Rémi Fraisse : d’échec en échec, ainsi va la communication du Gouvernement

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Par Florian Silnicki Publié le 17 novembre 2014 à 4h25

Un mort. Un nom. Rémi Fraisse. Ce jeune manifestant de 21 ans aurait été tué par une grenade offensive lancée par un gendarme lors des affrontements entre des opposants au projet de barrage de Sivens (Tarn) et des militaires, dans la nuit du 25 au 26 octobre dernier.

Se pencher sur la gestion de crise de ce gouvernement, c'est immédiatement constater qu'il a échoué. Echoué à mettre en place une stratégie de communication efficace. Echoué à montrer sa mobilisation. Echoué à apparaître empathique. Echoué à rassurer l'opinion. En bref, échoué du début à la fin.

Le gouvernement n'a réagi que 48 heures après l'annonce du drame, laissant penser que les ministres étaient tranquillement en weekend pendant qu'un Français décédait en manifestant. C'est évidemment beaucoup trop tard. C'est même cruellement tard. C'est tout simplement une véritable folie en termes de communication. Ce n'est peut-être même rien d'autre qu'un suicide de communiquant. Irresponsable, cette réaction bien trop tardive a révélé sa non-mobilisation alors qu'un enfant de la République venait de perdre la vie. C'est une erreur grossière. Sur ce point, d'un point de vue stratégique et tactique, l'échec est patent. En ne communiquant pas, le gouvernement a laissé la place à ses opposants qui lui ont imposé l'agenda de sa prise de parole en l'acculant à répondre.

Le gouvernement a ensuite tardé à manifester son implication à faire toute la transparence que chacun attendait pourtant. Il a, dès lors, lui-même créé la suspicion du public à son égard.

Quel que soit le contexte, la communication de crise après un décès doit obéir à certains principes. Ils sont incontournables et ont manqué en l'espèce. La mobilisation pleine et entière du gouvernement à faire la transparence a tardé... quant à la sincère empathie, on l'attend encore.

A ces défauts s'en sont ajoutés un important : un manque cruel d'informations fiables et précises.

Deux logiques se sont opposées. D'un côté la logique de l'opinion publique en proie à l'émotion. De l'autre la logique du gouvernement qui a tenu un discours de raison rappelant le contexte et le travail difficile des forces mobiles de maintien de l'ordre. Le résultat de l'affrontement de ces logiques ? Un désastreux décalage. Une incompréhension. Un sentiment est né dans l'opinion : ils ne sont décidemment pas à la hauteur.

La gestion de crise est ici une cascade d'échecs. La communication de crise est ici amateur. N'importe quel communiquant aurait pris les devants. Il était évident que l'opinion publique exigerait des réponses là où les autorités ne semblaient voir qu'un malheureux concours de circonstances aux données imprécises. Le ministre de l'intérieur déclarera ainsi : « Je n'avais pas certaines informations le dimanche matin ... ». On a envie de lui répondre naturellement « et alors ? ».

Chacun constate que la presse fait quotidiennement défiler les faits divers. Pourtant, face à l'universalité du drame constitué par la mort de Rémi Fraisse, comment comprendre que le discours gouvernemental n'ait pas été rationnel et rassurant ?

Comment comprendre que ce discours gouvernemental n'ait pas été construit sur des schémas normalisés autour d'une empathie, d'une transparence, d'une maîtrise des faits et d'une promesse de responsabilité ?

De la mise en scène de la prise de parole du ministre sur le perron de son ministère jusqu'à ses choix rhétoriques, tout a démontré son incapacité à faire face à la catastrophe.

Ces défaillances s'expliquent aussi par la suffisance du gouvernement face à ce drame humain. Le gouvernement a oublié que l'opinion publique n'est pas un simple récepteur surtout à l'heure des médias sociaux de masse. Désormais, les Français sont les coauteurs de toutes les histoires notamment en ce qu'ils sont en capacité de révéler des éléments, d'étudier des contextes en visualisation les vidéos YouTube de la scène du drame, de propager des informations avant qu'elles soient vérifiées. Cela complexifie évidemment les crises et modifie en profondeur les méthodologies de gestion de crises.

Cette difficulté n'a pas été surmontée par ce gouvernement qui s'est exprimé avec toute la froideur et la raideur liées à l'institution du Ministère de l'intérieur. Par nature, il est le bastion de la non-émotion, de la décision automatique, du process méthodologique régulé et scrupuleusement observé. Il n'en sera rien. Tout le contraire se produira.

C'est sans doute cela qui a conduit au grotesque de la communication du gouvernement sur cette affaire qui a commis toutes les maladresses qu'il était possible de commettre. Sans conteste, en matière de communication, le ministre a commis un impair en donnant comme premier signal la défense des forces mobiles de gendarmerie. Attendre ensuite autant de temps pour comprendre ce qui s'est passé sur le décès de Rémi Fraisse, c'est tout simplement faire affronter au parents qui viennent de perdre leur fils une éternité insupportable et nécessairement injuste. Alors, l'impression que l'institution donnait, c'était tout simplement qu'elle cherchait d'abord à se protéger.

A ce problème structurel s'est ajouté un défaut majeur : le manque d'empathie et de compassion. Bernard Cazeneuve a ainsi eu cette désagréable manie de faire primer la prudence de l'officialité de l'information qui avait manifestement du mal à « remonter » sur la compassion qui s'imposait face à la mort d'un homme.

Le Ministre n'a manifestement pas compris tout de suite qu'à l'heure des réseaux sociaux, il devait prendre la parole, en personne, au plus vite et sur les lieux de l'accident. Espérons que cet échec lamentable serve de leçons pour l'avenir. Souhaitons d'ailleurs qu'un tel drame ne se reproduise plus.

L'incapacité à communiquer du Ministre aura des conséquences irréversibles sur sa crédibilité dans les prochains faits divers.

En gestion de crise, trois étapes, doivent guider la communication avec le public: la reconnaissance des faits, la prise en charge au plus haut niveau et, finalement, l'accompagnement des parents affectés. Ces principes auraient permis au gouvernement d'offrir le soutien nécessaire aux parents de la victime, de démontrer qu'ils étaient conscients de leurs responsabilités et d'exprimer leur désir de collaborer avec les autorités à la recherche des raisons du drame.

Le porte-parole du gouvernement qu'était alors Bernard Cazeneuve aurait dû incarner un visage humain et empathique à l'intervention du gouvernement et qui va permettre, par ses réponses et son attitude, de démontrer l'importance que la situation a pour son organisation.

Aucune action n'a joué un rôle d'apaisement important auprès des Français nécessairement sous le choc d'apprendre le décès d'un manifestant.

La communication dans une situation aurait dû être empreinte d'empathie et de respect.

Ce gouvernement a lamentablement échoué à gérer sa crise. Pire, l'attitude du ministre de l'intérieur aura des conséquences probablement irréversibles sur la crédibilité du gouvernement dans la gestion de cette affaire dramatique et sur la confiance de l'opinion publique à son égard.

Reste que l'on peut attendre du gouvernement qu'il se montre plus adroit lors d'un drame humain. Il doit désormais, par la voie de la justice militaire, dégager des responsabilités.

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Expert en communication, Florian Silnicki a conseillé plusieurs personnalités politiques avant de fonder l'Agence LaFrenchCom.

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