Les choix opérés depuis plusieurs décennies en matière de protection sociale contribuent à une augmentation constante des coûts et à une dégradation des services assurés aux Français. Sans remise à plat à la fois des techniques de financement et des logiques de fonctionnement, la dégradation continuera tout en s’accompagnant d’un alourdissement des coûts. Une inversion de tendance est indispensable. Elle suppose des remises en ordre.
Quel diagnostic pour la protection sociale?
La protection sociale en France est dominée par le « tout Sécurité Sociale » dont le modèle vieillit.
Le financement de la sécurité sociale n’est pas durable, dans la mesure où, même avec des augmentations constantes de la pression fiscale, les déficits persistent, et même s’aggravent. A long terme, l’effort social de la Nation, qui avoisine les 34% du PIB, devrait encore augmenter si le modèle de protection sociale n’est pas remis à plat.
Le financement de la sécurité sociale plombe la compétitivité des entreprises françaises. Le principe de la cotisation sociale assise sur le contrat de travail renchérit fortement le coût du travail et constitue autant un frein à l’emploi qu’à la croissance. Aucun des grands pays industrialisés n’assied autant le financement de sa protection sociale sur le contrat de travail et aussi peu sur l’impôt.
La gouvernance de la sécurité sociale freine sa réforme. L’assise de la sécurité sociale sur le contrat de travail justifie la gouvernance paritaire de la sécurité sociale. Inversement, les organisations syndicales s’opposent à une fiscalisation accrue de la sécurité sociale pour en conserver la gouvernance, même factice. La gouvernance paritaire de la sécurité sociale constitue donc le principal obstacle à une fiscalisation accrue de son financement.
Quelles propositions pour réformer?
Les propositions qui suivent intègrent chacune une réponse aux éléments de diagnostic ci-dessus.
Quel juste financement pour la protection sociale?
La dépense de protection sociale en France avoisine les 34% du PIB. La France est le premier pays du monde industrialisé en matière de dépense de protection sociale. Celle-ci est en moyenne de moins de 25% dans les pays de l’OCDE. Cette différence pénalise la compétitivité des entreprises dans la mesure où elle est largement financée par des cotisations sociales. En outre, elle témoigne d’une gestion peu performante de notre système de sécurité sociale.
Dans cet ensemble, la sécurité sociale (régimes de base et régimes spéciaux) représente à elle seule environ 470 milliards de dépenses, soit près de 24% du PIB.
Proposition n°1: limiter par une règle d’or constitutionnelle les dépenses des régimes de base à 20% du PIB, soit une baisse de 4 points à atteindre en 5 ans.
Cet effort correspond à une stabilisation des dépenses pendant 4 ans, avec une croissance de 1% du PIB par an.
Quelle fiscalisation des recettes de sécurité sociale?
En 2013, les cotisations de sécurité sociale représentaient 16,75% du PIB, ce qui faisait de la France le pays sollicitant le plus le contrat de travail pour financer la protection sociale. Le deuxième pays de l’OCDE dans ce classement était la Slovénie à 14,75% de PIB (soit deux points de moins que la France, puis l’Autriche à 14,53%). La moyenne de l’OCDE se situe à 9%.
Pour redonner de la compétitivité aux entreprises françaises, il conviendrait de baisser la part des cotisations sociales dans les recettes d’au moins un tiers, et d’augmenter en conséquence la part de la contribution sociale généralisée.
Proposition n°2: établir un bouclier social pour les cotisations de sécurité sociale fixé à 10% du PIB.
Fiscaliser l’assurance-maladie
Faire peser la santé des assurés sur les cotisations sociales est fortement contestable, surtout dans la mesure où l’essentiel des dépenses de santé est dû à des assurés non salariés, et tout spécialement aux plus de 60 ans. La fiscalisation des dépenses de santé constitue donc un objectif légitime, dans la mesure où il s’agit de rétablir un mode juste de financement. Compte tenu des impacts fiscaux de la mesure, la mise en oeuvre de ce point de programme serait graduelle.
Elle permettra une diminution importante des cotisations prélevées sur le travail. Elle constituera un puissant levier de pouvoir d’achat pour les salariés les plus jeunes.
Proposition n°3: supprimer progressivement les cotisations maladie et augmenter en conséquence la contribution sociale généralisée (CSG).
Fiscaliser les prestations familiales
Parallèlement à une fiscalisation de l’assurance maladie, la même mesure interviendrait sur la branche familles. La suppression des cotisations familiales serait compensée par un relèvement de la CSG.
Proposition n°4: supprimer les cotisations familiales et augmenter en conséquence la contribution sociale généralisée (CSG).
Protéger les classes moyennes
Dans le financement actuel de la protection sociale, les classes moyennes sont les principales victimes du « système », dans la mesure où ses membres contribuent le plus (notamment du fait des allègements de cotisations pour les bas salaires) à la protection sociale tout en bénéficiant des taux de remplacement les moins favorables.
Améliorer les retraites des classes moyennes
Cette disparité de traitement est particulièrement néfaste pour les retraites, où le taux de remplacement se dégrade considérablement au-dessus du salaire médian. Une solution durable consisterait à déployer un système de retraite complémentaire par capitalisation co-financé par l’entreprise et le salarié tout au long de sa carrière. L’épargne retraite ainsi dégagée serait liquidable en rente après 67 ans.
Proposition n°5: instaurer une négociation dans chaque entreprise sur la mise en place d’une épargne retraite complémentaire par capitalisation défiscalisée obligatoire pour les salariés bénéficiant d’une rémunération supérieure à 2,5 SMIC.
Supprimer les trappes à bas salaires
La baisse globale de cotisations permise par la fiscalisation de la sécurité sociale exerce un effet positif direct sur les entreprises et sur leurs marges. Elle autorise une remise en cause progressive des mesures d’allégements de cotisations sur les bas salaires, qui désincite les employeurs à recruter au-dessus de 1,6 SMIC. La remise en cause de ces allégements relance la négociation salariale et favorise le pouvoir d’achat des salariés.
Proposition n°6: programmer une suppression graduelle des allégements de charge sur les bas salaires en contrepartie des baisses de cotisations rendues possibles par la fiscalisation des recettes de sécurité sociale.
Redonner de la liberté aux retraites
Pour répondre à l’attente des générations montantes, soucieuses de mieux « diriger » leur carrière et leurs droits sociaux, un système optionnel serait mis en place, destiné à permettre une plus grande flexibilité dans l’âge de liquidation des droits à retraite. Moyennant un surplus de cotisation de 1 point tout au long de la carrière, les salariés pourraient opter pour un compte notionnel leur permettant d’accumuler des points et de partir à l’âge de leur choix, à partir de 55 ans, à la retraite, avec une décote correspondant au calcul actuariel de leur espérance de vie.
Proposition n°7: mettre en place des comptes notionnels au libre choix du salarié, lui permettant de liquider ses droits à la retraite au taux acquis à son âge de départ.
Améliorer le pouvoir d’achat des retraités
Un certain nombre de salariés souhaitent alléger leur vie professionnelle avant leur départ à la retraite, sans pour autant liquider leurs droits. Un système de liquidation partielle serait mis en place afin de concilier la recherche d’une vie personnelle plus épanouie tout en préservant un pouvoir d’achat satisfaisant.
Proposition n°8: permettre une liquidation partielle de la retraite à 60 ans, à un taux de 50%, avec maintien des cotisations jusqu’à l’âge de départ définitif.
Rétablir l’égalité public/privé
Les fonctionnaires disposent d’une protection sociale déficitaire mais plus favorable que la sécurité sociale des salariés du secteur privé. L’alignement des régimes serait mis en oeuvre.
Aligner les cotisations maladie des fonctionnaires
Les fonctionnaires acquittent des cotisations maladie inférieures à celles des salariés du privé. Un alignement de ces cotisations interviendrait, avec un alignement des droits sociaux: mise en place d’une complémentaire santé collective et système de prévoyance garantissant un remplacement des revenus en cas de carence pour maladie.
Proposition n°9: aligner les droits sociaux en cas de maladie pour les fonctionnaires sur ceux des salariés du privé.
Fusionner les régimes de retraite du public avec le régime général
Les fonctionnaires disposent de leurs propres règles de calcul de retraites, et de leurs propres régimes. Une mesure d’alignement serait décidée, avec une mise en oeuvre progressive.
Proposition n°10: fusionner les pensions civiles, la CNRACL et l’IRCANTEC avec le régime général de sécurité sociale. Accorder aux fonctionnaires le bénéfice d’une retraite complémentaire garantissant de façon transitoire leurs droits acquis.
Réformer la gouvernance de la sécurité sociale
Afin de faciliter le processus de décision au sein de la sécurité sociale, plusieurs mesures de réforme de la gouvernance seraient adoptées.
Supprimer le paritarisme dans les branches maladie et famille
La fiscalisation des recettes dans ces branches rendraient illégitimes les syndicats à intervenir dans le processus de décision.
Proposition n°11: acter l’étatisation complète de la CNAM et de la CNAF.
Simplifier les régimes de retraite
Le système de retraite en France est trop complexe pour être compris par les salariés. Ce défaut de lisibilité nuit à l’appropriation des problématiques de sécurité sociale par les cotisants. Dans le cas des non-cadres, l’existence d’une caisse pour le régime général et d’une autre pour le régime complémentaire est un facteur de complexité supplémentaire.
Proposition n°12: fusionner la CNAV et l’ARRCO