Un thème, peut être le plus important pour les intervenants de marchés : la divergence de perception du risque à travers les différentes classes d’actifs. Explications.
Point de marché : le grand écart
Le graphique ci-dessous compare la prime de risque sur l’Italie et celle sur les entreprises les plus mal notées aux Etats-Unis :
- dans le cas de l’Italie on prend l’écart de taux à l’Allemagne sur le 10-ans,
- dans le cas des entreprises américaines on prend l’OAS spread sur l’indice HY (NB : les papiers dans l’indice HY ont une maturité plus faible, de l’ordre de 5-ans en moyenne).
Durant la crise souveraine 2010-2014, les deux séries étaient très proches non seulement en niveau mais aussi dans leurs évolutions. Depuis 2015 il y a eu une très forte divergence.
La situation actuelle est intéressante à deux titres :
- la prime de risque sur l’Italie a, bien entendu, bondi. Elle est au plus haut depuis avril 2013.
- à l’inverse, la prime de risque sur le HY est au plus bas depuis la crise.
Ces mouvements recoupent deux thèmes majeurs sur les marchés : risque italien bien sûr, mais aussi appétit très fort pour le risque sur d’autres marchés, notamment le crédit américain. Complaisance ? Très probablement.
Il y a donc un troisième thème, peut-être le plus important pour les intervenants de marchés : la divergence de perception du risque à travers les différentes classes d’actifs.
Si la crise précédente a créé une convergence de tous les marchés, avec une prime de risque qui bougeait de manière quasi-identique sur toutes les classes d’actifs, les évolutions récentes montrent une typologie très différente avec des différentiations très marquées. La prime de risque italienne augmente, mais la volatilité sur les marchés actions européens reste à des niveaux très faibles, le risque émergent augmente, mais les bonnes signatures continuent de bien se comporter tout comme l’HY aux Etats-Unis. Tout ceci n’est pas habituel.
Bref, le marché se comporte comme si la prime de risque globale avait disparu, la contamination du risque entre marchés s’est elle-aussi considérablement réduite. Pour l’instant…
Un chiffre officiel sur le déficit italien (de 2018)
Certes, le marché s’en fiche comme de l’an 40, mais l’Italie publie son déficit au sens de Maatricht tous les trimestres. L’année dernière le déficit sur les deux premiers trimestres était de 3,1% du PIB (et 2,3% au final sur l’année, car l’Etat a plus de recettes en fin d’année).
Il a été ramené à seulement 1,9% sur les deux premiers trimestres de 2018.
C’est très bien et c’est une très bonne surprise. Mais ça ne compte pas vraiment : c’est la tendance du déficit avant que le gouvernement actuel ne prenne les rênes.
Un chiffre commedia dell’arte sur le déficit italien (de 2019-2020-2021)
Deuxième révision en moins de 24 heures des prévisions de déficit italien : la dernière version est toujours un déficit à 2,4% pour 2019 mais un objectif de réduction sur les deux années qui suivent. On parle maintenant de 2,1% en 2020 puis 1,8% en 2021.
Rappelons que l’Italie a connu 71 gouvernements après-guerre, ce qui donne une espérance de vie moyenne de 1 an et 20 jours. On voit mal comment ce gouvernement dérogerait à la règle. Les prévisions sont donc… des prévisions. Il faut surtout s’attarder sur le message politique : le gouvernement met de l’eau dans son vin.
Avec ces chiffres, et sous hypothèse de croissance raisonnable, on reste sur le fil du rasoir, avec une dette sur PIB qui se réduit mais à un rythme désespérément lent : d’après nos modèles, la dette sur PIB serait réduite de 1,2 point de PIB en trois ans. C’est tout petit…
Powell toujours aussi optimiste
Le président de la Fed, Jerome Powell a dit que les Etas-Unis profitaient « d'un ensemble de circonstances économiques remarquablement positives ».
La courbe continue à repricer ses attentes de hausses de taux. La probabilité d’une hausse en mars, après la hausse de décembre donc, est maintenant de 60%.
La Turquie n’est pas sortie de l’auberge
Les chiffres d’inflation turque étaient très élevés : 24,52% en septembre après 17,90% en août (consensus : 21,10%). C’est l’effet de la dépréciation de la lire turque sur les prix importés. Un mécanisme très classique dans les crises de change des pays émergents.
Les taux directeurs réels se retrouvent de nouveau en négatif et cela malgré les 625 pdb de hausse du 13 septembre.
Conséquences :
- récession en Turquie quasi certaine
- une autre hausse des taux directeurs très probable