Terre du football, la Grande-Bretagne se veut actuellement être la terre de la performance au niveau européen. La forte présence des Anglais dans les derniers carrés de Ligue des Champions et Europa League s’explique par un modèle économique qui galvanise la performance de ses clubs...
La Premier League, objet des convoitises
« Je ne suis pas venu ici pour gagner la Ligue des champions, honnêtement. Je suis venu ici pour jouer comme nous l'avons fait ces 20 derniers mois » racontait Pep Guardiola avant le match retour City-Tottenham (le 17 avril dernier, ndlr). L’air de dire qu’il y a plus important pour les clubs anglais que la Ligue des Champions… La Premier League, voilà l’objet des convoitises. Chaque année deux ou trois clubs peuvent prétendre au graal ultime, et six ou sept équipes se battent pour faire partie du Big Four : les deux Manchester (City et United), Liverpool, Chelsea, Arsenal, Tottenham et puis, selon les aléas, des équipes telles que Leicester, Everton ou encore Southampton.
Cette suprématie de l’objectif national a certainement rendu le but européen moins compliqué à atteindre pour les équipes d’outre-Manche. Sans généraliser et induire qu’ils sont les meilleurs d’Europe, nous tenons à souligner la forte densité de clubs anglais au très haut niveau. Sur les huit équipes encore en lice dans les deux compétitions européennes majeures, la moitié sont basées en Angleterre.
Une longueur d’avance acquise au fil des années, fruit d’une progression générale… par le biais de recettes personnelles différentes.
D’abord, les droits de retransmission de la Premier League ne cessent de s’envoler. Et cette folle hausse des prix n’est pas issue d’une concurrence entre les diffuseurs nationaux, comme on le voit en France entre Canal+, BeIn Sports et RMC pour la Ligue 1 ; elle se calque sur l’augmentation de la valeur du produit que sont les matches du championnat anglais. Il faut saluer la démarche accompagnatrice de SkySports, qui a sans cesse fait monter les enchères dans la logique suivante : “plus j’injecte de l’argent dans la ligue, plus elle va me rapporter.” C’est ainsi que même les relégués empochent plus de 100M€ via les droits TV pour une saison de Premier League, un montant presque deux fois supérieur à celui du plus gâté en Ligue 1 Conforama qui perçoit 55M€ en moyenne.
La concurrence entre médias, l’actuel PDG Richard Scudamore la laisse exister pour les droits TV à l’étranger. Ainsi, les droits de diffusion de la Premier League à l’étranger sont passés de 205M€ en 2001 à 3.7Mds€ actuellement.
Le football anglais, du moins son championnat principal, est une référence pour tous les autres dans la construction d’une identité et le développement du football-spectacle. Chaque détail compte et les dirigeants de la Premier League l’ont bien compris.
Partons des pelouses, réputées pour être toujours magnifiques, et non pas parce que les conditions météo favorisent leur embellissement. Ce sont bien les jardiniers locaux qui font des miracles, ce qui avait mis la puce à l’oreille du PSG en 2013, lors du recrutement de son “greenkeeper” Jonathan Calderwood. Et dans une démarche de concurrence saine, le club de la capitale avait volontiers mis à disposition les services de son Mr. Vert à l’Olympique Lyonnais, en 2018, pour régler des problèmes de pelouse récurrents.
Des joueurs étrangers en majorité
Au-delà de la pelouse, le bouquet garni de grands joueurs internationaux est l’argument de vente numéro 1 du championnat. Les équipes britanniques arrivent à arracher des pépites aux clubs étrangers, comme le fait Chelsea - parfois à outrance avec ses 40 joueurs prêtés chaque saison - mais le plus souvent avec réussite, en témoignent les cas Eden Hazard et N’Golo Kanté. Lors de l’exercice en cours, 72% des joueurs de Premier League sont étrangers, ce qui alertait la fédération anglaise en novembre 2018. Les étrangers trustent la place des meilleurs joueurs du championnat. Par exemple, cinq des six nominés pour le titre de meilleur joueur de la PL, tout juste attribué au Néerlandais Virgil Van Dijk, sont étrangers cette saison. Seul Raheem Sterling déroge à la règle, comme Harry Kane l’an dernier.
La plupart des joueurs rêvent de porter un maillot de Premier League au moins une fois dans leur carrière. Zlatan Ibrahimovic, après avoir brillé en Eredivisie, Serie A, Liga et Ligue 1, a tenu à fouler les pelouses anglaises avec Manchester United comme s’il avait gardé le meilleur pour la fin, avant de s’exiler à Los Angeles.
Le pouvoir d’attractivité sur les meilleurs joueurs du monde entraîne à coup sûr le même phénomène chez les fans. Malgré des prix moyens très élevés, la Premier League est le championnat européen qui remplit le plus ses enceintes et se rapproche du guichet fermé à chaque rencontre. Entre 2010 et 2017, les stades du championnat anglais étaient remplis à 94.95% soit 3 points de plus qu’en Allemagne (91.3%) et loin devant la Ligue 1 et son taux de remplissage de 70% (source Statista).
Pour suivre le rythme des clubs anglais sur le moyen ou long-terme, cela implique un niveau budgétaire élevé pour les concurrents européens. Sauf en cas d’aventure humaine d’exception, comme celle de l’Ajax en Ligue des Champions. Mais les Néerlandais n’ont pas encore affronté de club anglais, me direz-vous...