Le rapport Liikanen, cadre de la réflexion sur la réforme bancaire en cours en Europe, milite pour une séparation complète des activités spéculatives et de dépôt, ce qui est à risque et ce qui l’est moins. Le projet de loi du gouvernement socialiste français préserve la « banque universelle », comme une concession aux banquiers français farouchement opposés à la réforme.
Ce texte concernera les banques, mais aussi les entreprises d’investissement et les compagnies financières, les courtiers, assureurs ou spécialistes du crédit à la consommation. Sur les sept « titres » que comporte le texte, quatre sont particulièrement importants : séparation des activités utiles au financement de l'économie des activités spéculatives ; mise en place du régime de résolution bancaire ; surveillance macro-prudentielle ; renforcement des pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP).
La séparation des activités utiles au financement de l'économie des activités spéculatives
L’objectif est de limiter, au plus tard en juillet 2015, les activités de marché des établissements de crédit « aux activités nécessaires au financement de l’économie ». Parmi ces opérations utiles, le texte cite notamment la prestation de services d’investissement à la clientèle. Ces services doivent répondre à un double impératif : être rémunérés par le client et donner lieu à une gestion prudente des risques – concept que viendra préciser un texte réglementaire.
De nouvelles activités interdites
Il sera désormais interdit aux banques de détenir des participations dans des fonds d’investissement spéculatifs ou hedge funds. Certaines activités, comme celles qui portent sur les matières premières agricoles et les opérations de trading à haute fréquence, réalisées par ordinateur en rafale et à grande vitesse, seront interdites.
Des activités spéculatives cantonnées à des filiales dédiées
Les activités sans lien avec les clients ou sans utilité pour le financement de l’économie devront être affectées à des filiales dédiées, « capitalisées et financées de manière autonome ». Dans les faits, ce sera comme si ces filiales n’appartenaient pas au groupe bancaire.
Une surveillance renforcée des marchés
L’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), rebaptisée Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF) verront renforcées leurs missions de surveillance des marchés des établissements de crédit et disposeront des pouvoirs de police adéquats pour les conduire. Ainsi, l’ACPR pourra retirer un agrément à un établissement pris en faute ou s’opposer à la nomination d’un dirigeant. Celle-ci sera aussi chargée de missions nouvelles en matière de prévention et de gestion des crises bancaires.
Renforcés aussi les pouvoirs du Conseil de régulation financière et du risque systémique (Corefris), rebaptisé Conseil de stabilité financière, chargé d’assurer un contrôle macro-prudentiel.
La promesse à moitié tenue de François Hollande
Au cours de la campagne présidentielle, le candidat socialiste François Hollande s’était engagé à entreprendre une vaste réforme instaurant une séparation nette entre banque de dépôt et banque d’affaires. Dans les faits, il s’agissait de revenir à la loi de séparation stricte de 1945, la version française du Glass-Steagall Act, adopté par les États-Unis durant la grande dépression.
Le candidat socialiste avait décidé d’en faire un thème majeur de son programme et s’était présenté, lors de son discours du Bourget en janvier 2012, comme un adversaire du « monde de la finance ».
Le président François Hollande présente une réforme si ce n’est plus modeste en tout cas assurément moins contraignante. Moins contraignante que les préconisations du rapport Liikanen – une séparation complète des activités de dépôt des activités spéculatives -, moins contraignante aussi que la législation qui prévaut aux États-Unis (Volker Rule) et au Royaume-Uni (réforme Vickers).
Le projet est doublement critiqué. Le secteur bancaire y voit une atteinte à la liberté de ses activités - à travers les multiples interdictions mais aussi le renforcement des pouvoirs de contrôle des régulateurs – qui ne correspondrait pas aux besoins de l’économie nationale. Les partisans d’une stricte séparation des activités de dépôts et de spéculation clament, pour leur part, qu’il ne s’agit que d’une réforme cosmétique à l’impact marginal.
Pas étonnant sans doute que François Hollande, en héritier de Jacques Delors, ait tenu à préserver le modèle de « banque universelle » que ce dernier avait porté sur les fonts baptismaux avec la loi bancaire du 24 janvier 1984.
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