Comment nos voisins européens ont réformé le statut de leurs fonctionnaires

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Par Contribuables Associés Modifié le 23 octobre 2014 à 6h55

So british ! Avec cette délicieuse autodérision insulaire, Sir Norman Bettison, un haut fonctionnaire anglais, confiait en 2010 au Times qu’il ne « valait pas » les 243 000 euros annuels (213 000 livres) que l’Etat lui versait en tant que chef de la police du West Yorkshire. L’histoire ne dit pas si cette déclaration a dé­bouché sur une baisse de son salaire (Bettison a démissionné de son poste en 2012), mais une chose est sûre : aucun des hauts fonctionnaires fran­çais, dont le traitement peut avoisiner les 40000 euros bruts par mois (c’est le cas, par exemple, de Nicolas Dufourcq, le directeur de la Banque publique d’investis­sement (BPI), n’a embrayé sur le sujet.

Certains espéraient que le « Groupe des As­sociations de la haute fonc­tion publique » et ses 8 000 hauts fonctionnaires reven­diqués saisiraient la balle au bond. Motus ! Ils n’ont pas bougé. Et pour cause : bien payée, inamovible, jalouse de ses privilèges, la haute fonction publique à la française est hors du temps. C’est ce qui ressort à la lecture de la dernière étude de Contribuables Associés, inti­tulée « Fonction publique française : le dernier dinosaure », qui fait une analyse comparative de la situation des fonctionnaires dans 16 pays de l’OCDE.

Pour sa part, Samuel­ Frédéric Servière, chercheur à l’IFRAP observe que si le modèle français « s’est étendu à d’autres nations comme la Belgique, l’Espagne, la Hollande ou l’Italie, depuis, certains de ces pays ont décidé de changer de modèle au tournant des années 2000 pour se tourner vers une fonction publique d’emploi (contractuelle) ». La France, quant à elle, n’a pas fait son aggiornamento.

En 2002, la Suisse a réformé la législation régissant le personnel de la Confédération. Elle a permis de remplacer les contrats publics des fonctionnaires par un modèle proche du droit privé. Honnie par les syndicats, cette réforme a finalement été approuvée par voie référendaire. Cette abrogation a permis d’adapter la haute fonction publique d’Etat à l’évolution du marché du travail. « Il a été possible de faire partir des agents et de réorganiser les services afin d’accroître l’efficacité de la fonction publique tout en améliorant sa flexibilité, tout particulièrement à l’issue de sa récente modification effective au 1er juillet 2013 », reprend Samuel­ Frédéric Servière.

D’autres pays européens ont choisi de réformer leur fonction publique. Entre 1996 et 2001, l’Italie a, par exemple, supprimé le statut de la fonction publique, avec l’introduction d’un contrat de droit privé concernant une majorité de hauts fonctionnaires et d’agents. Le statut de droit public a été réservé aux fonctions régaliennes de l’Etat : justice, diplomatie, armée, police, finances. En 2014, Rome a choisi de pas­ser la surmultipliée et de dégager 500 mil­lions d’euros en diminuant les salaires des hauts fonctionnaires placés à la tête d’une entreprise publique. Objectif : aligner la rémunération maximale des patrons du secteur public sur celle du chef de l’Etat (239 181 euros annuels). « Il n’est pas possible que le patron d’une entreprise publique gagne 1 000 fois ce que gagne un ouvrier », a prévenu Matteo Renzi, le nouveau président du Conseil italien.

Avant lui, Mario Monti s’était déjà attaqué aux salaires pharaoniques de la classe politique. Le salaire des ministres a été rogné d’environ 10 % et la rémunération des hauts fonc­ tionnaires de 5 % (entre 90 000 et 130 000 euros annuels) et de 10 % au­delà de 130 000 euros annuels. En France, Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction publique, a annoncé en avril que les fonctionnaires encaissant plus de 9940 euros bruts par mois témoigne­ raient d’un « geste de solidarité » avec le reste de la population. Depuis, la population attend et ne voit rien venir...

L’Espagne et le Portugal ont également choisi de mettre leurs hauts fonctionnaires au régime. Sous le gouvernement Rajoy, 350 000 ronds­ de­cuir ont été remerciés entre 2011 et 2013, ce qui a permis au pays de Cervantès d’améliorer ses comptes publics. Même logique au Portugal, où 53 000 postes ont été supprimés entre 2011 et 2013. Lisbonne a aussi tenté de modifier le statut de sa fonction publique. Mais, cette tentative a été retoquée par le Conseil constitution­ nel, ce qui a créé une jurisprudence défavorable.

Même la Suède, longtemps vantée par les sociaux­démocrates pour son modèle social protectionniste, a fini par revoir le statut de ses agents publics. Selon l’OCDE, les fonctionnaires suédois sont aujourd’hui employés avec des contrats équivalents à ceux du privé et peuvent être licenciés comme un salarié lambda.

De l’autre côté de la Manche, le conservateur David Cameron a mis les bouchées doubles en annonçant la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires d’ici à 2015. « Même si une partie de ces annonces s’appa­rente à du marketing politique, reste que les Britanniques ont une fonction publique statutaire beaucoup plus faible qu’en France », indique Samuel­ Frédéric Servière. Contrairement à la France, le Royaume­Uni n’a pas une filière de formation dédiée à ses hauts fonctionnaires. Les cadres du privé et du public sont tous formés dans les mêmes écoles. Par ailleurs, les cadres dirigeants de l’Etat sont évalués périodiquement et le montant de leur rémunération est fixé au « mérite ». Outre les résultats individuels, cette évaluation peut intégrer la flexibilité, l’aptitude à travailler en équipe et la capacité à atteindre les objectifs. Contrairement à la France et à l’Alle­ magne où la nomination des hauts dirigeants est politique, c’est au mérite que les candidats britanniques sont sélectionnés, souvent après avoir été débauchés du privé. Bien rémunérés, leurs postes sont assortis de lourdes responsabilités budgétaires et les allers­retours entre privé et public, sont fréquents.

Article rédigé par Fabrice Durtal, pour "les Enquêtes du Contribuable volume 7", édité par Contribuables associés

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