Code du Travail : quelques carabistouilles bobo

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Par Eric Verhaeghe Publié le 26 janvier 2016 à 10h05
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@shutter - © Economie Matin
32000 EUROSLe revenu médians des cadres est, selon l'Insee, de 32 000 euros par an.

Le Code du Travail devrait être à l’honneur pour quelque temps encore. Sa « réforme » (ou ce qu’il en reste maintenant, après la remise du rapport Badinter, c’est-à-dire pas grand chose) relève malheureusement d’un débat idéologique, alors que le sujet est on ne peut plus pragmatique. Quelques exemples d’actualité le rappelle.

Code du Travail ou Code de la Paresse?

J’adore la paresse, partout sauf au travail. Je ne suis pas sûr que beaucoup de Français partagent ce sentiment. J’en veux pour preuve l’étrange expérience que je vis. Mon entreprise, Tripalio, cherche à recruter un doctorant en droit. Nous voudrions financer une thèse sur les conventions collectives, qui est le coeur de métier de l’entreprise. Le salaire proposé est de 2.000 euros nets, en CDI. Une enseignante universitaire s’est proposé de nous trouver un étudiant… elle a fait chou blanc.

C’est ainsi la France: un poste en CDI à 2.000 euros nets par mois dans une start-up qui fabrique des données juridiques n’est pas attractif pour un jeune doctorant. Que faire?

Les carabistouilles de Filoche et le Code du Travail

Ce faisant, je lis les propos de Gérard Filoche, le membre du bureau national du PS qui trouve que le gouvernement Valls est trop à droite, mais qui prend bien garde de ne démissionner d’aucun des postes où il cautionne la politique du Premier Ministre. Notre inspecteur du travail national écrit:

Il faut être à la fois prétentieux et ignorant pour prétendre « ré écrire » à froid bureaucratiquement, un code du travail qui est l’expression des rapports de force sociaux à travers un siècle d’histoire de notre pays. Il faut surtout être animé d’intentions malsaines, ce qui est le cas dans le rapport commandé par Valls et Macron, à des représentants de l’oligarchie qui ignorent tout de la souffrance au travail et la dignité des travailleurs.
Leur but est de casser le droit du travail pas d’être indignés ni de réfléchir en partant, par exemple de l’accident mortel survenu récemment à un jeune de 19 ans sur le chantier de rénovation (entreprise ANTOINE, 95 Argenteuil) d’un immeuble d’habitation de 4 étages à Asnières-sur-Seine.

Filoche adore nous donner des leçons sur « la souffrance au travail et la dignité des travailleurs », nous qui sommes animés « d’intentions malsaines ». Le bonhomme revendique d’ailleurs l’indignation comme mode de pensée ce qui, on l’avouera, n’est jamais bon signe de la part d’un membre éminent du parti socialiste, et parisien parmi les parisiens.

Regardons de près l’argumentation de Filoche, qui, évidemment, ne peut pas être malsaine.

Il y a 500 accidents mortels, dont 1/3 par chute, 4500 handicapés, 700 suicides, 650 000 accidents avec arrêts par an et 150 000 accidents cardiaques et vasculaires directement liés au travail. Le code du travail n’est ni « obèse », ni « illisible », au contraire, il n’est pas encore assez détaillé, pas assez fort, ni précis, ni assez contrôlé, ni assez appliqué et les sanctions contre les employeurs ne sont pas assez draconiennes.

Filoche oublie de préciser que, sur 500 accidents mortels, 300 environ sont des accidents de la circulation survenus sur le chemin du travail ou du domicile, sans la moindre intervention de l’employeur. Il oublie aussi de dire que, sur 150.000 accidents cardiaques, à peu près autant n’ont d’autre raison professionnelle que d’être survenus durant le temps de travail, pour des raisons qui tiennent à la santé physique des victimes et certainement pas à cause du travail confié au salarié. Mais, évidemment, on n’a pas le droit de pointer la récupération malsaine de cette réalité ordinaire pour des motifs qui se dissimulent sous une prétendue indignation idéologique. Il est en tout cas très malhonnête de faire croire qu’un durcissement du code du travail permettra de supprimer les crises cardiaques des salariés en France.

Filoche serait mieux inspiré de rappeler toute l’injustice du régime d’indemnisation des accidents du travail en France. Rappelons que ce régime patronal propose des indemnités bien plus basses que le régime civil. Mais que les salariés soient lésés par les dispositifs existants ne fait évidemment pas partie des préoccupations des Filoche et autres bobos: l’enjeu n’est pas de servir les salariés, mais de défendre ses mandats et de se donner bonne conscience…

Le Code du Travail et les carabistouilles de Libération

Ceux qui aiment l’intox bobo auront lu avec délectation un récent article de Libération qui prétendait répondre aux propos de Macron sur la vie de l’entrepreneur parfois plus dure que celle du salarié. Cet article est un condensé de sottises dont je relève quelques perles.

Par exemple, pour prouver que les patrons gagnent plus que les salariés, le quotidien post-révolutionnaire nous sort des statistiques de l’INSEE qui rappellent que le revenu annuel médian des indépendants est inférieur à 20.000 euros, alors que celui des cadres est de 32.000 euros et celui des « professions intermédiaires » (les enseignants notamment) est de 24.000 euros. Selon l’INSEE, le revenu médian des indépendants n’est même pas supérieur de 1.000 euros par an à celui des ouvriers qualifiés ou des employés. D’où cette extravagante conclusion: les indépendants vivent bien mieux que les salariés. Fallait oser!

Dans le même temps, l’auteur de cet article, Amandine Cailhol, pointe le fait que les indépendants sont moins endettés que les autres. Nouvelle preuve selon elle de l’extrême aisance dans laquelle ils baignent. Un minimum de recherche de la part de cette journaliste lui aurait surtout montré qu’un indépendant n’a pas de fiche de paie… et sans fiche de paie, l’accès au crédit est extrêmement rare.

Mais ces questions d’honnêteté intellectuelle n’ont pas de place dans la pensée bobo: l’enjeu n’est pas d’approcher de la vérité, mais de professer sa prière quotidienne au dieu Salariat.

Le Code du Travail n’est pas prêt d’être réformé

Bref, ce n’est pas demain la veille où la France va remettre en cause les normes qui pénalisent les preneurs de risque et qui favorisent les chercheurs de rente. Et c’est bien dommage, car l’économie mondiale change et la France prend du retard dans la compétition internationale.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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