca-Cola depuis 1933, General Electric depuis 1974. Et combien d'autres encore. Ces liens sont d'année en année renouvelés : en 2012, des entreprises comme Massey-Ferguson, Mars Chocolat, ou 3M ont choisi d’accroître leur présence en France.

Quels sont les facteurs décisifs de ces choix d'implantation ? Les entreprises étrangères viennent chercher en France des infrastructures de qualité, un cadre de vie apprécié, une énergie parmi les plus compétitives d’Europe, ainsi qu’un environnement très favorable à la recherche et à l'innovation. Mais surtout, loin de vos propos aussi ridicules que désobligeants, l'ensemble de ces entreprises connaît et apprécie la qualité et la productivité de la main d'oeuvre française, l'engagement, le savoir-faire, le talent et les compétences des travailleurs français. Pour amplifier cette attractivité, le gouvernement français vient de prendre récemment 35 mesures dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Parmi elles, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi allège de 6% les coûts salariaux des entreprises entre 1 et 2,5 SMIC. En outre, les partenaires sociaux viennent de conclure un accord sur la sécurisation de l'emploi, qui illustre la qualité du dialogue social en France et l'importance que le gouvernement auquel j'appartiens y attache.

 

Puis-je vous rappeler que Titan, l'entreprise que vous dirigez est 20 fois plus petite que Michelin, notre leader technologique français à rayonnement international, et 35 fois moins rentable ? C'est dire à quel point Titan aurait pu apprendre et gagner énormément d'une implantation française.  La France est d’autant plus fière et heureuse d'accueillir les investissements américains que nos deux pays sont liés par une amitié ancienne et passionnée. Savez-vous au moins ce qu'a fait La Fayette pour les Etats-Unis d'Amérique ? Pour notre part, nous Français, n'oublierons jamais le sacrifice des jeunes soldats américains sur les plages de Normandie pour nous délivrer du nazisme en 1944. Et puisque vous faites le choix de critiquer votre propre pays dans le courrier que vous m'adressez, je dois vous dire à quel point le gouvernement français admire la politique mise en place par le Président Obama. En tant que ministre chargé de l'industrie, je suis particulièrement sensible à ses actions en faveur de la relocalisation des emplois industriels aux Etats-Unis et de l'innovation radicale. Il se trouve même que notre politique présente une certaine parenté avec celle inspirée par votre Président.

Vous évoquez votre intention d'exploiter la main d'œuvre de certains pays pour inonder nos marchés. Je me dois de vous indiquer que ce calcul condamnable et de court terme se heurtera tôt ou tard à la réaction justifiée des Etats. Tel est déjà le cas de la France avec des alliés de plus en plus nombreux au sein de l'Union Européenne qui plaident pour la réciprocité des échanges et s'organisent contre le dumping. En attendant, soyez assuré de pouvoir compter sur moi pour faire surveiller par les services compétents du gouvernement français avec un zèle redoublé vos pneus d'importation. Ils veilleront tout particulièrement au respect des normes applicables en matières sociale, environnementale et technique.

 

Je vous prie de croire, Monsieur, en l'assurance de mes salutations.

Amaud MONTEBOURG

 

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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