Les derniers chiffres du chômage sont particulièrement inquiétants : 3 187 700 chômeurs en catégorie A, soit 18.400 de plus qu'en janvier, et près de 5 millions si l'on considère l'ensemble des catégories, après une augmentation de plus de 86 000 depuis le 1er janvier.
En somme, en un an, le chômage a grimpé de 10%. Plus problématique encore, le chômage de longue durée bondi de + 14,7% sur l'année et sa durée moyenne bas un record de plus de 10 ans : 480 jours. Ces chiffres sont préoccupants pour les chômeurs concernés ; ils le sont aussi pour ce qu'ils révèlent de la situation de nos entreprises. L'alerte est donc sonnée.
De fait, c'est à une lutte, non pas temps contre le chômage que pour l'emploi que j'appelle. Face à ce défi, je propose la voie du pragmatisme : le développement des entreprises. Le chômage est traité depuis trop longtemps comme un sujet ex-nihilo, hors sol. Il est temps de réintégrer une idée simple et pragmatique : l'emploi prend racine dans l'activité économique !
Président du MEDEF, voici 5 des grands axes sur lesquels je concentrerais l'action de l'organisation pour lutter contre le chômage. Bien sûr, ils ne recouvrent pas toutes nos propositions. Seulement le cœur du réacteur.
Premièrement, nous devons nous atteler au problème d'adéquation entre l'offre et la demande – je pense particulièrement à la question des 800 000 emplois non pourvus. Sur ce point, j'identifie trois principaux leviers sur lesquels, à périmètre constant, de réelles marges de manœuvre existent.
D'abord, comme le suggère la Cour des Comptes, l'indemnisation du chômage (1,4% du PIB) et particulièrement l'Allocation de Retour à l'Emploi (ARE), pourrait être renforcée durant les premiers mois de chômage mais réduite dans le temps ou plus dégressive afin de dynamiser la recherche d'emploi. Parallèlement, l'accompagnement et la formation du demandeur d'emploi, comme du salarié, doivent être repensés. Certes, il s'agit d'un serpent de mer. Mais il est temps de passer aux actes et à une réforme en profondeur.
Toutefois, le chômage en France a atteint une telle ampleur qu'il ne peut se résumer à la seule question des emplois non pourvus.
D'où un deuxième axe de travail. La taille des entreprises française est un handicap. Trop petites, elles sont particulièrement fragilisées dans une conjoncture de crise et ont peu de moyen d'adaptation. En Allemagne, le tissu d'entreprises, avec beaucoup plus d'ETI, est très élastique. Cela permet de jouer sur des accords de compétitivité. En France, quand une entreprise de 10 salariés a des difficultés, il est illusoire d'imaginer en supprimer 5 et de demander des efforts aux 5 autres. Il faut donc avancer avec pragmatisme et viser le développement des nos PME.
Concentrons-nous par exemple sur les effets de seuil et sur les freins fiscaux et réglementaires qui brident leur croissance. Nous savons que le développement de l'emploi achoppe en France sur des plafonds juridiques complètement déconnectés de la réalité économique : les contraintes évoluent en fonction d'un nombre de salariés arbitrairement décrété. N'est-il pas possible de réviser ces seuils ?
Naturellement, la baisse ou le transfert des charges qui pèsent sur le travail est l'une des pistes prioritaires dans la lutte contre le chômage. C'est un troisième axe essentiel. Mais il ne se suffit pas à lui-même.
N'oublions pas aussi – c'est un quatrième axe – la problématique vitale de la stabilité de l'environnement juridique de l'entreprise, notamment concernant le droit du travail. Comme l'ensemble des contraintes réglementaires qui pèsent sur l'entreprise, le code du travail doit être simplifié et revu au plus près de la réalité, sans dogmatisme.
La signature de l'ANI du 11 janvier dernier va dans le bon sens. Mais il faut aller au bout de la logique : les négociations – sur le temps de travail par exemple – doivent se tenir au plus près des entreprises. En outre, les pouvoirs publics doivent comprendre qu'il existe un phénomène de peur de l'embauche que la crise ne fait qu'accentuer en rendant très imprévisible l'horizon des entreprises. Il faut donc accepter le paradoxe de la « flexi-employabilité » : faciliter la séparation, c'est aussi faciliter l'embauche.
Cinquième point : puisqu'il est question de perspectives et de confiance, comprenons qu'il n'y aura pas de choc anti-chômage sans un choc pro-entreprise. Or, pour restaurer la confiance des entreprises, il faut notamment consolider leur trésorerie et faciliter leur capacité à renforcer leur capital. C'est pourquoi je mets la création d'une bourse des PME et d'un PEA-PME au cœur de mes priorités. Plus généralement, c'est la fiscalité du capital et de l'investissement long dans l'activité économique qui doit être repensée comme une condition du dynamisme économique et comme une arme anti-chômage.
J'espère que les Assises de l'entrepreneuriat feront des propositions concrètes en ce sens. Réarmer le financement de nos PME, c'est relancer l'activité économique et développer l'emploi.
Enfin, il faut être conscient que nos produits sont nos emplois. Le comprendre, c'est agir sur nos normes au niveau local, national et européen. Il ne s'agit pas d'être protectionniste, bien au contraire. Simplement de ne pas être naïf.
Répondre au chômage, c'est avant tout miser sur l'entreprise. Parlons entreprise !