Faut-il considérer que jusqu’ici tout va bien ?

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 13 juillet 2018 à 11h35
Chine Etats Unis Commerce
cc/pixabay - © Economie Matin
2,9%L'inflation s'établit à 2,9% aux États-Unis.

Les tensions commerciales restent en toile de fond de la formation de la psychologie des investisseurs. Quelle est la teneur des propos des officiels, avant tout américains et chinois ? Les chiffres économiques portent-ils la trace des effets négatifs redoutés des entraves mises au commerce international ? Les entreprises et les économistes perçoivent-ils les premiers signes du ralentissement économique que tout le monde craint ? Quel est le message envoyé par les marchés de matières premières, habituellement prompts à capter les pulsations de l’économie mondiale ?

Disons qu’hier trois de ces quatre familles d’indicateurs ont envoyé des messages plutôt constructifs. L’exception était pourtant d’importance, avec des vues plus réservées sur les perspectives de croissance. La Commission européenne a revu sa prévision de croissance du PIB pour la Zone Euro cette année de 2,3% à 2,1%. Bien sûr, le début de l’exercice a été poussif et il y a des incertitudes politiques en Allemagne et en Italie. Il n’empêche que la logique protectionniste a aussi sa part dans le regard plus prudent de Bruxelles sur la dynamique économique des prochains trimestres. De son côté, le patron de la Fed, Jerome Powell, insiste pour la deuxième fois sur les préoccupations grandissantes du monde des affaires américain quant aux conséquences des changements en cours dans la politique commerciale du pays.

Les autres dimensions de l’environnement commercial international étaient donc plus favorables. De fait, le prix des matières premières, après avoir nettement baissé mercredi, s’est un peu repris hier. De plus, les messages envoyés par Pékin et Washington insistaient sur la nécessité de poursuivre le dialogue et de trouver une solution à une situation qualifiée de dispute et non de guerre commerciale par le secrétaire américaine au Trésor.

Et puis il y a les chiffres. Ils ne racontent pas l’histoire compliquée dont Powell a parlé hier : plus d’inflation (sans doute à cause de droits de douane significativement plus élevés) et moins de croissance (car plus d’incertitudes et moins de pouvoir d’achat) ; ce qui rendrait plus « challenging » la conduite de la politique monétaire.

Du côté de l’inflation aux États-Unis, rien de vraiment nouveau. Certes le glissement sur un an des prix à la consommation est à un plus haut en juin depuis plus de six ans, à +2,9% pour l’indice d’ensemble et +2,3% pour le noyau dur. Au-delà du fait qu’ils ne portent pas la trace des tensions commerciales en cours, il n’y a sans doute pas de raisons d’être trop inquiet. Même si la vigilance est de mise. Premièrement, l’indice d’ensemble va ralentir dans les prochains mois pour des raisons d’effet-base ; deuxièmement la dynamique du noyau dur reste dans une zone de « respiration » autour de la cible de 2% de la banque centrale ; troisièmement, les évolutions en cours du côté du marché du travail et de la formation de capital des entreprises rassurent plutôt sur le profil futur de l’inflation. Disons deux mots sur chacun de ces sujets. Pour ce qui est du marché du travail, la population active augmente (plus d’apprentis et davantage d’emplois pour les gens handicapés) tandis les modes de rémunération évoluent (la partie variable augmente relativement à la fixe). Pour ce qui est du capital productif, l’investissement des entreprises progresse à bon rythme, le stock de capital augmente et au final les gains de productivité sont plus élevés.

Du côté du commerce extérieur, les chiffres chinois du mois de juin sont bons. L’économie du pays n’est pas encore négativement affectée, ou alors de façon marginale, par les tensions avec les Etats-Unis. D’ailleurs, rappelons-le, Pékin est en train d’assouplir sa politique économique et ceci, tous azimuts. C’est vrai des instruments budgétaire et monétaire ; cela paraît être dorénavant aussi le cas de la réglementation. On dit que les exigences plus dures, évoquées voire décidées il y a quelques temps, seraient décalées. Bref, la demande intérieure doit être à même de compenser, en termes de niveau de la croissance économique, les probables pertes en provenance de la demande extérieure.

Une façon de peut-être mieux comprendre la réactivité des autorités de Pékin est d’oser un parallèle entre les initiatives actuelles des États-Unis vis-à-vis de la Chine et celles d’il y a près de trente ans en direction du Japon. Le graphique ci-dessous donne la mesure du parallèle.

Il est tout à fait certain que les Chinois, au-delà de la similitude entre les conditions ayant amené à des situations de crise avec les Etats-Unis, ne veulent pas vivre demain les enchainements économiques subis par le Japon : forte hausse de la devise, très fort ralentissement de la croissance économique, endettement public record et sérieux problèmes bancaires. Ceux-ci ont-ils d’ailleurs été entièrement mis derrière ?

Bien sûr, la Chine n’est pas un « obligé » des États-Unis. Sa situation est donc très différente de celle du Japon d’hier (et d’aujourd’hui). Il n’empêche que l’expérience nipponne ne peut que l’inciter à négocier « pied à pied » avec l’Administration américaine. L’enjeu est simplement trop important, même si la route entre excès de fermeté et position trop faible est étroite.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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