Réduction du quotient familial : les familles nombreuses matraquées par l’impôt

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 4 juin 2013 à 8h50

Depuis l'annonce de la baisse du quotient familial de 2000 à 1500 euros, on ne lit dans les médias que des histoires de familles de trois ou quatre enfants (jamais plus, comme si elles n'existaient pas) dont le revenu des parents dépasse 50 000 euros. Seuil "à atteindre" pour être impacté par la réfome. Impacté, cela veut dire, payer plus d'impôts.

C'est oublier que près de la moitié des Français ne payent pas d'impôt sur le revenu. En 2012, 53 % des foyers ont dû s'acquitter en moyenne de 2314 euros d'impôts, sachant que 74 % des recettes de l'impôt sur le revenu proviennent de seulement 10 % des contribuables. Le mythe des riches qui ne paient pas d'impôts a la vie dure. Ils existent mais sont une poignée.

Dans le lot des 47 % de familles exonérées d'impôt sur le revenu se retrouvent, grâce au fameux quotient, une large partie des familles nombreuses. Une étude de l'INSEE révélait l'an dernier qu'à revenu égal, entre deux foyers fiscaux, chaque enfant en plus dans l'un des deux représente un "apauvrissement" de 10 %. Autrement dit, chaque enfant dans un foyer lambda abaisse le train de vie dudit foyer de 10 %. C'est pour lutter contre cette inégalité indiscutable (les enfants sont un "actif", qui profite à la société une fois celui-ci au travail, payant des cotisations sociales et des impôts pendant 40 ans minimum, et bientôt plutôt 50) que le quotient familial a été créé en 1948. Il sert à compenser l'impact du premier des impôts qui frappe les familles nombreuses : la TVA.

Oui, dans une famille nombreuse, toutes les dépenses sont mécaniquement multipliées par le nombre d'enfants à charge. Il faut bien des pantalons des chemises des chaussures et des chaussettes en plus pour chaque enfant, comme un steak et de la purée dans chaque assiette. Si le pantalon peut passer, en théorie, d'un frère à l'autre (avec des trous) permettant quelques petites économies d'échelle, le steak, lui, ne se partage pas, ou mal. Le quotient avait donc été imaginé à l'origine pour aider les familles nombreuses à consommer pour leurs enfants. Il visait à leur restituer un peu de cette TVA qu'elles payent autant de fois qu'elles ont d'enfants en plus.

Le quotient familial avait aussi, depuis quelques années, une autre tache : soutenir un minimum les familles nombreuses face au renchérissement colossal du logement. Car là encore, une famille avec 3 ou 4 enfants ne peut raisonnablement pas vivre dans le même logement que la famille à enfant unique ou avec deux enfants à charge. Or, la chambre en plus, sur l'Ile-de-France, c'est bien souvent une affaire à 300-500 euros par mois, et ailleurs 150 à 300 euros. Là encore, le quotient familial participait un petit peu à cet effort.

Les simulations qui prétendent que seules 12 % des familles nombreuses, les plus aisées, seront impactées par la réforme, en cela qu'elles payeront plus d'impôts sont en fait mensongères. Certaines simulations montrent qu'une famille de 4 enfants, avec des revenus dépassant 80 000 euros, devra payer 2000 euros de plus par an. Une paille ! 2000 euros, ce sont... les vacances familiales. La voiture qu'il fallait faire réparer. Une fenêtre à changer au domicile, pourvu que la famille en soit propriétaire. Un chiffre qui va crescendo avec le nombre d'enfants à charge : 4000 euros d'impôts en plus pour une famille de 8 enfants... Justice, vous avez dit justice ?

Mais là n'est pas le vrai mensonge : Nulle part je n'ai lu ni entendu parler du crédit d'impôt. Ce chèque que des millions de Français touchent en septembre, en lieu et place de se voir solliciter pour en payer. Qui dit crédit d'impôt dit bien que l'Etat admet que vous en avez trop payé. Comment ? En consommant, le graal de la relance de la croissance. Or, l'abaissement du plafond du quotient familial, cela veut dire moins de crédit d'impôt pour des millions de foyers fiscaux avec enfants. Et ca, bien entendu, les experts de Bercy se sont bien gardés d'en parler et de faire des simulations pour les fournir à la presse.

Ce chèque que le Trésor Public envoie en septembre, c'est le coup de pouce de la rentrée pour bien des familles nombreuses qui, aux trois quarts de l'année, tirent la langue, en attendant le 13e mois avec impatience quand il existe. Or, en baissant une nouvelle fois le quotient familial, en baissant pour la deuxième fois le quotient familial en moins d'un an de mandat faudrait-il dire, François Hollande et Jean-Marc Ayrault assassinnent les familles nombreuses.

On sait que le choix de la réforme des allocations familiales s'est porté sur le quotient, plutôt que sur les prestations versées, car c'était tellement plus facile. Mais c'était aussi tellement plus pervers ! Des millions de familles vont découvrir l'an prochain, en septembre 2014, après les municipales (tiens tiens...) que la solidarité, principe fondateur des allocations familiales, n'est plus qu'un mythe. Et ces familles ruminent, quand elles pensent que ce sont leurs enfants -et non pas la dizaine, tout au plus, de malheureux enfants adoptés par les quelques centaines de mariés gays de l'année à venir- qui payeront les retraites des générations aux commandes aujourd'hui.


A ce train-là, la prochaine réforme de la politique familiale consistera à instaurer des tickets de rationnement réservés aux familles nombreuses, afin de leur permettre d'acheter du pain ou des chaussures pour leurs enfants, dans des magasins d'Etat, à prix régulés, hors taxes. Notre économie est déja en voie de "RDAtisation", notre politique familiale désormais, aussi.

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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