En décembre dernier, le Conseil d'orientation des retraites (COR) chiffrait à 18,8 milliards d'euros le déficit des retraites en 2017 si aucune réforme n'était entreprise d'ici là. C’est pourquoi Jean-Marc Ayrault a donné le coup d'envoi d'une nouvelle réforme du système de retraites ce mercredi 27 février. Objectif : rétablir son équilibre financier tout en ménageant les revendications de l’aile gauche du PS et des syndicats. Mission impossible ?
Répondre aussi aux exigences européennes
Les membres du gouvernement qui s’étaient farouchement opposés aux précédentes réformes des retraites, que ce soit celle de François Fillon en 2003 ou celle d’Eric Woerth en 2010, se retrouvent aujourd’hui devant l’obligation de trouver des solutions sans donner l’impression de tourner le dos aux syndicats et à la gauche de la gauche qui l’attend précisément sur ce dossier. Une réforme d’autant plus urgente que la Commission européenne a récemment exigé que la France amplifie ses efforts pour assainir les comptes publics et redresser la compétitivité. Le commissaire en charge des Affaires économiques et monétaires, Olli Reh, demandant un effort particulier sur les retraites.
Une « Commission pour l'avenir des retraites » a donc été mise en place. Présidée par l’ancienne présidente du Conseil d’orientation des retraites (COR) Yannick Moreau, elle est composée d’une dizaine de membres : experts des retraites comme Didier Blanchet ou Serge Volkoff, spécialistes de la protection sociale, comme Didier Tabuteau et Dominique Libault, économistes comme Daniel Cohen, ou encore la sociologue spécialiste de la jeunesse, Cécile Van de Velde. Cette commission devra rendre ses conclusions d’ici trois mois, afin d’orienter la concertation à venir entre le gouvernement et les partenaires sociaux.
Quelles alternatives pour le gouvernement ?
Mais pour réformer les retraites, seuls trois alternatives s’offrent au gouvernement : baisser le montant des pensions, allonger la durée de travail ou augmenter le montant des cotisations. Et sur ces trois points, les négociations avec les syndicats s’avèrent particulièrement ardues. Le gouvernement n’est pas à l'aise sur le sujet. Le récent rétropédalage de Najat Vallaud-Belkacemen est bien la preuve : la porte-parole du gouvernement expliquait le 28 janvier sur RMC/BMFTVque « n'est à l'ordre du jour ni le fait de travailler plus longtemps, ni le fait de réduire les pensions, ni le fait d'augmenter les cotisations ». Deux jours plus tard, elle revenait sur ses propos…
Pourtant, Michel Rocard semble avoir préparé le terrain en proposant, dans les colonnes du JDD, le 26 janvier, d'allonger à 43 ans la durée de cotisation, contre 41,5 actuellement. Et il n’est pas le seul : l'ancien premier secrétaire du PS, Henri Emmanuelli a estimé, mardi 26 février au micro de France Info, que « la biologie fait qu'il faut se poser la question de la durée de cotisation » : « Je vois autour de moi des gens qui auront aujourd’hui passé plus de temps à la retraite que dans la vie active : c’est une situation qui ne peut pas perdurer », a-t-il expliqué.
Ménager les syndicats : le casse-tête du gouvernement socialiste
Il semblerait donc que ce soit vers l’allongement de la durée de cotisation que le gouvernement plancherait : « C'est un consensus, l'allongement de l'espérance de vie doit se partager entre temps travaillé et temps retraité », osait de son côté Jérôme Cahuzac l'a appuyé mercredi 27 février sur RTL. Si les conclusions de la Commission viennent confirmer ces choix, il est fort à parier que les syndicats ne resteront pas silencieux. Si le Medef plaide pour un recul de l'âge de départ à 63 ou 64 ans, la CGT demande un retour au départ à 60 ans, financé notamment par une augmentation des cotisations patronales. Quant à la CFDT, elle souhaite une remise à plat du système, et l’instauration d’une retraite « à points ».
Mais la gauche de la gauche va aussi chercher à faire entendre sa voix. Réagissant aux propos d’Henri Emmanuelli, le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, s'est dit mercredi « déçu » : « C'est très douloureux pour moi de l'entendre parler comme ça », a-t-il déclaré, lors de l'émission « Questions d'Info » LCP/France Info/Le Monde/AFP. « C'est un changement de pied tout à fait extraordinaire, qui me déçoit, qui m'attriste, qui me peine. C'est consternant ». « Tous les régimes sociaux vont être en déficit croissant, du fait de l'augmentation du chômage. Donc vous aurez toujours des comptables pour arriver derrière et dire : ‘Voyez, c'est déséquilibré...’ » a ajouté Jean-Luc Mélenchon. La réforme des retraites consumera-t-elle le divorce entre le PS et la gauche de la gauche ? Tout porte à croire que le gouvernement s’attaque à un chantier très compliqué…
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