La religion a toujours été un sujet de prédilection étudié dans les sciences sociales telles que la sociologie et la philosophie.
L’intérêt des économistes est relativement récent et s’est développé selon deux axes principaux : l’étude des conséquences de l’affiliation religieuse sur les comportements économiques, d’une part, et l’effet de la concurrence entre différentes dénominations religieuses ou églises sur le contenu des messages religieux, d’autre part.
Dans la première ligne, on trouve un grand nombre d’études économétriques en coupe transversale (et panel) qui examinent l’impact de la religion sur des variables de comportement telles que la propension à l’épargne, l’entrepreneuriat, la confiance dans le marché, le respect de la loi, ou sur des systèmes de valeurs contenus dans l’attitude vis-à-vis du travail des femmes, la tolérance à l’égard des autres religions, etc. Pour ces derniers aspects, les données utilisées sont tirées des World Value Surveys. Les résultats indiquent généralement que les effets de la religion sont significatifs mais il est frappant de constater que ces effets sont loin d’être robustes : ils varient selon les échantillons dont les données sont extraites, les modèles d’estimation utilisés, et la spécification des variables, en particulier. En outre, les effets varient sensiblement selon le type de religion considérée et selon que l’on regarde l’impact de l’affiliation ou celui de l’intensité de la pratique religieuse. Ceci étant dit, c’est souvent la religion protestante qui ressort comme la plus favorable à la croissance. Néanmoins, une étude historique fouillée basée sur un échantillon de 271 villes allemandes (1300-1900) révèle que le protestantisme n’a pas produit un tel effet. Ce genre d’étude micro-économétrique est assurément plus fiable que bon nombre d’études empiriques macro qui ne règlent pas de manière satisfaisante le problème d’endogéneité qui leur est inhérent : la religion détermine-t-elle la croissance ou la croissance détermine-t-elle la religion ?
La concurrence, un concept économique applicable aux églises ?
Dans la seconde ligne, on trouve toute une série de travaux qui utilisent la théorie de l’organisation industrielle pour prédire comment la concurrence entre différentes dénominations religieuses influence la participation de la population à la religion. Une caractéristique importante de cette littérature est qu’elle suppose que dans cette concurrence les églises ou sectes religieuses peuvent modifier le contenu de leurs messages doctrinaux ainsi que les obligations faites aux membres de participer activement aux célébrations religieuses. Une piste intéressante est celle qui considère que, sous l’effet de la concurrence, les églises peuvent diminuer de telles obligations pour permettre à certains de leurs membres de participer plus activement aux interactions économiques et sociales et d’ainsi accroître le montant des donations monétaires faites à leur église.
Une tendance très récente dans la profession consiste à sortir des chemins décrits ci-dessus et à supposer que non seulement la religion peut faire l’objet d’un choix rationnel par des individus poursuivant certains objectifs, mais qu’elle peut aussi être instrumentalisée et manipulée par des Etats en quête d’instruments supplémentaires pour consolider leur pouvoir ou mâter les rébellions. Il s’agit là de voies extrêmement prometteuses où les économistes ont tout à gagner à collaborer avec d’autres disciplines en sciences sociales, l’histoire en particulier.
Jean-Philippe Platteau, Professeur d'Economie à l'Université de Namur et à l'Université d'Oxford
La 6ème édition des Journées de l’économie (Jeco) de Lyon ouvre ce jeudi 14 novembre. Mario Monti sera le grand témoin de cette édition déclinée autour d’un fil rouge, « Reconstruire la confiance » ! Les Jeco, organisées par la Fondation pour l’Université de Lyon, proposent aux citoyens des clés pour mieux comprendre le monde qui les entoure grâce à un éclairage économique.
6000 personnes sont attendues cette année encore pour participer aux 60 conférences au cours desquelles universitaires reconnus, chefs d’entreprises, personnalités politiques et journalistes confronteront leurs points de vue. Chaque jour, un expert vous présentera une de ces conférences! Aujourd’hui, Jean-Philippe Platteau nous explique en quoi « la religion est un phénomène économique! ».
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