Monsieur le Président, garant des valeurs de la République qui nous unissent, une insupportable injustice a été commise et perdure encore de nos jours !
Cette situation a trait à la spoliation et à l’internement des nomades français de 1940 à 1946, bien après le rétablissement des pouvoirs républicains en 1944.
Durant cette période obscure, ces victimes françaises, souvent mineures ont été persécutées et privées de toute liberté.
Dès 1939, la circulation des nomades est interdite dans plusieurs départements français pour être étendue à tout le territoire métropolitain le 6 avril 1940 date à laquelle ils ont tous été internés. Tous.
Le critère d’internement tenait à leur appartenance réelle ou supposée au peuple Tsigane et à leur caractère nomade.
6.500 personnes hommes femmes et enfants furent alors jetés dans le plus grand dénuement matériel et moral.
Circassiens, forains, rampailleurs, tous ont du abandonner leur métier.
Pour tout nomade, l’internement vécu comme un emprisonnement était synonyme de mort de leur métier ambulant.
Certains adultes malades et considérablement affaiblis par l’internement furent forcés de travailler pour les entreprises françaises ou allemandes.
Des enfants ont été honteusement séparés de leurs parents et furent placés à l’Assistance Publique. L’horreur pure et simple.
Comme s’il fallait ajouter le vol à l’ignominie, au moment de la Libération tous leurs biens furent spoliés et la plupart n’ont strictement rien retrouvé - si ce n’est ruine et désolation.
Très peu de roulottes ou matériels forains et circassiens ont pu être retrouvés.
Enfin certains nomades ont connu l’horreur concentrationnaire et les camps d’extermination nazis comme en 1943 depuis le camps de Poitiers où les internés ont été livrés à la barbarie raciale allemande par les autorités françaises.
Certains camps n’ont été libérés qu’à partir de 1946 alors que la guerre était déjà achevée en 1944 et les camps de concentrations libérés dans l’effroi.
À ce jour aucun Tzigane ayant été interné n’a pu être indemnisé par France. Aucun, dans notre République.
Pourtant l’espoir demeure :
« Le jour est venu et il fallait que cette vérité soit dite » a déclaré François Hollande lors de l’hommage national au nomade interné en France de 1940 à 1946, dans son discours historique de Montreuil-Bellay .
Il admit enfin que « la République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés et admet que sa responsabilité est grande dans ce drame. »
Hélas, l’absence de tout régime indemnitaire demeure malgré le caractère accablant des témoignages et des preuves irréfutables qui ont été réunis par d’éminents historiens.
Cela est insupportable.
On ne trie pas les victimes.
Monsieur le Président de la République, en ayant la charge de l’État, il vous incombe de mettre un point final à cette sordide injustice qui entache l’honneur et la grandeur de notre pays.
Devons-nous vous rappeler que les victimes sont particulièrement âgées et fragiles, et qu’à ce titre l’urgence de gouverner votre action est immense ?
Attendre serait les spolier une seconde fois.
Nous vous demandons de modifier le Décret n°99-778 du 10 septembre 1999 instituant une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation afin de lever tous les obstacles à une réparation intégrale du préjudice subi par les nomades victimes de cet honteux internement dont la France à sa part de responsabilité.
C’est un minimum.
Une telle demande vous a été formulée solennellement par deux associations siégeant à la commission nationale consultative des gens du voyage… en vain. Nous voulons croire qu’il s’agit d’un retard ou d’une maladresse.
Par cette tribune nous prenons date avec l’Histoire et avec vous-même, Monsieur le Président, avec l’espoir que les victimes soient enfin entendues. Il en va de l’honneur - ou du déshonneur - de notre pays.