Je ne pensais pas avoir à revenir si vite sur la réforme des retraites, mais le titre du Figaro de ce jour (le 10 juillet 2020) m’y invite de façon pressante. « Retraites : Macron relance la réforme seul contre tous », sur deux lignes à la une, c’est un titre qui ne peut que relancer … les réflexions et les interrogations.
En fait, Il n’est pas évident que le Président veuille réformer. Ses paroles ont été rapportées entre guillemets par le journal ; elles ont donc logiquement été prononcées telles quelles. Les voici : « Refuser de parler des retraites lorsque l’équilibre des comptes se trouve compromis serait irresponsable. » L’emploi du mot « parler » est on ne peut plus significatif d’une déconnection avec la réalité : les comptes sont dans le rouge, l’heure n’est pas à la parlotte, aux interminables discussions avec des « partenaires sociaux » qui ont déjà clairement exprimé leur point de vue : ni les syndicats, ni le patronat, ne veulent rouvrir ce dossier diviseur au moment où une certaine paix sociale est indispensable pour relancer la machine économique. Celle-ci tourne au ralenti, et si le retour à la normale ne s’effectue pas rapidement, la situation deviendra épouvantable. Alors, que faire ?
A l’évidence, il ne faut pas palabrer, mais agir. C’est-à-dire rogner les versements de pensions et augmenter les cotisations, temporairement, jusqu’à retour à meilleure fortune, pour que le déficit ne soit pas insupportable. Cela pourrait se faire, en ce qui concerne les pensions, en bloquant une partie des sommes dues aux retraités dont les pensions sont assez confortables pour qu’il leur soit possible de supporter cette retenue provisoire sans en souffrir dans leur vie quotidienne. En cas de crise, il est normal de demander un effort aux ménages les plus aisés, surtout si cet effort n’est pas une ponction fiscale, mais une sorte d’emprunt obligatoire évitant aux caisses de retraite d’avoir elles-mêmes à emprunter lourdement pour payer ce qu’elles doivent.
Cette façon de procéder permettrait de ne pas légiférer une fois de plus à tort et à travers, pour résoudre dans l’urgence un problème de simple gestion. La réforme des retraites devrait déboucher sur une distinction claire et nette entre ce qui relève de la loi et ce qui doit être décidé par les organes directeurs du système de retraites. Actuellement, la France ne dispose pas d’une législation convenable de ses retraites par répartition : il faut absolument remplacer le plus vite possible le fatras actuel par un système simple et rationnel. Un système qui permettra de gérer sans pondre des textes de loi pompeusement et abusivement présentés comme réformant le système.
Mais, dans l’immédiat, en l’absence d’un tel système, le geste législatif doit être réduit au strict minimum : une loi de quelques lignes donnant pouvoir au Gouvernement, en l’absence d’un système unifié (celui que nous appelons France retraites), de prendre par décret les dispositions requises. Une telle loi devrait évidemment, en sus, ordonner aux pouvoirs publics de préparer à bref délai une réforme systémique unifiant les retraites par répartition, fondant correctement l’attribution des droits à pension, et donnant au directoire du nouveau système les pouvoirs voulus pour ne pas avoir à recourir à la loi pour la gestion du système.
Emmanuel Macron, qui est jeune selon l’état-civil, serait-il déjà trop vieux dans sa tête pour s’attaquer au problème des retraites autrement que dans un optique de ravaudage ?